MODÈLE
Le modèle dans les sciences sociales
Les diverses sciences sociales ont fait dans le passé un usage plus ou moins précoce et font aujourd'hui un usage plus ou moins systématique des modèles mathématiques. Cette circonstance tient à des facteurs divers : traditions des disciplines particulières, formation des chercheurs, implantation institutionnelle des disciplines. Malgré les résistances, on peut dire que le recours aux modèles mathématiques tend à s'étendre et à prendre une importance essentielle dans la plupart des disciplines. Cela est dû pour une part à ce que certains facteurs technologiques conduisent à un accroissement de la demande de modèles, pour une autre part à ce que les modèles mathématiques appliqués aux sciences sociales, d'abord frustes et souvent directement empruntés aux sciences de la nature, font de mieux en mieux la preuve de leur efficacité, pour conférer à ces sciences une discipline et un statut plus rigoureux.
Les premières recherches
Les premières applications des modèles mathématiques à ce qui constitue aujourd'hui le domaine des sciences sociales sont anciennes. Elles remontent pour le moins au xviii e siècle, avec les travaux de Buffon sur l'« arithmétique morale », de Condorcet sur la décision des assemblées ou, plus tard, de Cournot sur les décisions des jurys correctionnels. En outre, la statistique mathématique, qui connaît, notamment depuis Laplace, un développement important, s'adresse souvent à des phénomènes relevant des sciences sociales et particulièrement de la démographie, de la sociologie et de la criminologie : les travaux de Ladislaus von Borkiewicz, d'Adolphe Quételet, de Wilhelm Lexis, de Denis Poisson ou de P. F. Verhulst sont au xix e siècle parmi les plus significatifs de cette tendance.
Les diverses disciplines face aux mathématiques
Malgré la richesse de cette tradition, les modèles mathématiques ne furent pas acceptés avec la même facilité dans tous les domaines. Certes, il est aujourd'hui difficile de prétendre contribuer au développement de disciplines comme l'économie ou la démographie sans une bonne maîtrise du langage mathématique. Mais, en psychologie sociale, en sociologie ou en ethnologie, il n'en va pas de même. Les applications des modèles mathématiques s'y sont sans doute largement développées, notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Corrélativement, la plupart des universités du monde tendent à imposer l'apprentissage du langage mathématique et statistique aux étudiants en sciences sociales ; néanmoins, les résistances demeurent et il reste possible de mener, sans y recourir, d'importantes recherches en ethnologie ou psychologie sociale par exemple.
Cette différence dans la situation de disciplines comme la démographie d'une part et la sociologie de l'autre ne provient probablement pas, comme on l'avance parfois de façon inconsidérée, de ce que l'objet de la seconde est plus complexe que celui de la première. Elle tient plutôt à ce que la sociologie recouvre traditionnellement des problèmes beaucoup plus divers et hétéroclites que la démographie. À cet égard, elle ressemble à l'économie telle qu'on la définissait encore au xviii e siècle, antérieurement à la fondation de cette branche de la science économique moderne représentée par des pionniers comme Augustin Cournot, Alfred Marshall, Léon Walras ou Vilfredo Pareto. Ce fait explique en grande partie que les applications des modèles mathématiques soient importantes dans certains secteurs de la sociologie, de la psychologie sociale ou de l'ethnologie, et pratiquement inexistantes dans d'autres.
En psychologie sociale, c'est sans doute l'étude des opinions et des attitudes qui a donné lieu aux efforts de formalisation les plus importants. Les modèles de mesure des attitudes[...]
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Écrit par
- Raymond BOUDON : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Hubert DAMISCH : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Jean GOGUEL : ingénieur général des Mines, ancien directeur du service de la carte géologique de France
- Sylvanie GUINAND : maître de recherche au C.N.R.S.
- Bernard JAULIN : membre de l'Académie des sciences
- Noël MOULOUD : professeur à l'université des sciences humaines, lettres et arts de Lille
- Jean-François RICHARD : professeur de psychologie à l'université de Paris-VIII
- Bernard VICTORRI : directeur de recherche au C.N.R.S.
Classification
Pour citer cet article
Raymond BOUDON, Hubert DAMISCH, Jean GOGUEL, Sylvanie GUINAND, Bernard JAULIN, Noël MOULOUD, Jean-François RICHARD, Bernard VICTORRI, « MODÈLE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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