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DÉMOCRATIE CHRÉTIENNE

La démocratie chrétienne est un mouvement qui cherche à promouvoir, au sein d'une société démocratique et pluraliste, une politique conforme au message qu'expriment l'Évangile, la doctrine sociale des Églises et les travaux de penseurs chrétiens. Autonome vis-à-vis des organisations ecclésiales, mais enracinée dans de larges fractions du peuple chrétien, elle reçoit aussi le soutien d'agnostiques ou d'athées ouverts à l'apport culturel du christianisme. Dans Humanisme intégral (1936), le philosophe catholique Jacques Maritain rappelle son souhait de formations politiques qui rassembleraient « seulement tels chrétiens qui se font du monde, de la société et de l'histoire moderne une certaine philosophie et tels non-chrétiens qui reconnaissent d'une manière plus ou moins complète le bien-fondé de cette philosophie ».

Quand, le 21 novembre 1791, à la Constituante, l'évêque constitutionnel de Lyon Lamourette évoque les « principes lumineux de la démocratie chrétienne », sans doute crée-t-il l'expression, mais sans y voir autre chose encore qu'une Église démocratique et populaire opposée à l'Église aristocratique de l'Ancien Régime. L'idée restera sans suite. Il faut attendre 1848 pour que l'on reparle de démocratie chrétienne : en France surtout, où avec les rédacteurs de L'Ère nouvelle, Frédéric Ozanam fait la fortune de l'expression, désormais chargée de son sens politique contemporain. Mais la réaction contre-révolutionnaire éliminera ce que Jean-Baptiste Duroselle appelle à juste titre la « première démocratie chrétienne ».

Une deuxième va naître au lendemain de l'encyclique de Léon XIII, Rerum novarum (1891). Pour la première fois, la papauté semble appuyer le réformisme politique et social. Si une Union démocratique chrétienne de l'arrondissement de Liège apparaît en 1892, c'est en France que se constitue, en mai 1896, un Parti démocratique chrétien, première formation politique au monde à arborer cette étiquette. Jusque-là, les partis d'inspiration chrétienne, et de fait catholique, utilisaient d'autres appellations : « Centre » en Allemagne, « conservateurs » en Suisse, « catholiques » en Belgique, « sociaux-chrétiens » en Autriche, « nationaux-catholiques » en Bohême-Moravie...

L'entre-deux-guerres, cependant, verra les formations d'inspiration démocrate-chrétienne se baptiser Jeune République et Parti démocrate populaire, en France, ou Parti populaire, en Italie. Dès 1901, en effet, Graves de communi du même Léon XIII jugeait « condamnable de détourner en un sens politique le terme de démocratie chrétienne », celle-ci n'étant que la « bienfaisante action chrétienne parmi le peuple ». L'étiquette allait ainsi politiquement disparaître partout, sauf en Lituanie et en Pologne, jusqu'à sa résurrection en 1943 opérée par Alcide De Gasperi sur les ruines du vieux P.P.I. Ne s'agit-il pas de marquer la spécificité du nouveau parti et la force de sa doctrine à un moment où, le fascisme s'écroulant, resurgissent avec une force inattendue dans la péninsule le socialisme et le communisme ? De même, en Allemagne, le rapprochement entre les catholiques et les protestants unis dans leur opposition au national-socialisme favorise la création de partis régionaux démocrates-chrétiens qui se fédéreront dans une Union démocrate-chrétienne ( C.D.U.). En 1945, le premier parti latino-américain portant une étiquette démocrate-chrétienne est créé au Brésil.

Un courant politique original

Au départ, il y a ce conflit triangulaire qui, au long du xixe siècle, oppose catholicisme, libéralisme et socialisme. Il est à l'origine des trois courants essentiels de la vie politique européenne, lorsque la compétition électorale, une fois le suffrage censitaire[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences de science politique à l'Institut d'études politiques de Bordeaux
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Pierre LETAMENDIA. DÉMOCRATIE CHRÉTIENNE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Alcide De Gasperi, 1951 - crédits : Picture Post/ Hulton Archive/ Getty Images

Alcide De Gasperi, 1951

Autres références

  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

    • Écrit par Alfred GROSSER, Henri MÉNUDIER
    • 16 391 mots
    • 10 médias
    La démocratie chrétienne allemande se compose de deux branches qui forment cependant un groupe parlementaire commun au Bundestag, mais elles sont juridiquement et politiquement distinctes. L'Union chrétienne-démocrate (C.D.U.) existe dans tous les Länder, sauf en Bavière où l'Union chrétienne sociale...
  • AMÉRIQUE LATINE - Rapports entre Églises et États

    • Écrit par Jean Jacques KOURLIANDSKY
    • 6 741 mots
    • 2 médias
    ...plénier latino-américain. Cette inflexion fut confirmée par Jean XXIII, initiateur du deuxième concile du Vatican en 1962, et par son successeur Paul VI. Des militants catholiques engagés dans le monde ont alors obtenu les premières victoires électorales de la démocratie-chrétienne latino-américaine au Chili...
  • AUTRICHE

    • Écrit par Roger BAUER, Jean BÉRENGER, Annie DELOBEZ, Universalis, Christophe GAUCHON, Félix KREISSLER, Paul PASTEUR
    • 34 125 mots
    • 21 médias
    ...catholicisme politique. L'Ö.V.P. déclare rassembler les électeurs conservateurs chrétiens, tout en s'inscrivant dans la tradition du partenariat social. Depuis 1995, l'Ö.V.P. se présente comme « un parti chrétien-démocrate, un parti de l'État de droit libéral et de la société ouverte, un parti de l'économie...
  • BEERNAERT AUGUSTE (1829-1912)

    • Écrit par Jean-Marie MAYEUR
    • 637 mots

    Fils d'un fonctionnaire de l'Enregistrement, Auguste Beernaert fait des études à l'université de Louvain, puis poursuit une carrière d'avocat à Bruxelles. Il fait partie du conseil de surveillance du journal libéral L'Étoile belge, mais ne joue pas de rôle politique...

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Voir aussi