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CATHOLICISME Le pontificat de Benoît XVI

Après le long règne de Jean-Paul II, les cardinaux réunis en conclave en 2005 ont sans doute ressenti la nécessité de passer d'une papauté itinérante à une « papauté de trône », plus soucieuse d'intérioriser la foi catholique que de poursuivre une politique spectaculaire d'affirmation mondaine de l'Église romaine. Ce dessein impliquait également de discipliner l'enthousiasme des mouvements ecclésiaux, qui avaient gagné une influence inquiétante sous la protection de Jean-Paul II, et de mieux insister sur la rationalité des postulats culturels de la foi, à l'heure incertaine des « chocs de civilisation ».

Le cardinal allemand Joseph Ratzinger (1927-2022), dont la candidature était soutenue depuis longtemps par certains cercles de la Curie romaine, semblait l'homme indiqué pour un tel programme. À soixante-dix-huit ans, il devrait régner à pas comptés, et ainsi servir une politique de recentrage institutionnel, après le nomadisme charismatique du pape polonais. Il jouissait de l'estime générale pour sa finesse théologique, même si ses réflexions sur la réforme du IIe concile du Vatican, à laquelle il avait contribué comme expert de l'épiscopat allemand, en avaient fait dans les années 1980 un chef redouté du parti de la restauration. Son autorité croissante à Rome, comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, semblait l'habiliter à récupérer le contrôle des noyaux du lefebvrisme et de réduire l'aile ultra de la Curie qui les appuyait en sous-main. Personne autant que lui, fils d'un pays où les chrétiens sont divisés depuis la Réforme, n'avait la possibilité de réussir là où Karol Wojtyla avait échoué : résorber le schisme lefebvriste et aplanir un autre contentieux historique, celui du « schisme chinois » représenté par l'Église patriotique.

Signes de rupture

Élu dans la soirée du 19 avril 2005 au quatrième tour de scrutin, Ratzinger choisit comme nom de règne Benoît, interrompant ainsi la série des Jean et des Paul, les papes conciliaires. Au terme de presque un demi-siècle de papes à la trempe pastorale, l'Église s'en remettait à un guide au tempérament plus doctrinaire. Quelques-unes de ses premières audiences sont réservées au supérieur de la Fraternité saint Pie X, Bernard Fellay, chef des intégristes schismatiques, et à Oriana Fallaci, auteur qui prône un « nouveau Lépante » pour bouter l'islam hors des terres chrétiennes. Mais, avant la fin de l'été, il ouvre aussi les portes de sa villa d'été de Castel Gandolfo à son grand rival historique, le théologien Hans Küng. Quant aux mouvements ecclésiaux, il leur demande, dans un discours prononcé lors de la Journée mondiale de la jeunesse à Cologne, de repenser leur rôle comme organique dans l'Église, et non pas en parallèle à sa hiérarchie. Enfin il stoppe net les pressions en faveur d'une béatification immédiate de Jean Paul II en décidant que la procédure suivra la voie canonique normale.

En ce qui concerne le dialogue interreligieux, qui avait atteint un sommet avec la rencontre historique d'Assise entre les représentants des grandes religions du monde en 1986, Benoît XVI s'est empressé de le faire revenir au niveau du dialogue culturel « entre les civilisations », moins préjudiciable au rôle hégémonique, sinon exclusif, de l'Église catholique sur le plan divin du salut. Le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux est ainsi intégré au dicastère des Affaires culturelles et son président, Mgr Michael Louis Fitzgerald, un des meilleurs spécialistes catholiques des religions du monde, est expédié au Caire comme nonce apostolique, alors que son assistance aurait été des plus utiles. Une décision qui coûtera cher et dont le pape se repentira bientôt.

Le premier discours de Benoît XVI adressé à[...]

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Écrit par

  • : professeur d'éthique de l'information à l'université de Padoue, correspondant de presse accrédité auprès du Saint-Siège depuis 1961

Classification

Pour citer cet article

Giancarlo ZIZOLA. CATHOLICISME - Le pontificat de Benoît XVI [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Benoît XVI, 16 mars 2008 - crédits : Marco Di Lauro/ Getty

Benoît XVI, 16 mars 2008

Autres références

  • ABBÉ PIERRE HENRI GROUÈS dit L' (1912-2007)

    • Écrit par Jean-Claude PETIT
    • 1 094 mots

    L'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, voit le jour à Lyon le 5 août 1912. Il est le cinquième d'une famille de huit enfants qu'il qualifie lui-même de bourgeoise. Cette famille nombreuse lui vaudra d'avoir cent vingt-trois neveux et nièces, tous âges, tous degrés et toutes conditions confondus,...

  • ACTION CATHOLIQUE

    • Écrit par Charles BALADIER
    • 1 474 mots

    Trop multiforme et trop étendue pour constituer une véritable organisation, l'Action catholique est plutôt un ensemble de mouvements obéissant à une sorte d'idée-force ou de loi-cadre qui consiste, dans l'Église contemporaine, à faire participer les laïcs à l'apostolat dont...

  • AMÉRICANISME, catholicisme

    • Écrit par Émile POULAT
    • 375 mots

    Doctrine ou attitude condamnée en 1899 par Léon XIII dans sa lettre Testem benevolentiae. « Hérésie fantôme », diront ceux qui étaient ou se sentaient visés. Opinions nouvelles qui amalgament les vertus américaines avec de vieilles erreurs et font le jeu du protestantisme anglo-saxon, expliqueront...

  • AMÉRIQUE LATINE, économie et société

    • Écrit par Jacques BRASSEUL
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    L'Amérique latine est avant tout un continentcatholique : elle porte près de la moitié des fidèles de l'Église de Rome, un tiers de ses évêques. La population est chrétienne à 90 p. 100, et les protestants, en progression, en représentent 20 p. 100, essentiellement au sein des différentes...
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