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CONTE

Le conte, et particulièrement le conte merveilleux, est-il, comme le voulait Paul Delarue, « l'expression la plus parfaite de tous nos récits oraux » ? Son extraordinaire longévité surprend : le conte égyptien des Deux Frères a été retrouvé sur un papyrus datant du xiiie siècle avant J.-C., la légende d'Etana et de l'Aigle sur des tablettes exhumées des sables chaldéens. La diffusion du conte dans l'espace n'est pas moins étonnante puisqu'on le rencontre jusqu'au bout de la terre, « là où, dirait le conte, le monde se termine par une palissade de rondins ». De ce genre longtemps méprisé, relégué au rang de divertissement pour l'enfant et le peuple ignorants, de ce genre dont on a dit tantôt qu'il « sentait l'eau de Cologne et la poudre d'iris », tantôt la bure et la fumée, tous les spécialistes s'accordent à reconnaître aujourd'hui l'intérêt. Mais n'est-il pas paré de « la beauté du mort » pour nos contemporains en quête de racines ?

Qu'est-ce qu'un conte populaire ?

Si le terme de conte présente, dans la littérature, des acceptions multiples et des frontières indécises, trois critères suffisent à le définir en tant que récit ethnographique : son oralité, la fixité relative de sa forme et le fait qu'il s'agit d'un récit de fiction.

Le conte populaire s'inscrit d'abord dans ce vaste champ qu'en 1881 Paul Sébillot baptise, d'une expression paradoxale, «   littérature orale ». Comme les comptines et les proverbes, les devinettes et les chansons, il bénéficie de cette «  transmission de bouche à oreille » qui caractérise, selon Pierre Saintyves, le « savoir du peuple ». Chaque conte est un tissu de mots, de silences, de regards, de mimiques et de gestes dont l'existence même lubrifie la parole, au dire des conteurs africains.

Le conte est, de plus, un récit hérité de la tradition, ce qui ne signifie nullement qu'il se transmette de façon immuable. Le conteur puise dans un répertoire connu depuis longtemps la trame de son récit et lui imprime sa marque propre qui sera fonction de l'heure, du lieu, du public et de son talent spécifique. Le conte populaire est donc à la fois création anonyme, en ce qu'il est issu de la mémoire collective, et création individuelle, celle du « conteur doué », artiste à part entière, qui actualise le récit et, sans en bouleverser le schéma narratif, le fait sien. Le conte participe ainsi, avec la légende, de ce qu' Arnold Van Gennep appelle la « littérature mouvante », par opposition à la « littérature fixée » des proverbes et des dictons qui ne se modifient pas.

À l'intérieur de la littérature mouvante, le conte se singularise surtout par son caractère de fiction avouée. L'incipit « Il était une fois » atteste déjà la rupture avec le monde ordinaire. Les localisations spatio-temporelles du conte merveilleux l'accentuent : « Bien loin, au-delà de l'extrémité du monde et au-delà même des montagnes des sept chiens, il était une fois un roi... » Dans les contes facétieux – comme dans les histoires drôles –, la fiction se marque surtout par le caractère exemplaire de la situation initiale : « Deux Corses se rencontrent sur la place du village. » La légende, au contraire, se donne comme le récit d'événements qui se sont réellement produits et dont les acteurs sont connus ; son ancrage historique et géographique l'enracine dans la vie locale. Il faut signaler cependant que l'affirmation de réalité est quelquefois utilisée, en début ou en fin de conte, comme un moyen de capter l'attention de l'auditoire. Le conteur se présente alors comme un intercesseur malicieux entre le monde réel et l'univers imaginaire qu'il vient de faire naître : « On fut bien obligé de lui mettre un nez en bois, c'est mon grand-père le[...]

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Pour citer cet article

Bernadette BRICOUT. CONTE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Les frères Grimm - crédits : General Photographic Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Les frères Grimm

Geneviève Calame-Griaule - crédits : D.R.

Geneviève Calame-Griaule

Autres références

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Littératures

    • Écrit par Jean DERIVE, Jean-Louis JOUBERT, Michel LABAN
    • 16 566 mots
    • 2 médias
    ...genres dans des systèmes particuliers. Ainsi, en termes de genres narratifs de fiction par exemple, la nomenclature wolof distinguera plusieurs sortes de contes selon qu'ils ont une chute comique (mayé) ou non (leeb). Chez les Dioula, les contes se disent ntalen, mais s'ils se terminent par une ...
  • AKINARI UEDA (1734-1809)

    • Écrit par René SIEFFERT
    • 1 274 mots
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    Pour la postérité, Akinari est avant tout l'auteur des Contes de pluie et de lune (Ugetsu-monogatari). Dans ces neuf Contes fantastiques de jadis et naguère, il rompait délibérément avec le style et la manière des ukiyo-zōshi inaugurés au siècle précédent par Saikaku, et auxquels il...
  • ALCRIPE PHILIPPE LE PICARD dit PHILIPPE D' (1530/31-1581)

    • Écrit par Françoise JOUKOVSKY
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    Moine normand de l'abbaye cistercienne de Mortemer, dans la forêt de Lyons, Philippe d'Alcripe semble avoir suscité la défiance de ses confrères par une activité littéraire jugée peu sérieuse : c'est en effet l'auteur de La Nouvelle Fabrique des excellents traicts de vérité...

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    Les Aventures d'Alice au pays des merveilles naquirent lors d'une promenade en bateau à laquelle Lewis Carroll avait convié Alice, Lorina et Charlotte Liddell, les filles du doyen de Christ Church. Les enfants lui demandèrent de leur raconter une histoire qu'il inventa au fur et à mesure de leur...
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