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FRANCE (Histoire et institutions) Le temps des révolutions

La révolution industrielle

Tels qu'ils viennent d'être brièvement retracés, les avatars de l'idéal révolutionnaire en France, depuis 1789 jusqu'à 1944, doivent être mis en relation avec d'autres conceptions de la révolution, nées des incroyables mutations que connut alors la société française. Au premier rang de ces mutations, l'ensemble des phénomènes bientôt réunis sous l'appellation de « révolution industrielle » pesa d'ailleurs lourdement sur l'évolution des cultures et des pratiques politiques françaises.

Dès les années 1830, en effet, de nombreux observateurs eurent conscience des profonds bouleversements qui commençaient à affecter la société française, et ce d'autant plus que l'exemple britannique, celui du Lancashire en particulier, semblait annoncer l'évolution à venir de la France. Éperonné par les conséquences de la disparition de la société d'ordres de l'Ancien Régime, un puissant sentiment d'illisibilité de la société se diffusa alors, qui eut pour conséquence tout autant une véritable anxiété de l'avenir que la volonté de comprendre les évolutions en cours. Les œuvres d'auteurs aussi différents que Joseph-Marie de Gérando, Alexis de Tocqueville, Honoré de Balzac, Louis René Villermé, Flora Tristan ou Frédéric Le Play témoignent de ce mouvement général d'analyse d'une société que l'on jugeait révolutionnée par autre chose que la seule commotion politique de 1789. À coups d'enquêtes sociales et philanthropiques, de diagnostics médicaux, de romans réalistes, de « physiologies » et d'innombrables statistiques chiffrées, nombreux furent ainsi ceux qui cherchèrent à comprendre et à ordonner un monde social devenu opaque. Progressivement définie dans la seconde moitié du xixe siècle, dotée d'un statut scientifique au début du xxe siècle, la sociologie constitua l'aboutissement de cette volonté d'une saisie rationnelle de l'ordre social nouveau.

Les changements visibles apportés par l'utilisation massive de la machine à vapeur, tant dans l'industrie textile que pour la navigation et le chemin de fer, imposèrent progressivement l'idée d'une révolution industrielle. L'expression fut proposée dès la première moitié du xixe siècle, notamment par Engels, en attendant d'être utilisée comme concept explicatif à la fin du siècle. Elle désignait l'ensemble des bouleversements économiques et sociaux intervenus depuis le début du xixe siècle – depuis les alentours de 1830 en France – et que la diffusion de nouvelles techniques (la « fée électricité », l'automobile) redoublèrent à partir des années 1880. En même temps, elle objectivait ces bouleversements et proposait un nouveau thème pour le débat politique.

La révolution industrielle, en effet, s'accompagnait de la diffusion de nouvelles identités par lesquelles la société contemporaine pouvait se penser. La disparition de la société d'ordres ouvrit la voie à la notion de classes pour penser les nouvelles hiérarchies sociales. Or, parmi ces classes – au nombre desquelles il faut compter l'inédite classe moyenne, dans laquelle François Guizot reconnaissait l'ensemble des citoyens susceptibles de se voir accorder le droit de vote –, se distingua rapidement la classe laborieuse. Constituée des ouvriers soumis aux nouvelles conditions de travail – urbaines, dans des « usines » distinctes du domicile, où s'exerçaient une stricte hiérarchie professionnelle et une division des tâches et du temps de plus en plus précise –, elle focalisa l'attention des penseurs politiques tout autant que celle des observateurs sociaux. La figure du prolétaire, apparue dans les années 1830 pour désigner l'ouvrier soumis à ce nouvel ordre de production, semblait la résumer. Si l'identification de ces classes laborieuses[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université Grenoble Alpes

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Pour citer cet article

Sylvain VENAYRE. FRANCE (Histoire et institutions) - Le temps des révolutions [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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