PAPAUTÉ

Le mot papatus dérive du titre de papa (titre d'honneur signifiant père), donné jusqu'au viie siècle à tous les évêques, mais plus spécialement à celui de Rome. Papatus apparaît dans le dernier tiers du xie siècle, en même temps que l'emploi de curia pour désigner l'administration centrale et romaine de l'Église catholique. Ce simple fait révèle une historicité de ce qui est cependant l'institution la plus ancienne du monde occidental. À Rome même, la continuité de la tradition et de la conscience d'être la tête, caput, de détenir la primauté est impressionnante. Cette continuité est réelle. On peut lui appliquer les critères de développement homogène formulés par Newman : préservation du type, continuité des principes, puissance d'assimilation, conséquence logique, anticipation de l'avenir, action conservatrice du passé, vigueur durable. Pourtant les chrétiens non catholiques romains dénoncent des changements intervenus au cours du temps et qui auraient modifié l'institution, ou même l'auraient créée. L'histoire est l'histoire, il faut la reconnaître telle qu'elle a été. Ainsi contestée par nombre de chrétiens, la papauté occupe une place privilégiée dans la vision que les catholiques romains ont de l'Église, dans leurs sentiments spirituels et religieux profonds. Elle appartient en substance, pour eux, à l'ordre voulu par le Christ et à son institution (Matth., xvi, 16). La papauté a tenu et tient encore une grande place dans l'histoire du monde. Souvent en conflit avec les puissances séculières les plus hautes pour la libertas Ecclesiae, elle s'est posée à leur niveau. Son histoire est intimement mêlée à celle des nations. Même à l'époque moderne elle est intervenue, par exemple, pour le partage du Nouveau Monde entre Espagne et Portugal (1493), pour exhorter tantôt les princes, tantôt les peuples, pour guider l'action sociale et politique des catholiques, pour la cause de la paix (Paul VI à l'O.N.U., 1965). À l'âge de l'œcuménisme, la papauté représente un espoir en même temps qu'un obstacle très sérieux.

Histoire

Premières affirmations de la primauté papale

Après la paix constantinienne (311-313), l'Église, enfin libre de vivre de façon publique, eut à préciser les structures de sa vie œcuménique. Devait-elle se créer, au plan canonique, une organisation de cette vie : conciles, ordre des sièges et des patriarcats ? Ce sera l'idée suivie en Orient. Ou bien en avait-elle déjà le principe dans sa structure apostolique ? C'était la position romaine. Depuis Calliste (vers 220), Étienne (257), peut-être même depuis Victor, en 192-194, les évêques de Rome appuyaient leur revendication d'autorité sur le texte de Matthieu, xvi, 17-19 : « Moi, je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne tiendront pas contre elle. » Durant les trois premiers siècles, on ne les voit pas revendiquer une juridiction sur les autres Églises, même s'ils interviennent par mode d'avertissement comme Clément à Corinthe en 96. En revanche, l'Église romaine, d'une part, exerce une très large sollicitude de charité (témoignage de Denys de Corinthe, vers 170) ; d'autre part, au plan de la discipline et surtout de la foi, elle est un modèle pour les autres Églises ; on y vient de partout (témoignage d'Irénée, Adversus haereses, III, iii, 2).

Pour Constantin et après lui pour les empereurs byzantins, l'unité de l'Empire postulait l'unité de l'Église chrétienne et de sa profession de foi. On assurait celle-ci par des conciles d'Empire (« œcuméniques ») réunis par l'empereur ; le basileus byzantin a, plus tard, souvent prétendu intervenir en ce domaine. Si l'on excepte l'intervention du pape Jules[...]

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Écrit par

  • Yves CONGAR : professeur à l'Institut catholique de Paris

Classification

Pour citer cet article

Yves CONGAR, « PAPAUTÉ », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

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    • Écrit par Marcel PACAUT
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