FRANCE (Histoire et institutions)Le temps des révolutions
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Les révolutions scientifiques
Les progrès techniques qui étaient au cœur de la révolution industrielle contribuèrent, par ailleurs, à bouleverser profondément les croyances et les représentations des Français. Le cas des moyens de transport est particulièrement remarquable. La navigation à vapeur et le chemin de fer jouèrent ainsi un rôle décisif dans la diffusion de l'impression selon laquelle l'inconnu allait disparaître du globe à coups d'explorations, tandis que les distances semblaient se raccourcir toujours plus. La progressive constitution de la science géographique, de même que sa vulgarisation à grande échelle – songeons à l'œuvre de Jules Verne – s'accompagnèrent ainsi de la célébration du rôle du progrès technique dans l'avènement de la connaissance de la planète entière. Au tournant des xixe et xxe siècles, conséquence de la révolution des transports et du double mouvement d'exploration et de colonisation du monde, le thème du « monde fini » s'imposa, suggérant que l'espace dans lequel vivaient désormais les hommes n'avait plus rien à voir avec celui qui avait jusqu'alors conditionné leur existence. Le temps de l'aventure semblait passé et le monde allait entrer dans une ère nouvelle, dont on déplorait volontiers qu'elle allait être aussi triste que sûre, le regret d'une uniformisation des sociétés l'emportant sur la gloire des découvertes scientifiques.
Ce sentiment d'une transformation dans les conditions de vie des hommes sur terre se doublait de la découverte de l'existence de bouleversements ayant affecté la terre elle-même. Dès les premières années du xixe siècle, dans son Discours sur les révolutions de la surface du globe, Georges Cuvier défendait l'idée de l'immense ancienneté du globe et de l'importance considérable des mouvements qui avaient transformé, depuis les origines, la surface de la terre. Par la suite, les théories géologiques, l'invention de la paléontologie, la reconnaissance de la préhistoire bouleversèrent en profondeur les conceptions de l'histoire de la terre et des hommes. La révolution devenait le principe même de la vie.
Plus encore : instruit des nouvelles connaissances géologiques, reprenant à son compte les intuitions de Lamarck sur le transformisme et y introduisant le principe de la « sélection naturelle », Charles Darwin proposa, en 1859, dans L'Origine des espèces, sa théorie de « l'évolution » des espèces vivantes. Celle-ci fut, d'emblée, considérée comme révolutionnaire – et dénoncée comme telle. En finissant par établir un lien entre l'espèce humaine et les espèces animales, Darwin bouleversait en effet profondément toutes les conceptions admises sur la création de l'homme.
De ce point de vue, la diffusion du darwinisme en France sembla renforcer le mouvement plus général de déchristianisation de la société, entrepris depuis le xviiie siècle au moins. L'Église catholique en eut une claire conscience, qui condamna non seulement la théorie de l'évolution mais aussi, de façon plus générale, l'esprit de révolution du monde moderne que la science, tout particulièrement, semblait favoriser. De fait, depuis les progrès de l'exégèse biblique, qui conduisaient à une révision déchirante des dogmes chrétiens, jusqu'à l'invention de la psychanalyse par Freud, qui faisait éclater l'unité du sujet et donc la responsabilité du pécheur, les découvertes scientifiques bouleversaient les représentations traditionnelles du monde et de l'homme, dont l'Église était la principale garante. D'ailleurs, les républicains ne s'y trompèrent pas. Alors que, de Grégoire XVI à Pie XII en passant par Pie IX, le Vatican condamnait les progrès scientifiques dans bien des domaines, eux firent du scientiste Ernest Renan un des héros de ce monde nouveau qui mêlait révolution politique et révolution scientifique et dont ils étaient les ardents défenseurs. Dans le même mouvement, ils célébrèrent aussi Louis Pasteur, d'esprit pourtant moins scientiste que Renan. En identifiant les microbes, celui-ci avait rendu caduque toute autre th [...]
Ernest Renan (1823-1892), philologue et historien français, ici vers 1875.
Crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images
Louis Pasteur, scientifique français, chimiste de formation, est devenu microbiologiste. Pasteur a très largement contribué à l'essor de la microbiologie médicale et vétérinaire, à l'identification des microbes responsables et à la mise au point de vaccins destinés à protéger contre...
Crédits : O.Golovnev/ Shutterstock
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Écrit par :
- Sylvain VENAYRE : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Grenoble-II
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Pour citer l’article
Sylvain VENAYRE, « FRANCE (Histoire et institutions) - Le temps des révolutions », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/france-histoire-et-institutions-le-temps-des-revolutions/