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ROMAIN DROIT

Vieux de près de deux millénaires, le droit romain suscite encore aujourd'hui l'intérêt des juristes. Il leur fournit un langage commun, un système de référence, un « champ d'exercice » et, pour le moins, un objet de réflexion. Bien qu'il ne manque pas de détracteurs et que, depuis Rabelais et Molière, il passe pour refuge des pédants, son enseignement, encore assuré dans d'assez nombreuses universités, continue à susciter des travaux de qualité. Comment s'explique cette étrange survie et à quoi tient-elle ? Sans doute à des raisons à la fois historiques et « techniques ». Une lente élaboration, un sens aigu des exigences de la vie sociale et des adaptations juridiques incessantes que requièrent ses transformations, un souci de justice et d'humanité qui fournit les principes directeurs, une construction logique largement inspirée de la philosophie grecque ont permis aux Romains de façonner un droit qui satisfasse à la fois leur goût de l'ordre et leur sens pratique. Au premier tiers du vie siècle, un empereur byzantin, dont l'ambition fut de restaurer la splendeur romaine, fit compiler l'essentiel des principes et des solutions dégagés au cours des siècles par les juristes de Rome. Retrouvées après un long oubli dans l'Italie de la fin du xie siècle, ces « compilations de Justinien » suscitèrent l'admiration. Leur supériorité par rapport au droit coutumier, qui régnait alors dans l'Europe occidentale, est si éclatante que, bien que conçu pour une tout autre société, le droit romain fut utilisé comme un droit vivant, on dira plus tard comme la « raison écrite ». Et c'est ainsi que, lentement, et dans une mesure variable selon les régions, il façonna ce qui au cours des siècles devint le droit de divers États européens. Sa survie était par là même assurée. L'érudition critique s'interroge toujours sur les étapes et les moyens de cette pénétration et sur son bilan dans les divers pays.

Dans une autre perspective, l'étude du droit romain ne stimule pas moins la réflexion. Rome constitue en effet un cas privilégié : on peut suivre l'histoire de son droit de ses origines à son apogée ; certains, à propos du droit postclassique, diront jusqu'à son déclin. Des sources insuffisantes certes, mais qui cependant fournissent une certaine information, laissent deviner un droit encore rudimentaire où le ritualisme l'emporte sur l'équité ; ce droit, fait pour une société peu développée et essentiellement rurale, ne connaît qu'un petit nombre d'actes juridiques et laisse à une autorité patriarcale le premier rôle dans la vie familiale et la gestion des patrimoines. Une documentation beaucoup plus abondante permet de suivre les transformations de ce droit archaïque accomplies sous la pression des besoins d'une cité qui devient peu à peu maîtresse du monde. Les mécanismes de ces mutations sont connus ; certaines peuvent être datées. Puis, après l'apogée d'un « âge classique », on constate de nouveaux changements (adaptation ou régression, selon les interprètes) qu'imposent les conditions de vie du Bas-Empire. Et cette interaction incessante entre les forces politiques, économiques, sociales, voire intellectuelles et religieuses, et le droit romain n'est sans doute pas le moindre intérêt de l'étude de ce droit.

Le développement historique

Dès ses lointaines origines, que la légende fixe en 753 mais que l'archéologie révèle plus anciennes d'au moins trois siècles (si l'on tient compte de la seule occupation des collines par des groupes humains et non de l'existence d'une « ville », même modeste), la future capitale d'un monde eut nécessairement des usages, sinon un véritable droit. De ces usages premiers rien de certain n'est connu. Peut-être les « lois royales », que la tradition met sous[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Jean GAUDEMET. ROMAIN DROIT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots
    L'institution est connue et pratiquée depuis la plus haute antiquité : les droits mésopotamien, égyptien, hébraïque ou grec la connaissent.Surtout elle a été très pratiquée par les romains, selon des formes et pour des raisons qui ont varié selon les époques. Mais à Rome, la notion de famille...
  • AGNAT

    • Écrit par Yvan BARBÉ
    • 163 mots

    Venant du droit romain, « agnat » (en latin agnatus) désigne dans l'anthropologie contemporaine un système de descendance reposant uniquement sur la lignée mâle (par opposition à « cognat », qui qualifie la parenté par les femmes). Le critère de résidence commune et d'autorité (dérivé de...

  • BARTOLO (1313/14-1357)

    • Écrit par Jean GAUDEMET
    • 268 mots

    L'un des plus grands juristes médiévaux. Né à Venatura, sur le territoire de Sassoferrato (province d'Ancône), Bartolo fut, dès l'âge de quatorze ans, l'élève à Pérouse du juriste Cino da Pistoia et l'ami de Dante. Cino lui apprit une nouvelle méthode d'étude et d'utilisation...

  • BASILIQUES, droit romain

    • Écrit par Jean GAUDEMET
    • 319 mots

    Compilation juridique faite à Constantinople sur l'ordre de l'empereur byzantin Léon le Sage (886-911). Ce recueil rassemble ce qui, dans la compilation justinienne (Code, Digeste, Institutes, Novelles), était encore en vigueur dans l'Empire d'Orient à la fin du ixe siècle....

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Voir aussi