ISLAM (La religion musulmane) Pratiques et rituels

La notion de « lieu saint »

Il est des lieux et des temps où la prière est mieux entendue et plus méritoire : ce sont les lieux saints et les temps des fêtes. Comme pour la pensée sémitique antique, le « lieu saint » en islam comprend les éléments suivants : il est d'abord le « nombril de la terre » (̣surrat al-aṛd), dans le sens de « milieu de la terre » (tābūr ha-eretz, comme dans les Juges, ix, 37) ; c'est aussi le point le plus rapproché du ciel, un « haut lieu ». La ziggourat, dans la plaine mésopotamienne en était un ersatz.

Les trois villes saintes

La Mecque et Jérusalem sont représentées, dans la tradition cosmogonique islamique, comme étant bâties sur des sommets (on parle des « monts de La Mecque » comme du mont Sion). Aux trois facteurs – sanctuaire, haut lieu et nombril de la terre – qui existaient à l'époque préislamique, l'islam en ajouta un quatrième : le « lieu saint » est censé avoir été le théâtre d'un événement prophétique. Déjà, dans l'Antiquité, l'apparition d'une divinité dans un site donné conférait à ce dernier un caractère de sainteté. La notion de transcendance absolue de Dieu dans l'islam imposait une modification de ce critère.

C'est ainsi que La Mecque apparaît, dans le Coran et dans la Tradition, comme marquée par le séjour d'Adam, après sa chute du paradis, et par les fréquentes visites d'Abraham à son fils Ismaël, venu avec Agar en ce lieu, quand Sara les eut chassés tous les deux. C'est Abraham qui restaura le sanctuaire adamite abandonné après le Déluge. À ce double souvenir prophétique est venu tout naturellement s'ajouter le souvenir du Prophète de l'islam, qui s'est perpétué à La Mecque, lieu de la naissance de Mahomet, et à Médine, « sa ville » et le lieu de sa sépulture. Mais comment Jérusalem a-t-elle pu se voir reconnaître les critères du lieu saint islamique ? Les trois premiers (nombril de la terre, haut lieu, sanctuaire privilégié) lui étaient déjà appliqués par la tradition juive et, au début de l'islam, des juifs convertis, tels Ka‘b al-Ạhbār et Wahb b. Munabbih, ont introduit, dans le corpus primitif, des éléments midrashiques les attribuant à cette ville. Quant au quatrième critère, celui de mémorial prophétique, bien que la tradition islamique voie déjà en Jérusalem la cité de David et de Salomon, considérés tous les deux comme des prophètes par le Coran, il convient particulièrement à cette dernière du fait qu'elle a servi de point de départ pour le mi‘rāj, l'Ascension de Mahomet au ciel, et qu'elle a eu ainsi un rôle fondamental dans la piété populaire et mystique.

Le voyage nocturne du Prophète

C'est vers 621 de l'ère chrétienne, au plus fort des persécutions que lui infligeaient les Mecquois, que Mahomet révéla à ses fidèles sa visite nocturne (isrā’) à Jérusalem, monté sur le Burāq, et son ascension au ciel à partir du Rocher (̣sakhra), sur lequel a été élevée la mosquée de ‘Umar. La tradition rapporte plusieurs événements qui se seraient produits lors de cette visite, notamment le fait qu'à son arrivée Mahomet fut accueilli par une assemblée de prophètes de l'Ancien et du Nouveau Testament, qui lui souhaitèrent la bienvenue et le succès dans sa mission. Puis, à mesure qu'il traversait les sept cieux un à un, Adam, Idris, Abraham, Jésus, Jean-Baptiste et bien d'autres l'accueillaient et le faisaient visiter. Comme cette ascension devait permettre au Prophète de fixer le nombre des prières canoniques, Moïse joua auprès de lui le rôle d'un conseiller avisé, l'assistant au cours d'un marchandage serré avec Dieu au bout duquel celui-ci consentit à réduire les prières de 50 à 5 ! Ainsi, Jérusalem est liée à la révélation[...]

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Écrit par

  • Toufic FAHD : professeur à l'université des sciences humaines

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Pour citer cet article

Toufic FAHD, « ISLAM (La religion musulmane) - Pratiques et rituels », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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