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GOETHE JOHANN WOLFGANG VON

Johann Wolfgang von Goethe - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Johann Wolfgang von Goethe

« Voilà un homme ! » dit Napoléon à son entourage après avoir, en 1808, accordé à Goethe une audience. Il avait touché juste. Être un homme, telle était bien toute l'ambition de Goethe. Bien sûr, il doit sa gloire à son œuvre littéraire. Mais, poète, il n'était pas pour autant un homme de lettres. Son œuvre, c'est avant tout son existence. Son art, c'est l'art suprême : le difficile art de vivre, le savoir-être. De ses écrits la littérature ne représente qu'une part, la moins ample et – du moins pour certains connaisseurs – pas l'essentielle, au regard des récits autobiographiques, de la correspondance, des entretiens, des traductions, des essais critiques, des ouvrages scientifiques ; foisonnement où se manifeste sans défaillance l'inépuisable richesse de l'homme.

Pendant les quatre-vingt-trois années de son existence, le monde s'est profondément transformé. À cheval sur deux siècles, Goethe a assisté de près à l'agonie du médiéval Saint Empire romain germanique, comme aux premiers pas de l'ère moderne, scientifique, technique et industrielle. Sa jeunesse, c'est Frédéric II, roi de prusse et ami de Voltaire, c'est Louis XV, la Pompadour et le rococo ; mais lorsqu'il meurt, il y a en Allemagne deux adolescents qui se nomment l'un Bismarck, l'autre Karl Marx. Dans son enfance, Jean-Sébastien Bach vit encore ; lorsque finit son existence, Richard Wagner a vingt ans. Contemporain de trois générations successives, Goethe aura vu naître et mourir Schiller et Kleist, Novalis et Byron, Hegel et Beethoven, Mozart et Schubert, Robespierre et Napoléon Bonaparte.

Sur la trace du génie

Johann Wolfgang von Goethe est né le 28 août 1749 à Francfort-sur-le-Main, d'une famille bourgeoise cultivée qui accédait alors à la fortune et aux honneurs du patriciat. Francfort était une ville libre d'Empire, en Allemagne l'un des rares lieux où depuis le Moyen Âge régnait une tradition d'autonomie et de démocratie libérale.

Adolescent, il étudie, sans grand succès, le droit à l'université de Leipzig (1765-1768), puis de Strasbourg (1770-1771). Là se place sa célèbre idylle avec Frédérique Brion, la fille du pasteur de Sessenheim. Là aussi il rencontre Herder, de cinq ans son aîné, qu'il admire et dont il reçoit l'impulsion qui l'oriente vers les lettres et les arts. Pendant quelques mois, il exerce vaguement la profession d'avocat sans cause auprès du tribunal d'Empire dans la petite ville de Wetzlar (1772). Il ne s'y ennuie pourtant pas. Engagé dans une nouvelle idylle avec une jeune fille déjà fiancée, Charlotte Buff, il fuit précipitamment et rentre chez lui à Francfort (1773-1775), comme un serpent se réfugie au fond d'un trou pour changer de peau, ou comme la chenille en une chrysalide pour faire sa mue. Déjà l'idée de métamorphose l'obsède. Pour le moment, il s'agit de dépouiller l'adolescent et de donner peu à peu forme à l'adulte qu'il pressent en lui-même. Il dessine, il lit, il écrit. Il imprime à compte d'auteur un drame, Götz von Berlichingen(1773), dont le héros est un chevalier du Moyen Âge. Le succès est grand et lui taille une première réputation. Il a créé et mis à la mode un style nouveau, un genre « vieil allemand » qui plaît à la jeunesse préromantique. Il pourrait exploiter la veine, il a en main l'occasion de devenir le Walter Scott allemand (on sait que Walter Scott a connu les plus gros tirages et la plus grande fortune littéraire de l'époque) ; il s'y refuse. Avec le succès comme avec les femmes, il tourne le dos à qui lui tend les bras. Il a la phobie du piège, il ne veut pas, comme il dit, se laisser mettre dans le sac. Que d'autres fassent valoir la recette et en tirent bénéfice ; lui, il n'écrit pas pour le public, mais pour lui-même, pour s'accomplir.[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, ancien professeur à la Sorbonne

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Pour citer cet article

Pierre BERTAUX. GOETHE JOHANN WOLFGANG VON [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Johann Wolfgang von Goethe - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Johann Wolfgang von Goethe

Les Souffrances du jeune Werther, Goethe - crédits : AKG-images

Les Souffrances du jeune Werther, Goethe

Autres références

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    En novembre 1772, Goethe (1749-1832) fait paraître à Francfort un court texte dont le titre, Architecture allemande, cache le sujet précis : il s'agit d'un hymne à la gloire de la cathédrale de Strasbourg et de son concepteur, Erwin de Steinbach. Par architecture allemande, Goethe...

  • LE DIVAN OCCIDENTAL-ORIENTAL, Johann Wolfgang von Goethe - Fiche de lecture

    • Écrit par Jacques LE RIDER
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    Goethe (1749-1832) commença à concevoir sa dernière grande œuvre poétique dans l'été 1814. Il avait alors soixante-cinq ans. Depuis les Affinités électives (1809), il s'était consacré pour l'essentiel à la composition des trois premiers livres de ses Mémoires, Poésie et vérité...

  • FAUST (J. W. von Goethe) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jacques LE RIDER
    • 1 851 mots
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    La genèse de l'œuvre sans doute la plus universellement connue de Goethe (1749-1832) fut particulièrement longue. Dans le prolongement de la version primitive et non publiée (Urfaust), Faust I (Faust. Une tragédie) fut achevé le 25 avril 1806 et publié en 1808. Les sources de la matière...

  • GOETHE ET LES DÉBUTS DU NÉO-GOTHIQUE ALLEMAND - (repères chronologiques)

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    • 739 mots

    1772 Parution de l'essai Architecture allemande dans lequel Johann Wolfgang von Goethe, après deux années passées à Strasbourg, célèbre l'architecture gothique. À côté du drame Götz von Berlichingen (1773) et des Souffrances du jeune Werther (1774), il s'agit de l'un des textes...

  • LES SOUFFRANCES DU JEUNE WERTHER, Johann Wolfgang von Goethe - Fiche de lecture

    • Écrit par Anouchka VASAK
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    En 1774 paraît un court roman épistolaire dont la fortune dépasse rapidement son jeune auteur. Si Les Souffrances du jeune Werther expriment bien la « crise » du Sturm und Drang, moment pré-romantique, « tempête et assaut » des années 1770-1780 en Allemagne, J. W. von Goethe (1749-1832) s'attachera...

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  • THÉORIE DES COULEURS, Johann Wolfgang von Goethe - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian HELMREICH
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    De la Théorie des couleurs (Farbenlehre) que Goethe (1749-1832) publie en 1810, résultat de vingt années d'efforts assidus, on n'a souvent retenu que l'extravagante croisade anti-newtonienne. Dans la Préface de son ouvrage, Goethe décrit le corps de doctrine de Newton (Opticks...

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