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AKINARI UEDA (1734-1809)

Conteur délicat et savant philologue, moraliste misanthrope et pessimiste, critique mordant, mais lucide jusque dans ses haines, homme de lettres dont la passion de l'écrit fut l'unique raison de vivre, Ueda Akinari est, sans conteste, la figure la plus attachante et l'écrivain le plus authentique de la littérature japonaise du xviiie siècle.

Biographie

Il est peu d'hommes dont la vie soit à ce point inséparable d'une œuvre dont elle éclaire la genèse et la signification. Son enfance avait été celle d'un de ces personnages de roman qu'affectionnaient les auteurs du début de son siècle. Né en 1734 au quartier des plaisirs d'Ōsaka, d'une courtisane et d'un père inconnu, il avait été adopté en 1737 par un certain Ueda, riche marchand qui n'avait pas d'héritier. Gravement touché par la variole à quatre ans, il survécut, mais ses doigts restèrent déformés et ses yeux affaiblis. Choyé par ses parents adoptifs, il mena après son enfance insouciante, la vie oisive de la jeunesse dorée d'une bourgeoisie active certes, mais dont l'impuissance politique n'avait d'autre diversion que la recherche des plaisirs. Cette vie dissolue cependant lui pesait, et, bientôt, il cherchait à pallier l'insuffisance d'une éducation quelque peu négligée, par la lecture assidue et désordonnée des classiques japonais et chinois, par la pratique du haikai aussi, qui était le divertissement à la mode dans la classe aisée. Il se félicitera plus tard d'avoir été toujours un autodidacte, ce qui lui aura épargné la sclérose intellectuelle due au respect stérile pour les « maîtres ». Mais, pour l'heure, son ambition se bornait à l'imitation des conteurs frivoles de sa ville, et, vers la trentaine, il publiait coup sur coup deux recueils d'ukiyo-zōshi, qui comptent parmi les meilleurs du genre. Mais déjà, sous les conventions qu'imposait la forme, perçaient l'ironie amère et l'esprit sarcastique d'Akinari.

<it>Les Contes de la lune vague après la pluie</it>, Mizoguchi K. - crédits : Everett Collection / Bridgeman Images

Les Contes de la lune vague après la pluie, Mizoguchi K.

La même année 1766 fut celle d'une rencontre décisive : l'illustre philologue Katō Umaki (1720-1777) s'établissait à Ōsaka, et le jeune Ueda se mettait aussitôt à l'école de celui qui devint pour lui le modèle et l'ami, le seul dont il consentit jamais à reconnaître l'influence. Ce fut une révélation : Akinari découvrait sous un jour nouveau la poésie archaïque du Man.yō-shū, la fraîcheur de l'Ise-monogatari, la savante harmonie du Genji-monogatari. Ce retour aux sources l'incitait bientôt à remettre en question ses propres conceptions en matière de style et de langue, et, dès 1768, il ébauchait les Contes de pluie et de lune qui ne parurent qu'en 1776, quand d'incessantes retouches en eurent fait un chef-d'œuvre qui servira de référence aux romanciers de la première moitié du xixe siècle.

Cependant, la mort de son père, en 1761, l'avait placé, malgré lui, à la tête d'un important commerce, dont un incendie ruineux le délivrait en 1771. Il fallait vivre : il imagina de se faire médecin, profession qu'il exerça de 1774 à 1788, avec tout le sérieux et le dévouement de sa nature, sans pour autant abandonner ses travaux littéraires qu'il feignait de tenir pour un pur divertissement, mais qui, de plus en plus, le consolaient de ses déboires professionnels. La mort d'un malade, qu'à tort ou à raison il se reprocha, le détourna définitivement d'une science dont il avait mesuré les cruelles incertitudes, et il consacra désormais tout son temps à l'écriture.

Mais la vie était dure pour qui prétendait vivre de sa plume dans une métropole où l'or faisait la foi ; aussi décida-t-il, en 1793, d'aller s'établir à Kyōto, la capitale, où les lettres étaient encore à l'honneur. C'est là qu'il vécut ses dernières années, séjournant tantôt dans des monastères,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. AKINARI UEDA (1734-1809) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Les Contes de la lune vague après la pluie</it>, Mizoguchi K. - crédits : Everett Collection / Bridgeman Images

Les Contes de la lune vague après la pluie, Mizoguchi K.

Autres références

  • CONTES DE PLUIE ET DE LUNE, Ueda Akinari - Fiche de lecture

    • Écrit par Florence BRAUNSTEIN
    • 852 mots
    • 1 média

    Les Contes de pluie et de lune (Ugetsu-monogatari) sont le chef-d'œuvre de l'écrivain japonais Ueda Akinari (1734-1809). Les neuf contes qui le composent suivent la tradition du récit, le monogatari, en puisant dans une veine fantastique, celle d'histoires de revenants. Si la rédaction...

  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean-Jacques ORIGAS, Cécile SAKAI, René SIEFFERT
    • 20 234 mots
    • 2 médias
    Aussi bon philologue que Motoori, mais s'intéressant davantage à la critique littéraire, fut Ueda Akinari (1734-1809). Mais sa renommée doit plus à un seul recueil de contes qu'à la somme de ses travaux. Dans sa jeunesse, il avait publié quelques ukiyo-sōshi ; cependant l'approche des classiques...

Voir aussi