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ISLAM (Histoire) Le monde musulman contemporain

Europe occidentale

On appelle aujourd'hui « islam transplanté » la population d'origine musulmane immigrée dans les sociétés industrielles de l'Europe occidentale. Cet islam, qui a son style de vie, ses refus et ses aspirations, est constitué des apports les plus divers : Maghrébins, Turcs, Pakistanais, pour l'essentiel ; Africains (Mali et Sénégal), Kosovars, Arabes du Proche-Orient (Syriens, Jordaniens, Libanais), Iraniens, musulmans du Pacifique (Indonésiens, Philippins...). Sa consistance démographique, importante en chiffres absolus, est mal connue, car les statistiques sont tributaires de facteurs non maîtrisés, notamment pour l'évaluation des flux et des soldes migratoires, pour la part de l'immigration clandestine, pour les mouvements intra-européens. L'arrêt de l'immigration, en 1973-1974, dans tous les pays d'accueil a eu pour conséquence la stabilisation des communautés immigrées : ainsi, un séjour de plus de dix ans est désormais la norme et le désir de s'installer définitivement dans le pays hôte est la tendance dominante ; mais la génération issue de l'immigration est mal aisée à comptabiliser.

En dépit de cette imprécision statistique, on constate que les flux migratoires ont constitué partout une minorité nouvelle imposante. Pour la France, on parle de deux millions et demi de « musulmans », avec mille « mosquées », l'islam étant devenu la deuxième religion du pays. Il est la troisième en Allemagne, avec 700 mosquées. Au Royaume-Uni, 400 000 « résidents » (1981) sont nés dans des pays où l'islam est la religion dominante. En Scandinavie, au Benelux, en Autriche, ces musulmans sont moins nombreux, mais leur proportion reste significative et se chiffre en dizaines de milliers.

Diversité des communautés musulmanes

L'émergence d'une génération issue de l'immigration, ses rapports avec la société et le pays de naissance, l'accession par naturalisation aux droits de citoyenneté changent les termes du problème. La question qui est à l'ordre du jour n'est plus celle du respect plus ou moins volontariste d'une différence religieuse et culturelle induite par le fait migratoire, mais celle de la reconnaissance juridique et de la gestion, dans le cadre des politiques nationales et de la législation communautaire de l'Union européenne, des intérêts culturels ou symboliques liés à cette allégeance minoritaire.

Toutefois, l'islam immigré, dont on découvre l'ampleur, ne doit pas faire oublier que, par sa géographie et son histoire, l'Europe n'a jamais cessé de vivre avec le monde musulman. Le naufrage de l'Empire ottoman avec la Première Guerre mondiale a laissé en héritage, dans les jeunes États issus de celui-ci, d'importantes communautés constitutives d'un islam européen autochtone : près d'un million de « Turcs » (Bulgarie, Grèce, Yougoslavie et Roumanie), des Tatars (30 000), des Albanais (70 % de la population), Pomaks (175 000, en Bulgarie et en Grèce), Torbechis de Yougoslavie (de 50 000 à 100 000), des Tziganes islamisés, les habitants de Bosnie-Herzégovine qui se sont vu attribuer la « nationalité musulmane » en 1969. D'ailleurs, comme une partie de ces musulmans balkaniques ont eux aussi immigré dans des pays de l'Europe industrielle, il se trouve que l'islamisme militant qu'on observe un peu partout dans le monde a, de manière concertée ou non, pénétré dans leurs rangs. Ainsi, l'islam transplanté et l'islam post-ottoman sont, en Europe, les composantes non homogènes d'un même champ religieux.

L'objectif principal de l'islam européen est d'accéder à une légitimité fondée sur la reconnaissance d'un statut communautaire général. Il se heurte d'abord aux contextes locaux : par exemple, ceux d'une France laïque ou d'une Allemagne[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
  • : docteur ès lettres et sciences sociales, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
  • : chargée de recherche au C.N.R.S.
  • : chercheur au C.N.R.S.
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : chargé de recherche de première classe au C.N.R.S., responsable de l'équipe cultures populaires, Islam périphérique, migrations au laboratoire d'ethnologie de l'université de Paris-X-Nanterre, expert consultant auprès de la C.E.E. D.G.V.-Bruxelles
  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
  • : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
  • : docteur en histoire orientale, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales
  • : professeur à l'université de Provence
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Françoise AUBIN, Olivier CARRÉ, Nathalie CLAYER, Universalis, Andrée FEILLARD, Marc GABORIEAU, Altan GOKALP, Denys LOMBARD, Robert MANTRAN, Alexandre POPOVIC, Catherine POUJOL et Jean-Louis TRIAUD. ISLAM (Histoire) - Le monde musulman contemporain [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, 1993 - crédits : Alexis Duclos/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, 1993

Nasser et la R.A.U. - crédits : Keystone/ Getty Images

Nasser et la R.A.U.

Création de la République arabe unie, 1958 - crédits : The Image Bank

Création de la République arabe unie, 1958

Autres références

  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots
    Concrètement, la loi française exclut désormais l'adoptiondes enfants originaires des pays musulmans, à l'exception de la Tunisie, de la Turquie et de l'Indonésie. Le verset 4 de la Sourate 33 du Coran énonce en effet « Dieu n'a pas mis deux cœurs à l'homme ; il n'a pas accordé à vos...
  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    Qui sont les talibans ? Il ne s'agit pas d'un mouvement surgi subitement du désert. Leur nom signifie « étudiants en religion ». Ils sont originaires du sud de l'Afghanistan, plus particulièrement de la ceinture tribale pachtoune, parmi les confédérations Dourrani et Ghilzay. Ils ont été formés dans...
  • ‘AĪD AL-FITR

    • Écrit par Universalis
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    L’‘aīd al-Fitr (en arabe, « fête de la rupture »), est la première des deux principales fêtes rituelles de l’islam. Il marque la fin du ramaān, le neuvième mois qui est consacré au jeûne chez les musulmans. Il est célébré pendant les trois premiers jours de shawwāl, le dixième...

  • ‘AĪD AL-KABĪR

    • Écrit par Universalis
    • 258 mots

    L’‘aīdal-Aḍhā (en arabe, « fête des sacrifices »), également appelé ‘aīdal-Kabīr (« grande fête »), est avec laīdal-Fitr, l’une des deux grandes fêtes musulmanes, communément appelée en France « fête du mouton ». Célébrée par les musulmans du monde entier, cette fête...

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