MÉMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE
La mémoire autobiographique désigne l’ensemble des souvenirs et des connaissances qu’un individu a de son passé personnel. L’étude systématique de la mémoire autobiographique a émergé dans les années 1980 en réaction aux recherches qui évaluaient les mécanismes de la mémoire exclusivement sur la base de situations de laboratoire impliquant la mémorisation d’informations relativement simples et dépourvues de signification personnelle, comme l’apprentissage de listes de mots. Estimant que ces recherches ne rendent pas entièrement compte de la richesse et de la complexité de la mémoire humaine, des scientifiques commencent à s’intéresser aux souvenirs des événements personnels de la vie quotidienne (vacances, rencontres amoureuses, épisodes vécus à l’école primaire, etc.). Depuis lors, de nombreuses études ont examiné la nature, les fonctions et les déterminants de la mémoire autobiographique. Ces travaux montrent que la mémoire autobiographique organise un ensemble complexe de souvenirs et de connaissances relatives au passé personnel. Ces représentations autobiographiques jouent un rôle essentiel dans la construction de l’identité et la gestion des buts personnels.
Contenu de la mémoire autobiographique
La mémoire autobiographique est constituée de différents types d’informations relatives au passé personnel. Premièrement, elle comporte des souvenirs d’événements spécifiques vécus à un moment particulier dans le passé, par exemple le souvenir d’une fête d’anniversaire organisée entre amis le week-end qui précède. Ces souvenirs spécifiques prennent souvent la forme d’images mentales visuelles (bien que d’autres modalités sensorielles puissent également intervenir) qui donnent l’impression de revivre mentalement une situation passée. Ils contiennent généralement des détails précis, par exemple concernant le lieu où l’événement s’est déroulé, les personnes qui étaient présentes, les émotions ressenties, etc. Un deuxième type de représentations autobiographiques implique des connaissances plus abstraites du passé personnel qui résument un ensemble d’événements sur la base de leurs thèmes et caractéristiques communs. Contrairement aux souvenirs spécifiques, ces représentations ne se réfèrent pas à un événement particulier, mais impliquent une généralisation effectuée à partir d’une série d’épisodes (on parle dans ce cas de souvenirs généraux), comme des événements qui se sont répétés (« les dimanches après-midi chez ma grand-mère ») ou qui appartiennent à une même période temporelle (« mes vacances en Italie l’été passé »). Un troisième type de représentations autobiographiques concerne les grandes périodes temporelles qui découpent la vie d’une personne (« quand j’étais au collège », « quand je travaillais chez X », « quand je vivais avec Y », etc.). Il s’agit de connaissances encore plus abstraites du passé personnel qui fournissent des informations générales sur les personnes, lieux et activités qui caractérisaient ces périodes de vie. Enfin, la mémoire autobiographique inclut également un ensemble d’informations factuelles sur soi, par exemple nos date et lieu de naissance. Selon certaines conceptions théoriques, ces différents types de représentations autobiographiques sont organisés en mémoire de manière hiérarchique : les souvenirs spécifiques sont nichés dans des souvenirs généraux qui font eux-mêmes partie de périodes de vie. Par exemple, le souvenir spécifique de mon baptême de plongée sous-marine fait partie de l’événement général « mes vacances en Corse » qui lui-même fait partie de la période de vie « quand j’étais étudiant ».
Un souvenir autobiographique n’est pas simplement la réactivation d’une trace mnésique qui serait stockée telle quelle en mémoire. Il s’agit plutôt d’une reconstruction d’un épisode passé sur la base d’une activation transitoire de différents types d’informations autobiographiques, par exemple des détails relatifs à un événement particulier ainsi que des connaissances générales sur sa vie et sur soi. Le souvenir d’un même événement peut donc varier (être plus ou moins détaillé, par exemple) selon le contexte de récupération. Ce processus de construction d’un souvenir se produit selon deux modes différents. Dans certains cas, lorsque nous essayons de nous souvenir d’un événement particulier, nous consultons nos représentations autobiographiques générales (souvenirs généraux et périodes de vie) afin de récupérer cet événement spécifique. Dans d’autres cas, un souvenir spécifique peut surgir de manière plus directe et automatique en réponse à une information de l’environnement actuel. Un exemple littéraire célèbre de ce type de récupération automatique est l’épisode de la madeleine décrit par Marcel Proust.
Les recherches en neuropsychologie et neuroimagerie montrent que la mémoire autobiographique est sous-tendue par un vaste réseau cérébral. Au sein de ce réseau, le lobe temporal médian, et en particulier l’hippocampe, joue un rôle central dans l’encodage, le maintien et la récupération des souvenirs spécifiques. Les éléments constitutifs des souvenirs (tels que le lieu, les personnes et les objets impliqués) sont représentés de manière séparée dans des régions cérébrales spécifiques et l’hippocampe permet d’assembler ces éléments afin de former un événement cohérent. Les recherches indiquent par ailleurs que les différents types de représentations autobiographiques (souvenirs spécifiques, souvenirs généraux, périodes de vie) sont sous-tendus par des régions cérébrales en partie distinctes.
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Écrit par
- Arnaud D' ARGEMBEAU : docteur en psychologie, chercheur qualifié au Fonds de la recherche scientifique de Belgique
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