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TRISTAN FLORA (1803-1844)

Née à Saint-Mandé, enfant naturelle d'une mère française et d'un père aristocrate péruvien, dont la mort prématurée laissera la famille dans la misère, Flora Tristan est d'abord ouvrière coloriste. Son mariage avec le graveur André Chazal sera une catastrophe qui la poursuivra toute sa vie. En 1825, elle s'enfuit du domicile conjugal avec ses deux enfants dont Aline, future mère de Gauguin. En 1826, elle est en Angleterre comme dame de compagnie et s'initie au saint-simonisme. Son mari la poursuit de sa rancune. En 1833, elle s'embarque pour le Pérou pensant pouvoir connaître sa famille paternelle, mais c'est un échec. De retour à Paris, elle prépare et publie sa première brochure, De la nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères, dans laquelle elle affirme la nécessité d'instruire les femmes, mais aussi la nécessité pour celles-ci de s'unir. Nouveaux heurts avec son mari qui lui enlève sa fille. Dans le même temps, Flora Tristan fait la rencontre de Fourier. En 1837, elle obtient enfin la séparation de corps d'avec son mari et publie peu après Les Pérégrinations d'une paria, récit autobiographique. Son mari, qui a tenté de l'abattre à coups de revolver, est condamné à vingt ans de travaux forcés. Elle passe l'été de 1839 en Angleterre et publie Les Promenades dans Londres, qui la classent parmi les écrivains sociaux. En 1843, Flora décide de publier L'Union ouvrière. Cinq ans avant le Manifeste du parti communiste, elle y affirme la nécessité de « l'union universelle des ouvriers et ouvrières [...] qui aurait pour but de constituer la classe ouvrière » : elle est reconnue dès lors comme une personnalité du mouvement socialiste. Alors qu'elle effectuait une tournée de conférences à travers la France, elle meurt à Bordeaux.

C'est incontestablement de son expérience de paria que Flora Tristan a puisé la substance de son œuvre et de sa pensée. L'idée de l'émancipation de la femme s'impose à elle très tôt, elle dont la vie conjugale fut un martyre. La pauvreté qui fut son lot, sa condition de travailleuse lui font lier la lutte contre l'exploitation de la classe ouvrière à la lutte contre l'oppression des femmes. Mais elle éprouva la difficulté à faire accepter cette remise en cause par les ouvrières car « l'homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme ; [la femme] est la prolétaire du prolétaire même ». Se refusant tout à la fois à séparer la cause des femmes de celle du prolétariat et à dissoudre la spécificité du combat contre l'oppression féminine dans la lutte plus générale contre la société capitaliste, Flora Tristan, longtemps avant Engels, Alexandra Kollontaï ou Clara Zetkin, a posé les principes de base du féminisme.

— Paul CLAUDEL

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Pour citer cet article

Paul CLAUDEL. TRISTAN FLORA (1803-1844) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FÉMINISME - France : du M.L.F. à la parité

    • Écrit par Muriel ROUYER
    • 4 272 mots
    • 1 média
    ...Christine Delphy, parce qu'elle distingue toujours l'aliénation principale (de classe) de l'aliénation secondaire (patriarcale), ignorant ce que Flora Tristan (1803-1844) avait pourtant formulé sans équivoque : « L'homme le plus opprimé peut opprimer un être qui est sa femme ; elle est le prolétaire...
  • GAUGUIN PAUL (1848-1903)

    • Écrit par Philippe VERDIER
    • 3 177 mots
    • 5 médias
    ...fait entrevoir, c'est d'abord dans son sang même qu'il la réalise : au-delà de l'image de sa mère, morte en 1867, il rejoint l'atavisme de sa grand-mère, Flora Tristan, aventurière et bas-bleu socialiste, qui le reliait à un arrière-grand-oncle vice-roi du Pérou et aux conquistadores de l'Amérique du Sud,...
  • OUVRIER MOUVEMENT

    • Écrit par Jean BRUHAT, Bernard PUDAL
    • 11 026 mots
    • 2 médias
    ...travaillent avec des procédés anciens dans de petites entreprises). En dépit des nouvelles lois répressives, il y a des grèves importantes à Paris en 1840. Flora Tristan, une femme d'origine bourgeoise mais très liée aux ouvriers et qui avait étudié sur place le mouvement ouvrier anglais, préconise sous le...

Voir aussi