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PARMÉNIDE (VIe-Ve s. av. J.-C.)

Parménide - Élée (Italie) - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Parménide - Élée (Italie)

Les indications de Diogène Laërce situent la maturité de Parménide autour de 500 avant J.-C. et en font un contemporain d'Héraclite. Celles de Platon la situent autour de 480. Dans son Parménide, Platon place Socrate en position d'étudiant par rapport à Zénon, et Zénon en position de disciple par rapport à Parménide. Ce qui vaut dans ce témoignage, c'est moins une histoire, chronologiquement incertaine et construite selon des schémas de tradition, que la reconstitution d'une lignée spirituelle. À trois générations de distance du maître, Platon se sait y appartenir, bien que la pensée de Platon procède de lignées croisées, et prenne son essor au prix d' un « meurtre de l'ancêtre ».

Avant Parménide, une tradition donne Xénophane pour le fondateur de l'école éléatique. La filiation, d'ailleurs incertaine, est importante, pour autant que l'un et l'autre promeuvent l'Unique. Toutefois, c'est du dieu que Xénophane a dit : « Il est Un. » Un texte de théologie archaïsante, attribué par le pseudo-Aristote au pseudo-Xénophane, prouverait l'existence à Élée d'une théologie monothéiste d'expression savante. Quand Parménide dit : « Il est Un », ce n'est pas du dieu qu'il s'agit. Non que Parménide ignore le divin : il se donne pour l'initié d'une déesse, que le moderne n'est point autorisé à prendre pour une allégorie. Mais, dans son poème, le sujet du verbe être n'est pas le dieu, et ne possède même pas l'attribut divin. Si donc Parménide a évité de parler du dieu quand d'autres le faisaient autour de lui, cette correction n'est-elle pas signifiante ? La naissance de l' ontologie prendrait le sens d'un refus : non d'un refus réducteur, mais d'un refus amplificateur, prononcé au nom d'une plus haute exigence.

Les Routes

Grâce à Simplicius, on possède une suite de soixante et un vers du premier discours ontologique de l'Occident ; assez de textes par ailleurs, notamment grâce à Sextus Empiricus, pour se faire une idée de la construction du poème. Cet ensemble fut composé pour être appris et récité, par transmission de la bouche à l'oreille : non qu'on ne sût écrire à Élée, mais on se défiait encore de l'écriture. L'introduction se présente comme le récit d'un voyage initiatique, entrepris par le héros d'une course en char. Tel le vainqueur olympique, le héros compte avec ses bêtes, des « créatures connaissantes » que l'intelligence et le vouloir de l'homme ne suffisent pas à maîtriser : d'elles-mêmes, elles l'emportent sur la route, obéissant aux « filles du Soleil » dévoilées au passage du Seuil. Si le voyage symbolise la démarche vers la connaissance, il faut dire qu'une grâce divine chasse, des Ténèbres vers la Lumière, cette Intelligence dont le premier mérite est de garder l'équilibre, en évitant de faire culbuter le char. Au terme du voyage, une bonne déesse, au nom de l'Alèthéia, ou de Mnèmosynè, accueille l'initié qu'elle comble avec le don d'une double révélation.

Ses premières recommandations composent la doctrine des Routes. « Route » est une image signifiant la démarche du discours : ici, une loi de construction de la phrase, et de l'enchaînement des phrases. Il est permis de prononcer « est » avec un sujet positif : Ce qui est est, ou Il est. Ou, encore, l'équivalent double négatif : Ce qui n'est pas ou Non-être n'est pas. Il est défendu de mélanger un sujet positif avec un verbe négatif, ou l'inverse équivalent, un sujet négatif avec un verbe positif : Non-Être est, ou Être, n'est pas ; telle est la « route de nuit » à barrer. Et il est encore défendu de se livrer à des jeux complexes mélangeant autrement l'être[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris, ancien professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Clémence RAMNOUX. PARMÉNIDE (VIe-Ve s. av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Parménide - Élée (Italie) - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Parménide - Élée (Italie)

Autres références

  • POÈME, Parménide - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 788 mots

    Les difficultés liées à l'interprétation des 155 hexamètres qui nous sont parvenus du Poème de Parménide d'Élée (— 500 env.-— 440), intitulé aussi De la nature, conjuguent à la fois les problèmes liés à la philologie et les questions propres à la philosophie. «...

  • ÂGE DE LA TERRE

    • Écrit par Pascal RICHET
    • 5 143 mots
    • 5 médias
    ...création temporelle, ses formations et destructions périodiques, toutes les écoles grecques postulaient que la matière était éternelle. Très précocement, Parménide d’Élée (~vie-ve s. av. J.-C.) avait ainsi affirmé que « l’être est en effet, mais le néantnest pas », en accord avec Démocrite...
  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...également en Italie méridionale, à Élée, que devait vivre et enseigner un philosophe dont Platon dira qu'il est le véritable « père » de la philosophie : Parménide (env. 500-440). S'élevant d'emblée au-dessus de l'expérience, il pose le principe hors duquel, selon lui, il n'est point de salut pour la pensée...
  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    ...brillera pendant plus de deux siècles. Pour Pythagore et ses disciples, le nombre règle tout : art, musique et science. Ce besoin d'harmonie mystique conduit Parménide (515 env.-après 440 av. J.-C.) à supposer la Terre sphérique, car la sphère « est le volume le plus parfait ». Ce n'est cependant que plus tard...
  • CASSIN BARBARA (1947- )

    • Écrit par Jean-Baptiste GOURINAT
    • 995 mots
    • 1 média
    ...présence de Heidegger. L’empreinte de la pensée de celui-ci sur sa propre pensée se retrouve dans son intérêt pour l’ontologie, la « langue de l’être » de Parménide, qu’elle traduira (Sur la nature ou sur l’étant, 1998), et pour Aristote, dont elle a commenté le livre gammade la Métaphysique avec...
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Voir aussi