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ELEKTRA (R. Strauss)

<em>Elektra</em> de R. Strauss, mise en scène de Ruth Berghaus - crédits : Jean Marc Zaorski/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Elektra de R. Strauss, mise en scène de Ruth Berghaus

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Chef-d'œuvre de l'expressionnisme musical allemand, Elektra, de Richard Strauss (1864-1949) est créé le 25 janvier 1909 au Königliches Opernhaus de Dresde. Un fait est à noter, qui manifeste la portée de la collaboration qui va s'instaurer entre le musicien et le poète autrichien : la dénomination exacte de l'ouvrage est non pas « opéra en un acte sur un livret de Hugo von Hofmannsthal », mais « tragédie en un acte de Hugo von Hofmannsthal, musique de Richard Strauss ». Les rôles principaux sont tenus par les sopranos Annie Krull (Elektra) et Margarethe Siems (Chrysothemis), la mezzo-soprano Ernestine Schumann-Heink (Klytämnestra), le baryton-basse Karl Perron (Orest) et le ténor Johannes Sembach (Aegisth) ; la direction est assurée par Ernst von Schuch. L'œuvre ne connaît pas un franc succès lors de sa création : les protagonistes ont l'impression qu'avec Elektra les limites des possibilités expressives de la voix humaine ont été franchies ; une partie du public considère que l'hystérie sonore (l'orchestre comptait le nombre record de cent onze musiciens) et la recherche du saisissant y ont atteint leur comble, cependant que d'autres s'amusent de ce mélange incongru de primitivisme brut et de valse viennoise, caractéristique de l'œuvre. Quoi qu'il en soit, en dépit de ces controverses – voire grâce à elles –, Elektra va rapidement triompher dans le monde entier. La hardiesse straussienne, notamment dans le traitement de la tonalité, trouve dans cet ouvrage son expression la plus avancée. Les deux ouvrages lyriques suivants, Le Chevalier à la rose (1911) et Ariane à Naxos (1912), marqueront une rupture esthétique radicale par rapport aux novations de Salomé (1905) et d'Elektra, rupture que d'aucuns considéreront comme une démission du compositeur à l'égard de la modernité.

Argument

L'action se déroule dans la cour intérieure du palais royal de Mycènes, dans l'Antiquité légendaire.

Elektra ne comporte aucun prélude : trois mesures seulement de l'orchestre à l'unisson pendant le lever de rideau instaurent un climat de violence. Ce motif ternaire, anapestique, qui constitue la signature d'Agamemnon, parcourt tout l'ouvrage.

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Cinq servantes (une contralto, deux mezzo-sopranos et deux sopranos), réunies autour du puits, commentent l'inquiétant comportement d'Elektra (Électre) depuis l'assassinat de son père Agamemnon : chaque jour, à la nuit tombante, elle se met à rôder et à hurler, invoquant l'ombre du père chéri et réclamant vengeance contre ses assassins. Quatre des servantes lui sont hostiles mais la cinquième, la plus jeune, entreprend de la défendre. Elles se retirent et l'on entend les cris de la cinquième servante, molestée par ses aînées. Elektra (soprano) paraît ; dès lors, elle ne quittera plus la scène. En un grand monologue (« Allein ! Weh, ganz allein ! » : « Seule ! hélas, toute seule »), elle entre peu à peu en transe, revit la scène du meurtre paternel, et laisse éclater sa haine contre les coupables : sa mère Klytämnestra (Clytemnestre) et l'amant de cette dernière, Aegisth (Égisthe) ; le moment venu, aidée de son frère Orest (Oreste), pour l'heure disparu, et de sa sœur Chrysothemis (Chrysothémis), elle saura faire couler le sang.

Chrysothemis (soprano) rejoint sa sœur. Elle l'avertit des menaces que Klytämnestra et Aegisth font peser sur elle ; elle est moins désireuse qu'Elektra de se venger et aspire à l'amour d'un homme et au repos du foyer, idéal pour lequel Elektra n'a que mépris. Entendant approcher sa mère avec sa suite, Chrysothemis s'enfuit.

Parée de bijoux et d'amulettes, mais les traits tirés par l'angoisse qui la ronge, Klytämnestra (mezzo-soprano) entre en scène, au son terrifiant d'un orchestre aux percussions déchaînées. Restée seule avec sa fille, elle lui fait part des cauchemars qui l'obsèdent, et demande quel sacrifice pourrait l'en délivrer. Elektra lui démontre que ce qu'elle craint en réalité, c'est le retour de son fils, autrefois chassé par elle du palais, mais dont la rumeur court qu'il serait depuis peu revenu. Prise de colère vengeresse, Elektra lui propose un sacrifice, celui de Klytämnestra elle-même, qui périra par la hache qui a tué Agamemnon (« Was bluten muss ? Dein eigenes Genick » : « Qui doit verser son sang ? Ta propre nuque »). Klytämnestra est terrifiée, mais un mot d'une de ses suivantes glissé à son oreille suffit à lui rendre sa superbe et, prise d'un rire maléfique, elle quitte la scène.

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Chrysothemis accourt pour annoncer à sa sœur la terrible nouvelle : Orest est mort. Elektra décide alors qu'elles agiront seules. Chrysothemis refuse et quitte sa sœur, qui la maudit.

Elektra, demeurée seule, entreprend de déterrer la hache de la vengeance. Elle est interrompue par l'arrivée d'un étranger, qui demande à voir Klytämnestra pour lui confirmer la mort d'Orest. Elektra confie à l'étranger ses tourments et finit par lui révéler qui elle est. L'inconnu tressaille. Elektra le reconnaît : c'est Orest (baryton).

Elektra laisse libre court à son ravissement dans une scène de la reconnaissance qui est pratiquement le seul moment d'apaisement de l'ouvrage. L'heure est venue pour Orest de venger son père.

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Il pénètre dans le palais. Pleine de crainte et de joie mêlées, Elektra attend dehors. Soudain, le silence effrayant est déchiré par les cris de Klytämnestra. Elektra hurle de joie et encourage son frère. Puis, avec une macabre obséquiosité, elle guide Aegisth, qui vient de rentrer, vers l'intérieur. Quelques secondes à peine, et ses hurlements retentissent à leur tour. Alors que des voix scandent en coulisse le nom d'Orest (seul moment de l'ouvrage où Strauss et Hofmannsthal évoquent le chœur antique), Elektra, affolée par le plaisir du sang et de la vengeance assouvie, entreprend une danse extatique (« Ich habe Finsternis gesät und ernte Lust über Lust. » : « J'ai semé les ténèbres et je récolte joie après joie. ») qui la jette soudain contre le sol, morte. Chrysothemis court vers le palais, appelant par deux fois Orest.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical

Classification

Média

<em>Elektra</em> de R. Strauss, mise en scène de Ruth Berghaus - crédits : Jean Marc Zaorski/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Elektra de R. Strauss, mise en scène de Ruth Berghaus

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