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ÉCONOMIE (Définition et nature) Une science trop humaine ?

La science économique est loin d'être une science exacte, tant les divisions des économistes sont notoires et tant leurs prévisions font l'objet de contestations et de révisions. Par ailleurs, si la science économique évolue, on ne peut guère la créditer de découvertes majeures au cours de ces dernières années. On pourrait d'ailleurs se demander s'il y en a jamais eu ; l'attribution chaque année, depuis 1968, par l'Académie royale des sciences de Suède, d'un prix de sciences économiques (dit communément « prix Nobel d'économie » bien que cela n'en soit pas un) ne suffit pas à en persuader.

Les relations économiques n'en constituent pas moins une part importante des activités humaines, et un esprit scientifique ne peut que chercher à les comprendre. Des générations d'économistes, dont les plus connus ont eu souvent une solide formation scientifique, s'y sont essayés ; on ne peut donc ignorer leurs réflexions, ni l'influence éventuelle que celles-ci ont pu avoir sur l'évolution des sociétés. Faire le point sur les connaissances en économie, et sur les théories des économistes, relève, en soi, d'une démarche scientifique – même si, au bout du compte, les résultats sont maigres ou sujets à caution. Savoir que l'on ne sait pas, ou que l'on sait peu, fait aussi partie de la connaissance scientifique.

Science économique et science

L'expression « science économique » est habituellement utilisée pour désigner l'ensemble des théories économiques. Par « science », on entend généralement un ensemble de connaissances, ou de théories, sur lesquels existe un large consensus : elles sont considérées comme « vraies », pour l'essentiel (car vérifiées – ou, du moins, non falsifiées – par l'expérience ou l'observation). Or, en économie, il est fréquent que des théories différentes coexistent très longtemps, bien qu'elles concernent les mêmes phénomènes, donnant lieu à des explications et des prévisions divergentes, voire opposées. On peut avancer deux raisons à cela, qui font que la situation de l'économie est radicalement différente de celle des sciences au sens strict :

– Les théories économiques portent sur des relations entre les hommes, c'est-à-dire des relations qu'il est difficile de réduire à quelques paramètres simples (ce que fait toute théorie) ; en outre, ces relations varient dans l'espace (elles ne sont pas les mêmes dans toutes les régions du monde) et dans le temps (les sociétés et les mœurs évoluent, parfois très rapidement).

– Le théoricien est, qu'il le veuille ou non, partie prenante des sociétés qu'il étudie, parce qu'il a forcément une opinion sur elles, et donc sur ce qu'il faut faire pour les rendre meilleures. C'est pourquoi les économistes se contentent rarement de constater ce qui est (ou ce qu'ils croient être), du fait qu'ils peuvent difficilement s'empêcher de dire ce qui doit être (ce qu'ils pensent être bon pour la société). L'existence fréquente de cette dimension normative dans le discours des économistes est source de nombreuses confusions. Elle explique notamment certaines réticences à considérer leur démarche comme scientifique. C'est pourquoi, il est essentiel de distinguer le normatif du positif dans tout exposé ayant trait à l'économie – ce qui n'est pas plus facile que de faire abstraction de ses opinions.

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Bernard GUERRIEN. ÉCONOMIE (Définition et nature) - Une science trop humaine ? [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AGHION PHILIPPE (1956- )

    • Écrit par Olivier MARTY
    • 1 173 mots
    • 1 média

    Philippe Aghion est un économiste et universitaire français de renommée internationale. Ses travaux sur la théorie de la croissance et, plus particulièrement, sur l’importance de l’innovation dans le processus de création de richesses, sont reconnus depuis les années 1990. Qualifié de « néo-schumpétérien...

  • AKERLOF GEORGE A. (1940- )

    • Écrit par Universalis
    • 414 mots

    Économiste américain, lauréat en 2001 du prix Nobel d'économie avec Michel Spence et Joseph Stiglitz pour leurs travaux sur les marchés à information asymétrique.

    Né le 17 juin 1940 à New Haven (Connecticut), George A. Akerlof obtient sa licence à Yale en 1962 et son doctorat à l'Institut...

  • ALLAIS MAURICE (1911-2010)

    • Écrit par Universalis, Françoise PICHON-MAMÈRE
    • 1 317 mots

    C'est un économiste français aussi brillant que peu consensuel qui s'est éteint le 9 octobre 2010 à Paris. Participant en 1947 à la première réunion de la très libérale Société du Mont-Pèlerin, partisan de l'Algérie française qui dénonçait le « génocide » commis à l'encontre...

  • ANTHROPOLOGIE ÉCONOMIQUE

    • Écrit par Maurice GODELIER
    • 5 153 mots
    ...humaine ? De nombreux anthropologues, tels Herskovitz, Firth, Leclair, Burling, Salisbury reprennent à leur compte la définition de Robbins et von Mises : l'économie politique est la « science qui étudie le comportement humain comme une relation entre des fins et des moyens rares qui ont des usages alternatifs...
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Voir aussi