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PSYCHOLOGIE SOCIALE

Au croisement d’une multitude de courants de pensée et d’héritages intellectuels, incluant aussi bien la philosophie antique que certains développements inspirés par la biologie évolutionniste, la psychologie sociale aura amplement existé par ses thèmes et ses penseurs en chambre bien avant que ses progrès ne deviennent, pour l’essentiel, indissociables de la méthodologie scientifique et de la recherche empirique. À cet égard, Auguste Comte, figure philosophique française emblématique de la démarche positiviste, et qui appela de ses vœux la naissance d’une « physique sociale », pourra légitimement être considéré comme l’un des pères de la psychologie sociale. À la fois causes et conséquences de la société, les individus et les groupes et les modalités polymorphes de leurs interrelations sont précisément la matière de cette discipline. Le développement tant institutionnel que théorique de la psychologie sociale a été initié il y a plus d’un siècle. Il a été stimulé par des contingences historiques, influencé par les évolutions de la psychologie générale (notamment par le courant behavioriste, puis le courant cognitiviste), et graduellement métamorphosé par des évolutions et révolutions paradigmatiques majeures de ce champ en mouvement.

La psychologie sociale représente une branche de la psychologie qui se consacre à l’analyse des interactions, perceptions et influences sociales. Sa définition la plus largement acceptée, et dont la pertinence s’impose aujourd’hui encore, reste probablement celle de Gordon Allport, pour lequel elle s’attachait à « comprendre et expliquer comment les pensées, les sentiments et les conduites des individus sont influencés par la présence réelle, imaginaire ou implicite d’autrui ». Le terme « présence implicite » renvoie aux nombreuses activités que l’individu mène à bien, du fait de sa place (rôle) dans une structure sociale complexe et de son appartenance à un groupe culturel. Le territoire de la psychologie sociale est vaste, car il englobe tant les processus intra-individuels (perception ou contrôle de soi, par exemple) et les relations interpersonnelles (attraction, coopération) et intergroupes (discrimination, violence) que les phénomènes plus holistiques subsumés par les concepts de représentations sociales, croyances et idéologies. Alors qu’elle est décrite parfois comme la « biochimie » des sciences sociales, à la jonction de la psychologie et de la sociologie, son domaine lui confère un rôle pivot dans l’explication des faits sociaux.

Panorama historique

À partir de la seconde moitié du xixe siècle, plusieurs penseurs européens édifient la psychologie des peuples, avec l’intention de démontrer combien la pensée individuelle et les comportements en groupe s’avèrent profondément façonnés par la société. La fondation, en 1860, d’une revue consacrée à la Völkerpsychologie (Volksignifiant « peuple » dans la langue allemande) contribue alors à diffuser les recherches sur l’esprit de groupe, qui sont largement mobilisées pour expliquer le comportement social dès la fin du xixe siècle. En France, le médecin et sociologue Gustave Le Bon publie en 1895 son influente Psychologie des foules, qui popularisera durablement l’idée d’irrationalité collective et d’hypnose grégaire, et dont on retrouvera bien plus tard les traces dans les études consacrées à la désindividuation ou la pensée de groupe. L’un des contemporains de Le Bon, le psychologue anglais William McDougall, sera l’auteur d’un manuel intitulé Social psychology, ouvrage qui est souvent considéré comme l’acte de naissance de la discipline et qui contribuera à populariser ces idées.

Cette paternité reste néanmoins très discutée, car c’est bien antérieurement, dès 1889, que le français Gabriel Tarde publiait ses Études de psychologie sociale et que le Psicologia[...]

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Écrit par

  • : professeur de psychologie sociale, directeur de la Maison des sciences de l'homme-Alpes, Gières

Classification

Pour citer cet article

Laurent BÈGUE. PSYCHOLOGIE SOCIALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ACCULTURATION

    • Écrit par Roger BASTIDE
    • 8 306 mots
    • 1 média

    Formé à partir du latin ad, qui exprime le rapprochement, le terme acculturation a été proposé dès 1880 par les anthropologues nord-américains. Les Anglais lui préfèrent celui de cultural change (moins chargé de valeurs ethnocentriques liées à la colonisation : Malinowski), les Espagnols celui...

  • ACTION COLLECTIVE

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 1 466 mots
    Le jeu de l'influence et du charisme, les mécanismes de contagion mentale et le rôle des croyances, des attentes et des frustrations ont été les premiers facteurs évoqués pour expliquer les raisons incitant les individus à adhérer et participer à des entreprises collectives. Ainsi, ...
  • ADAPTATION - Adaptation sociale

    • Écrit par Raymond BOUDON
    • 2 256 mots
    • 1 média

    Le concept d'adaptation sociale va de pair avec celui d' intégration sociale. L'adaptation décrit les mécanismes par lesquels un individu se rend apte à appartenir à un groupe. L'intégration, ceux par lesquels le groupe admet un nouveau membre. L'adaptation insiste sur les changements...

  • AGRESSION (psychologie sociale)

    • Écrit par Laurent BÈGUE
    • 902 mots

    L’agression est définie comme un comportement qui vise à blesser intentionnellement un individu motivé à se soustraire à ce traitement. Les recherches conduites sur les formes et fonctions du comportement agressif ont mobilisé des méthodologies extrêmement variées (statistiques publiques judiciaires...

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Voir aussi