Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LE PLAY FRÉDÉRIC (1806-1882)

Le Play est, sans doute, le plus méconnu des fondateurs de la sociologie. L'orientation de sa philosophie sociale, qui permet de le ranger d'emblée parmi les penseurs rétrogrades, fournit un prétexte commode pour ne pas examiner l'ensemble de son œuvre. Ses principes d'observation directe de la réalité et de recherche comparative, sa méthode monographique, ses techniques de quantification par le budget qu'il a appliqués à l'étude systématique des familles ouvrières font pourtant de lui le premier théoricien de la sociologie de terrain. De plus, sa double activité de haut fonctionnaire et de sociologue éclaire l'histoire de la sociologie qu'il a contribué à organiser en créant la Société d'économie sociale. Ses continuateurs ont été nombreux et actifs durant un demi-siècle. Ils ont complété la méthode monographique et lui ont ouvert de nouveaux champs d'application. Essaimant dans divers milieux sociaux, les leplaysiens ont pris une part non négligeable dans la diffusion de la sociologie au sein de la société française.

Le Play, haut fonctionnaire et sociologue

Le Play naît le 11 avril 1806 à La Rivière-Saint-Sauveur (Calvados). Il y passe les premières années de son enfance « au milieu d'une population maritime chrétienne et dévouée à la patrie [...] », comme il l'écrit lui-même dans Les Ouvriers européens, « à l'abri des opinions délétères qui, depuis 1789, étaient propagées dans la majeure partie de la France ». Son père, un fonctionnaire de l'administration des Douanes, étant mort prématurément en 1811, il s'attache fortement à sa mère dont il reçoit une éducation très chrétienne.

Admis en octobre 1825 à l'École polytechnique, il y connaît le bouillonnement des idées politiques et sociales dont l'École est le siège à cette époque. Les saint-simoniens Michel Chevalier et, surtout, Jean Reynaud qui devient son ami, sont ses condisciples. Sorti en bon rang de Polytechnique, Le Play entre à l'École des mines. Élève brillant, il se fait remarquer par la direction de l'École qui l'appuie lorsque, en 1829, il forme avec Reynaud le projet d'un vaste voyage d'étude en Allemagne du Nord avec le dessein de ne pas séparer la visite des mines, des usines et des forêts de son intérêt pour les questions sociales. Démarche originale, couronnée d'un succès qui se révèle déterminant pour la première partie de la carrière publique de Le Play et pour son œuvre sociologique. En effet, son journal de voyage lui vaut de se voir offrir par l'Administration de collaborer à la publication des Annales des mines. Il réussit si bien dans cet emploi (qu'il conservera jusqu'en 1840), que le ministre des Travaux publics le nomme, en janvier 1834, membre de la commission permanente de statistique de l'industrie minérale. Il en sera la cheville ouvrière jusqu'en juillet 1848, où il est nommé inspecteur des études à l'École des mines. Il y était déjà chargé du cours de métallurgie depuis son départ des Annales.

Voilà pour le haut fonctionnaire. Mais l'ingénieur n'abandonne pas pour autant la démarche inaugurée en 1829. Il la poursuit au contraire, faisant durant un quart de siècle de son activité d'expert métallurgiste le support de ses recherches sociologiques. C'est à l'occasion de missions métallurgiques diverses, entreprises chaque année, que Le Play réalise des études sociologiques systématiques au cours de séjours répétés dans différents pays d'Europe. La pratique se répand alors, y compris dans la sociologie naissante, de partir en mission. Ainsi, en 1839, Enfantin est chargé, en Algérie, de « travaux concernant l'ethnographie, les mœurs et les institutions » ; et l'on sait que, dès 1835, l'Académie des sciences morales et politiques confie la mission d'observer la classe ouvrière à Villermé et Benoiston[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur de troisième cycle en sociologie, chargé de cours à l'U.E.R. des sciences de l'éducation à l'université de Paris-VIII

Classification

Pour citer cet article

Antoine SAVOYE. LE PLAY FRÉDÉRIC (1806-1882) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CATHOLICISME LIBÉRAL ET CATHOLICISME SOCIAL

    • Écrit par René RÉMOND
    • 7 280 mots
    ...et de travailler à la soulager. Cette école se consacre à défendre la famille traditionnelle, met son espérance dans la restauration des corporations. Telle est l'inspiration des écrits de Le Play et La Tour du Pin, comme celle qui préside en France à la fondation par Albert de Mun des Cercles catholiques...
  • DROIT ÉCOLE SOCIOLOGIQUE DU

    • Écrit par Jean-Louis HALPÉRIN
    • 1 271 mots
    ...suscita la réaction des juristes. Le courant le plus ancien, et longtemps le plus influent dans le domaine du droit, résulte de l'œuvre et de l'action de Frédéric Le Play (1806-1882). La Société d'économie sociale (1856) et la revue La Réforme sociale (1880) diffusèrent non seulement les critiques...
  • ÉCONOMIE SOCIALE

    • Écrit par Éric BIDET
    • 6 010 mots
    ...association ouvrière ou la communauté. Elle valorise la figure du patron éclairé dont l’autorité est légitimée par un comportement exemplaire. Les figures les plus importantes de cette tradition sont sûrement Frédéric Le Play, qui défend le patronage contre le libéralisme générateur à ses yeux...
  • FAMILLE - Sociologie

    • Écrit par Rémi LENOIR
    • 5 325 mots
    • 3 médias
    ...paternelle » dans laquelle les enfants sont dans un « état de dépendance perpétuelle », famille qui correspond grosso modo à celle de l'Ancien Régime, celle-là même que défendaient à son époque les tenants du familialisme d'inspiration catholique et qui trouvent dans l'œuvre de Le Play des fondements...

Voir aussi