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HOFMANNSTHAL HUGO VON (1874-1929)

Hugo von Hofmannsthal avait le sentiment très fort d'être l'héritier d'une tradition viennoise, et donc européenne, puisque la capitale des Habsbourg avait été le point de rencontre entre les cultures allemande, espagnole, italienne et restait une capitale de la culture centre-européenne. La première partie de son existence et son œuvre consista en un effort de synthèse, de renouvellement et de dépassement de la position d'épigone qui était incompatible avec les exigences de modernité inspirées par les grands modèles français et anglais de l'époque 1900. Ce fut le « problème de lord Chandos » : comment régénérer le langage poétique et insuffler une nouvelle vie aux mots de la tribu ? Car Hofmannsthal ne voulait pas suivre la voie de Stefan George, qui aurait pu le conduire à l'ésotérisme et le couper la société. À partir de la Première Guerre mondiale, cette recherche d'une « modernité classique » deviendra dominante. Hofmannsthal travaillera désormais à la défense et illustration d'une littérature capable de sauvegarder son rôle traditionnel de transmission culturelle, d'animation d'une sociabilité dont le théâtre et l'opéra donnent le modèle, et de fondement de « l'espace spirituel de la nation ».

Fils d'un administrateur de banque, Hugo von Hofmannsthal appartenait à la bourgeoisie aisée de Vienne. Avec Gertrud Schlesinger, qu'il épousa en 1901, il s'installe à Rodaun, à vingt minutes de tramway de Vienne, dans une élégante maison construite à l'époque de Marie-Thérèse par un prince viennois pour sa maîtresse, tout en conservant un pied-à-terre au centre de Vienne, dans la Stallburggasse. Il ne devait connaître des difficultés matérielles que dans les années 1920, quand la grande inflation eut anéanti la fortune familiale. La part juive de sa généalogie remontait à Isaac Löw Hofmann, originaire de Prague, installé à Vienne en 1792, puis anobli par Ferdinand Ier avec le titre héréditaire de « von Hofmannsthal » en récompense de ses activités philanthropiques. Le fils d'Isaac Löw, Augustin Emil, grand-père de Hugo von Hofmannsthal, avait épousé en 1839 la Milanaise de bonne famille Petronilla Antonia Cecilia von Rhò et s'était converti au catholicisme. Hugo von Hofmannsthal n'acceptait pas qu'on le rangeât parmi les écrivains juifs viennois, ni qu'on prétendît déceler un « esprit juif » dans ses productions.

Les années de jeunesse

Café Griensteidl, R. Völkel - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Café Griensteidl, R. Völkel

De 1884 à 1892, brillant élève de l'un des lycées classiques les plus réputés de Vienne, l'Akademisches Gymnasium, Hofmannsthal acquiert une solide formation littéraire, notamment en latin et en grec. Grâce à des professeurs particuliers, il approfondit sa connaissance des langues étrangères (celles-ci étaient peu enseignées au lycée) et se familiarise avec les littératures française, anglaise, italienne, espagnole et russe. Son génie littéraire se révèle précocement : dès 1890, il fréquente le café littéraire viennois Griensteidl. Sa première publication, sous un pseudonyme (Loris Melikow, Loris, Theophil Morren sont ses noms de plume) date de juin 1890. À l'automne de 1890, il se lie avec les jeunes écrivains Arthur Schnitzler, Richard Beer-Hofmann, Felix Salten. En avril 1891, il rend visite à Ibsen, de passage à Vienne, et fait connaissance avec le « pape de la critique littéraire », Hermann Bahr. En décembre de la même année, il rencontre le poète allemand Stefan George, prince de l'avant-garde, qui fait de lui un collaborateur de sa revue élitaire Blätter für die Kunst (Feuilles pour l'art).

Placées sous le signe du dialogue cosmopolite avec les avant-gardes européennes, les productions de Hofmannsthal, dans les années 1890, atteignent à une perfection miraculeuse qui subjugue ses contemporains. Imprégné de tradition classique,[...]

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Pour citer cet article

Jacques LE RIDER. HOFMANNSTHAL HUGO VON (1874-1929) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Café Griensteidl, R. Völkel - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Café Griensteidl, R. Völkel

Le Chevalier à la rose - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Le Chevalier à la rose

Autres références

  • L'HOMME DIFFICILE (H. von Hofmannsthal)

    • Écrit par Raymonde TEMKINE
    • 1 236 mots

    De Hugo von Hofmannsthal, né et mort à Vienne (1874-1929), nous avons longtemps eu en France une vue brouillée par sa collaboration avec Richard Strauss, son compatriote, pour lequel il écrivit notamment les livrets d'Elektra et du Chevalier à la rose. Mais l'œuvre de Hofmannsthal, très diverse,...

  • UNE LETTRE DE LORD CHANDOS, Hugo von Hofmannsthal - Fiche de lecture

    • Écrit par Jacques LE RIDER
    • 962 mots

    Publiée en 1902 par Hugo von Hofmannsthal (1874-1929), Une lettre de lord Chandos compte parmi les textes fondateurs de modernité littéraire qui allait faire du langage, non seulement le matériau, mais l'objet par excellence de son travail, en opposition aux fausses évidences de la langue ordinaire....

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    ...que Verlaine, et de rendre de la sorte une ambition nouvelle au lyrisme. D'autres que lui faisaient au même moment à Vienne de semblables découvertes ; Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) est le premier d'entre eux. Mais son œuvre lyrique est de brève durée ; bientôt, il se tourne vers le drame et vers l'opéra...
  • ARIANE À NAXOS (R. Strauss)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 1 173 mots

    Ariadneauf Naxos (Ariane à Naxos) de Richard Strauss, sur un livret de Hugo von Hofmannsthal, connut tout d’abord une première version en un acte, conçue pour remercier Max Reinhardt de sa mise en scène du Der Rosenkavalier (LeChevalier à la rose), et destinée à être jouée après Le...

  • ELEKTRA (R. Strauss), en bref

    • Écrit par Christian MERLIN
    • 212 mots

    Elektra, opéra en un acte de Richard Strauss d'après la tragédie de Hugo von Hofmannsthal, est créé au Königliches Opernhaus de Dresde le 25 janvier 1909. L'opéra, qui n'est pourtant pas avare de meurtres et de sentiments exacerbés, ne connaît aucun autre exemple d'illustration musicale...

  • ELEKTRA (R. Strauss)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 1 390 mots
    • 1 média

    Chef-d'œuvre de l'expressionnisme musical allemand, Elektra, de Richard Strauss (1864-1949) est créé le 25 janvier 1909 au Königliches Opernhaus de Dresde. Un fait est à noter, qui manifeste la portée de la collaboration qui va s'instaurer entre le musicien et le poète autrichien : la...

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Voir aussi