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MODÈLE

Le modèle en linguistique

L'activité de modélisation en linguistique a connu un essor considérable depuis le début des années 1970. Comme dans toutes les disciplines qui traitent de données empiriques, les modèles en linguistique cherchent à rendre compte de phénomènes observables : il s'agit de mettre en place un dispositif dont la conception est régie par la théorie linguistique que l'on veut illustrer et dont le fonctionnement produit des résultats comparables aux données observées. La modélisation est donc une manière de mettre en œuvre une théorie, qui permet de mesurer son adéquation aux faits que prétend expliquer cette même théorie. De ce point de vue, plus le modèle est simple, plus son pouvoir explicatif est grand, puisque l'on peut clairement identifier le rôle de chaque élément de la théorie dans son fonctionnement. Mais cet idéal de simplicité est contrebalancé par la nécessité de rendre compte du maximum de données et avec la plus grande précision possible, ce qui réclame en général de complexifier le modèle, et partant de diminuer d'autant sa lisibilité. Il faut donc trouver le meilleur compromis possible entre pouvoir explicatif et fidélité aux données empiriques. Comme dans les autres disciplines, les modèles en linguistique dépendent étroitement des théories dont ils sont issus, et d'abord de la définition des objets d'étude de la discipline. On sait qu'en linguistique, comme dans d'autres sciences humaines, les théories divergent assez vite, y compris sur la nature des phénomènes à étudier : aussi est-il important, quand on cherche à comparer des modèles, de ne pas imputer à la modélisation des qualités ou des faiblesses qui sont le fait des théories sous-jacentes. Comme dans les autres disciplines enfin, ce sont essentiellement les mathématiques qui sont mises à contribution dans l'activité de construction de modèles, soit directement, soit plus fréquemment par l'intermédiaire de l' informatique : en fait, une modélisation informatique dérive toujours d'un modèle mathématique sous-jacent, que cette dérivation soit explicite ou non. Ce rôle important de l'informatique ne doit pas conduire à confondre l'activité de modélisation dont il est question ici et le traitement automatique des langues. Même si des liens étroits se sont noués entre ces deux types d'activité, les objectifs et les méthodes restent différents : pour schématiser, on peut dire que dans le traitement automatique des langues la linguistique doit être en quelque sorte au service de l'informatique, pour aider à accomplir les tâches précises que l'on cherche à automatiser, tandis que dans la modélisation c'est l'informatique qui doit absolument rester sous le contrôle de la théorie linguistique que l'on veut tester.

Au-delà de ces généralités, il faut noter aussi que les modèles linguistiques dans leur ensemble présentent quelques spécificités propres à la discipline. D'abord, le fait qu'il s'agit d'étudier des systèmes de signes permet de différencier deux types de modèles. Les premiers, que nous appellerons modèles internes, cherchent à rendre compte de la combinatoire des signes produits (ou productibles) en elle-même, telle qu'on peut l'observer. Les seconds cherchent au contraire à représenter ce qui fait de ces productions des signes, en traitant de leur relation avec leur forme ou avec leur sens : nous les appellerons modèles d'interface. Comme on le verra, le statut épistémologique des ces deux types de modèles est différent, ce qui doit nous conduire à les distinguer soigneusement, même si une seule et même théorie linguistique peut produire des modèles des deux types ou réduire l'un à l'autre en considérant le langage comme un système clos dans lequel s'intègrent formes et sens des signes[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
  • : ingénieur général des Mines, ancien directeur du service de la carte géologique de France
  • : maître de recherche au C.N.R.S.
  • : membre de l'Académie des sciences
  • : professeur à l'université des sciences humaines, lettres et arts de Lille
  • : professeur de psychologie à l'université de Paris-VIII
  • : directeur de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Raymond BOUDON, Hubert DAMISCH, Jean GOGUEL, Sylvanie GUINAND, Bernard JAULIN, Noël MOULOUD, Jean-François RICHARD et Bernard VICTORRI. MODÈLE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Peintre et son modèle</it>, Kitagawa Utamaro - crédits :  Bridgeman Images

Le Peintre et son modèle, Kitagawa Utamaro

Notre-Dame de Paris, les voûtes - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Notre-Dame de Paris, les voûtes

Autres références

  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    ...respectifs des aspects communs et des dissemblances entre les caractéristiques des systèmes comparés. Les considérations qui précèdent montrent que tout modèle d'interprétation théorique, formalisé ou non, correspond déjà en fait à une analogie entre système signifié et système signifiant. Le problème n'est...
  • ARCHÉTYPE

    • Écrit par Henry DUMÉRY
    • 274 mots

    On appelle archétype un modèle idéal, un type suprême ou un prototype : dans ce sens, les Idées chez Platon sont le modèle en même temps que le fondement des choses. Bien d'autres philosophes (Malebranche, Berkeley, mais aussi Locke et Condillac) ont parlé d'archétypes. Cependant, c'est un psychanalyste,...

  • CAUSALITÉ

    • Écrit par Raymond BOUDON, Marie GAUTIER, Bertrand SAINT-SERNIN
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    C'est dans ce contexte que se constitue un deuxième modèle d'explication, qui restitue la forme des mouvements par un biais nouveau, en tentant de rendre compte des variations de l'état de mouvement des corps pendant un intervalle de temps très court sous l'effet des forces extérieures. L'idée même...
  • CLIMATOLOGIE

    • Écrit par Frédéric FLUTEAU, Guillaume LE HIR
    • 3 656 mots
    • 4 médias
    ...Ces lois physiques sont établies à partir des observations de la situation actuelle et restent valides pour l'étude des climats passés et futurs. Des modèles numériques du climat s'appuient sur ces lois physiques pour simuler le climat. L'intérêt de la modélisation climatique est de comprendre les...
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Voir aussi