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HORLOGES BIOLOGIQUES

Bien que l'existence de rythmes journaliers soit connue de longue date, chez les végétaux comme chez les animaux, l'idée que ceux-ci reposent sur une horloge interne est assez récente. Jean Jacques d'Ortous de Mairan rapporta à l'Académie des sciences de Paris en 1729 ses observations d'un rythme d'ouverture des feuilles de mimosa, rythme persistant lorsque les plants se trouvaient placés en obscurité constante. Des expériences similaires furent reprises pour de nombreuses espèces végétales et animales, mais il fallut attendre les années 1950 et 1960 pour que l'existence d'une horloge biologique interne à l'origine des rythmes circadiens, rythmes endogènes de période proche de 24 heures, soit admise par l'ensemble de la communauté scientifique. On définit par horloge circadienne une structure interne capable de générer de façon autonome des oscillations d'environ 24 heures. Les différents rythmes circadiens observés chez un organisme peuvent être considérés comme les « aiguilles » de son horloge interne. Les travaux de Colin Pittendrigh (États-Unis) sur l'horloge des insectes et de Jürgen Aschoff (Allemagne) sur celle des mammifères ont permis de définir les grandes caractéristiques des horloges circadiennes, en particulier en termes d'entraînement et de compensation de température (cf. rythmes biologiques).

Horloges biologiques. Rythmes circadiens d'activité des cellules « d'horloge » - crédits : Encyclopædia Universalis France

Horloges biologiques. Rythmes circadiens d'activité des cellules « d'horloge »

Des horloges circadiennes ont pu être mises en évidence dans l'ensemble du règne animal et végétal, y compris chez les organismes unicellulaires, eucaryotes mais également procaryotes, comme la cyanobactérie photosynthétique Synechococcus. Les propriétés rythmiques des unicellulaires se retrouvent dans les cellules des organismes multicellulaires. Isolées en culture in vitro, certaines cellules continuent à présenter une rythmicité fonctionnelle circadienne, donc ce sont bien des cellules pacemaker, autonomes. Ainsi, des cellules de glande pinéale de poulet produisent de la mélatonine de façon rythmique et des neurones des noyaux suprachiasmatiques de souris présentent individuellement un rythme d'activité électrique avec une période proche de 24 heures (fig. 1).

Les horloges circadiennes et les rythmes qu'elles contrôlent permettent aux organismes vivants de s'adapter au mieux à l'environnement périodique dans lequel ils vivent. Cette internalisation du temps astronomique leur confère la capacité, hautement adaptative, d'anticipation. Un organisme sera d'autant mieux adapté si la période intrinsèque de son horloge est plus proche de la période des cycles de l'environnement. Cela a pu être démontré expérimentalement grâce à des mutants de la cyanobactérie Synechococcus (Ouyang et coll., 1998). Lorsque deux souches ayant des périodes endogènes différentes (23 ou 25 ou 30 heures) sont mises en compétition dans une même boîte de culture, la souche dont la période est la plus proche de celle du cycle lumière-obscurité a une meilleure croissance et domine fortement (entre 80 et 100 p. 100 de la population totale). L'horloge circadienne permet également d'établir une organisation temporelle interne, par exemple en séparant des fonctions biochimiques incompatibles. Ainsi, les susdites cyanobactéries oscillent entre une fonction photosynthétique productrice d'oxygène pendant la journée et une fonction de fixation de l'azote (inhibée par l'oxygène) durant la nuit. Chez cet organisme, on a noté que l'expression de la quasi-totalité du génome était sous contrôle circadien. Dans le cas des mammifères, des expériences réalisées à l'aide de puces à ADN indiquent que de 1 à 5 p. 100 des gènes sont régulés de façon circadienne. Elles révèlent qu'un nombre important de voies biochimiques sont soumises à une régulation cyclique dans la cellule, voies qui diffèrent selon l'organe considéré.[...]

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Pour citer cet article

Catherine BLAIS et François ROUYER. HORLOGES BIOLOGIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Horloges biologiques. Rythmes circadiens d'activité des cellules « d'horloge » - crédits : Encyclopædia Universalis France

Horloges biologiques. Rythmes circadiens d'activité des cellules « d'horloge »

Horloges biologiques. Expression de gènes d'horloge chez la drosophile. - crédits : Encyclopædia Universalis France

Horloges biologiques. Expression de gènes d'horloge chez la drosophile.

Horloges biologiques. Boucle circadienne de régulation par rétroaction dans un neurone d'horloge du cerveau de drosophile - crédits : Encyclopædia Universalis France

Horloges biologiques. Boucle circadienne de régulation par rétroaction dans un neurone d'horloge du cerveau de drosophile

Autres références

  • HASTINGS JOHN WOODLAND dit WOODY (1927-2014)

    • Écrit par Universalis
    • 368 mots

    Le biochimiste américain Woody Hastings a posé les bases moléculaire et génétique d’une nouvelle discipline, la photobiologie, en étudiant la production de lumière (luminescence) par des bactéries et des protistes. Il a pu ainsi identifier un mécanisme nouveau de contrôle de l’activité...

  • ORIENTATION ANIMALE

    • Écrit par Georges THINÈS
    • 6 633 mots
    • 3 médias
    ...constante. Cette correction ne peut être effectuée que si l'animal dispose d'un système endogène d'estimation du temps. Celui-ci est généralement appelé «  horloge physiologique » dans le vocabulaire des auteurs qui étudient les rythmes du comportement. L'horloge physiologique est, selon toute vraisemblance,...
  • PHYTOCHROME

    • Écrit par Jean-Pierre BOULY, René HELLER, Émile MIGINIAC
    • 3 163 mots
    • 1 média
    ...chrysanthème). Ce contrôle photopériodique de la floraison implique une mesure de la durée d'éclairement quotidien. Cette mesure, par les plantes, fait appel à une horloge biologique interne et autonome régulant des rythmes circadiens, à savoir des rythmes biologiques d'environ 24 heures. Les phytochromes, particulièrement...
  • PRIX NOBEL DE PHYSIOLOGIE OU MÉDECINE 2017

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 1 438 mots
    • 3 médias

    Le prix Nobel de physiologie ou médecine a été attribué en 2017 à trois scientifiques américains, Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael W. Young pour « leurs découvertes des mécanismes moléculaires qui règlent le rythme circadien ». L’assemblée Nobel résume ainsi leurs recherches : depuis...

Voir aussi