Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PARMÉNIDE (VIe-Ve s. av. J.-C.)

Les interprétations

Il est une manière purement logique de lire Parménide. Elle consiste à laisser la place du sujet vide, prête à recevoir n'importe quel sujet positif, tel un X auquel substituer les variables appropriées. Loisible ensuite d'enchaîner les attributs dans la structure close d'un anneau, tous vrais à la fois, et prenant sens les uns avec les autres, en créant le champ sémantique de l'Être. À la limite, le sens de l'être demeure vide, ouvert par le jeu fini des propositions affirmatives.

Il est une manière physique de lire Parménide. Elle identifie le sujet non nommé à la Sphère (décrite en apposition à la fin du morceau), et la Sphère au corps du monde : unique, semblable à une bille solide homogène. Ce monde, tel que la pensée réussit à le formuler, se substitue au bariolage mouvant de l'apparence sensible, dorénavant dénoncée comme illusoire.

Il est une manière métaphysique de le lire, inaugurée après Platon, et usuelle chez les néoplatoniciens. Elle superpose au monde sensible en devenir, et à son bariolage, un autre monde, connu par la pensée armée du discours. Rien que la pensée armée du discours suffit à dissiper l'illusion sensible, la mouvance où l'homme se croit vivre et mourir, et à installer l'initié solidement dans l'être, avec la ferme assurance que l'Être est.

Une manière plus méditative refuse l'une et l'autre interprétation. Pour elle, le sujet du verbe être reste n'importe quoi de positif, c'est-à-dire de présent vécu. À partir de n'importe quel présent vécu, au sein de la mouvance, la pensée, armée du discours, s'installe dans l'affirmation que c'est. La Sphère n'est plus pensée comme simple structure logique, ni comme corps du monde, ni comme autre monde. Il faudrait dire, avec, notamment, Marc Aurèle, qu'elle symbolise la sécurité enclose en une affirmation tranquille de l'être.

Toutes les interprétations ont en commun de défectueux d'être des interprétations pour nous, formulées pour résoudre les embarras d'une pensée moderne face à l'énigme d'un texte archaïque. Ce texte date d'un âge où la pensée géométrique et la pensée physique n'ont pas pris leur statut autonome, et où toutes les figures se font symboles avec une espèce d'innocence. Nous préférons conjoindre la logique au symbole, et lire la Sphère comme figure de la sérénité. Mais ce texte devrait surtout être l'occasion pour le moderne d'entrer dans un autre univers de pensée.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris, ancien professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Clémence RAMNOUX. PARMÉNIDE (VIe-Ve s. av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Parménide - Élée (Italie) - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Parménide - Élée (Italie)

Autres références

  • POÈME, Parménide - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 788 mots

    Les difficultés liées à l'interprétation des 155 hexamètres qui nous sont parvenus du Poème de Parménide d'Élée (— 500 env.-— 440), intitulé aussi De la nature, conjuguent à la fois les problèmes liés à la philologie et les questions propres à la philosophie. «...

  • ÂGE DE LA TERRE

    • Écrit par Pascal RICHET
    • 5 143 mots
    • 5 médias
    ...création temporelle, ses formations et destructions périodiques, toutes les écoles grecques postulaient que la matière était éternelle. Très précocement, Parménide d’Élée (~vie-ve s. av. J.-C.) avait ainsi affirmé que « l’être est en effet, mais le néantnest pas », en accord avec Démocrite...
  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...également en Italie méridionale, à Élée, que devait vivre et enseigner un philosophe dont Platon dira qu'il est le véritable « père » de la philosophie : Parménide (env. 500-440). S'élevant d'emblée au-dessus de l'expérience, il pose le principe hors duquel, selon lui, il n'est point de salut pour la pensée...
  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    ...brillera pendant plus de deux siècles. Pour Pythagore et ses disciples, le nombre règle tout : art, musique et science. Ce besoin d'harmonie mystique conduit Parménide (515 env.-après 440 av. J.-C.) à supposer la Terre sphérique, car la sphère « est le volume le plus parfait ». Ce n'est cependant que plus tard...
  • CASSIN BARBARA (1947- )

    • Écrit par Jean-Baptiste GOURINAT
    • 995 mots
    • 1 média
    ...présence de Heidegger. L’empreinte de la pensée de celui-ci sur sa propre pensée se retrouve dans son intérêt pour l’ontologie, la « langue de l’être » de Parménide, qu’elle traduira (Sur la nature ou sur l’étant, 1998), et pour Aristote, dont elle a commenté le livre gammade la Métaphysique avec...
  • Afficher les 22 références

Voir aussi