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FRANCE (Histoire et institutions) Le temps des révolutions

Refaire la Révolution (1848-1880)

Les journées de Juin avaient attisé, parmi les élites républicaines, la « peur du rouge ». Toute l'histoire de la IIe République est ainsi celle d'un glissement vers une politique de plus en plus méfiante à l’égard du peuple, particulièrement celui des villes. La loi du 31 mai 1850, votée contre ce que la grande voix du « parti de l'Ordre », Adolphe Thiers, appelait la « vile multitude », en témoigne. Sans revenir officiellement sur le principe du suffrage universel, elle enlevait le droit de vote à tous ceux qui ne pouvaient pas justifier d'une adresse fixe depuis trois ans, ce qui concernait d'abord les ouvriers les plus pauvres des grandes villes. Une telle politique permit à Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, jour-anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d'Austerlitz, d'organiser un coup d'État à Paris en faisant placarder dans toute la ville des affiches proclamant : « Le suffrage universel est rétabli. »

Le second Empire (1852-1870), promulgué par Napoléon III un an après ce 2-Décembre détesté des républicains, se présenta ainsi comme la réalisation de la Révolution française. Pourtant, si le régime prétendait défendre le suffrage universel, la pratique de celui-ci était vicieuse et l'Assemblée qui en résultait, appelée le Corps législatif, privée de tout pouvoir réel. La liberté d'expression était réduite drastiquement. À partir de 1860, l'évolution du régime vers un libéralisme tout à la fois économique et politique n'empêcha pas deux mémoires de la Révolution de s'affronter : celle qui, avec Napoléon III, voyait dans l'Empire le moyen de l'aboutissement progressif des idéaux de 1789 et celle qui, avec des républicains incarnés notamment par l'irréductible Victor Hugo, refusait d'accepter un régime qui n'accordait pas aux Français l'intégralité de la « liberté chérie » dont parlait cette Marseillaise à laquelle le second Empire n'accordait aucune dignité particulière.

Barricade durant la Commune de Paris - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Barricade durant la Commune de Paris

La chute du second Empire, conséquence de la guerre franco-prussienne, amena la proclamation de la Troisième République (1870-1940) le 4 septembre 1870. Mais, dans le contexte troublé de la défaite militaire, de l'occupation du territoire, du siège de Paris et de la Commune de 1871, l'accouchement des institutions et, plus encore, de leur pratique, fut douloureux. Face à la débâcle des partisans de l'Empire et à la faiblesse de ceux de la monarchie, les hommes de la IIIe République se scindèrent en deux. D'un côté, les « radicaux », tels Léon Gambetta et Georges Clemenceau, critiquèrent un régime qui, du Sénat au président élu pour sept ans en passant par le refus de l'impôt sur le revenu et celui de la séparation des Églises et de l'État, ne correspondait pas à l'idéal qu'ils se faisaient des institutions censées exprimer les principes de la Révolution française. De l'autre, les « opportunistes », tels Jules Ferry et Jules Grévy, acceptèrent d'organiser un régime qui, de l'école gratuite, laïque et obligatoire au service militaire pour tous en passant par les reconnaissances de la liberté de la presse, de l'existence des syndicats et du divorce, semblait achever, dans les années 1880, le processus inauguré un siècle plus tôt. De fait, la IIIe République adoptait tous les symboles de la Révolution : le 14 juillet devenait fête nationale et La Marseillaise hymne national. Successivement proclamées en 1789-1793, 1830 puis 1848, les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité étaient réunies pour former la devise de la République française. Et ce cadre allait finalement être celui dans lequel se réaliserait une partie des désirs radicaux – depuis la loi sur les associations (1901) jusqu'à[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université Grenoble Alpes

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Pour citer cet article

Sylvain VENAYRE. FRANCE (Histoire et institutions) - Le temps des révolutions [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ernest Renan - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Ernest Renan

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Louis Pasteur

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Prise de la Bastille

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