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MÉMOIRE

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Mémoire de travail et mémoire à long terme

La mémoire de travail est un système à court terme, responsable du traitement et du maintien temporaire – quelques secondes ou minutes – des informations nécessaires à la réalisation d’activités très diverses comme la compréhension d’un texte ou le raisonnement face à un problème précis. Elle est en fait composée de deux sous-systèmes satellites de stockage (la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial), supervisés par un administrateur central. La boucle phonologique est responsable du stockage et de la manipulation d’informations verbales. Le calepin visuo-spatial est impliqué dans le stockage des informations spatiales et visuelles ainsi que dans la formation et la manipulation des images mentales. L’administrateur central supervise l’information en provenance des systèmes satellites et gère le passage de l’information vers la mémoire à long terme. Pour illustrer le rôle de ces différentes composantes, imaginons qu’on nous demande combien notre maison compte de fenêtres. Pour réaliser cette tâche, nous pouvons faire intervenir le calepin visuo-spatial pour maintenir l’image mentale de la maison, la boucle phonologique pour compter les fenêtres et l’administrateur central pour coordonner ces différentes activités cognitives. Au début des années 2000, le psychologue Alan David Baddeley, le « père de la mémoire de travail », a postulé l’existence d’une nouvelle composante, le « buffer épisodique », chargé du stockage temporaire d’informations multimodales, c’est-à-dire provenant de différentes sources. Cette instance fait également le lien entre les représentations à court terme – le présent psychologique – et les systèmes de mémoire à long terme.

En parallèle à ce fractionnement de la mémoire de travail en plusieurs composantes, la mémoire à long terme a donné lieu à différentes distinctions. Ainsi, le neuropsychologue Endel Tulving, en 1972, a défini la mémoire épisodique comme celle dévolue aux événements personnellement vécus, situés dans leur contexte temporo-spatial d’acquisition. Elle permet le souvenir conscient d’une expérience antérieure : l’événement lui-même (quoi), le lieu (où) et le moment (quand) où il s’est produit, ainsi que l’expérience subjective du souvenir (l’impression de « revivre » l’événement initial). En référence à la phénoménologie, Tulving a qualifié d’« autonoétique » le niveau de conscience associé à la récupération d’un souvenir épisodique. Lorsqu’un patient présente une amnésie sévère au point de ne plus disposer d’aucun rudiment de mémoire épisodique, il se trouve dans un état de vide mental sans possibilité de retour vers le passé ni de capacité de se projeter vers le futur. Son monde est limité à l’instant présent sans continuité temporelle avec l’instant d’avant et celui d’après. La situation du patient amnésique connu sous les initiales K. C., victime de plusieurs traumatismes crâniens, permet de comprendre à quel point l’absence de mémoire épisodique engendre cette impression de vide sans retour vers le passé ni de projection dans le futur.

La mémoire sémantique est définie comme la mémoire des mots, des concepts, des « connaissances du monde », indépendamment de leur contexte d’acquisition. Elle permet une conduite introspective sur le monde, y compris des connaissances générales sur soi (ce qui est appelé la sémantique personnelle) dont on peut faire état – « je suis chercheur, je suis né en Normandie… » – sans faire appel à des souvenirs épisodiques précis. Le niveau de conscience associé à la mémoire sémantique est qualifié de noétique. Même s’ils ne forment pas de nouveaux souvenirs et ont des difficultés à accéder à leurs souvenirs du passé, les patients amnésiques conservent le plus souvent ces connaissances générales sur le monde et sur[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, directeur de l'unité 1077 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, université de Caen Normandie

Classification

Pour citer cet article

Francis EUSTACHE. MÉMOIRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 29/08/2019

Média

Le modèle MNESIS - crédits : Encyclopædia Universalis France

Le modèle MNESIS

Autres références

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    L’effet de l’autoréférence sur la mémoire désigne le fait que les informations relatives à soi sont mieux mémorisées que les informations relatives à autrui.

    La procédure classique qui a permis la mise en évidence de cet effet consiste à présenter des adjectifs décrivant des traits de ...

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