Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SCHISME

D'après l'étymologie grecque, le mot « schisme » veut dire séparation, division. Il y a schisme lorsque la communion d'une religion se trouve rompue et qu'un groupe fait sécession. Le schisme suppose une rupture effective, un rejet de l'obédience commune. C'est pourquoi il importe de distinguer schisme et hérésie.

L'hérésie est une opinion que la communauté religieuse déclare contraire à sa foi et qu'elle réprouve comme telle. Mais l'hérétique, une fois condamné, peut se soumettre, ou bien il peut se démettre, s'isoler de la communauté sans provoquer de division en son sein, sans chercher à entraîner les adeptes pour constituer une communauté rivale. L'hérétique ne devient schismatique que s'il devient séparatiste et concurrent. Au surplus, si une hérésie suivie d'un schisme s'éloigne par trop de la croyance mère et aboutit pratiquement à une autre religion, on la dit rarement schismatique ; cette qualification est trop faible et on la dénonce plutôt comme apostasie. Inversement, un schisme peut se produire sans motifs doctrinaux, donc sans hérésie formelle, par exemple pour des questions d'intérêts, de prestige ou de personnes. Cependant, il s'agit là d'un sens quelque peu différent du mot schisme, du sens même que l'on donne par exemple au schisme politique entre Jéroboam et Roboam dans l'histoire d'Israël. D'ailleurs, aux yeux du catholicisme romain, tout schisme implique hérésie depuis que le principe hiérarchique de l'Église et l'infaillibilité du pape ont été érigés en dogmes, c'est-à-dire depuis le concile de Trente et le Ier concile du Vatican.

Le christianisme, religion de l'unité, a connu dans son histoire et connaît encore de nombreux schismes. Déjà l'apôtre Paul déplorait qu'il y eût des factions dans l'Église de Corinthe. Le premier schisme institutionnel pourrait avoir été occasionné, vers 190, par le pape Victor excommuniant les évêques asiates en désaccord avec lui sur la date de célébration de la Pâque. Ensuite, les schismes se multiplient au rythme des synodes ou des conciles, qui laissent derrière eux des groupes d'insoumis (au reste, en un temps où les Églises étaient autocéphales, il suffisait, pour créer des schismatiques, qu'un évêque retirât sa communion soit à une partie de ses propres fidèles, soit aux responsables ecclésiastiques d'autres provinces).

Le schisme le plus étendu et le plus politisé est celui qui rendit définitive, en 1054, la coupure entre l'Église d'Orient et l'Église d'Occident. Le schisme le plus anarchique, dénommé Grand Schisme d'Occident, est celui qui dura de 1378 à 1417 et qui brisa l'Église catholique en deux, puis trois obédiences. Le schisme le plus radical, le plus engagé sur le terrain des principes de la foi, est celui de la Réforme au xvie siècle (l'œcuménisme contemporain vise à réconcilier toutes les « Églises séparées »). Mais le schisme le plus célèbre, du moins dans notre aire de culture, est sans doute celui du christianisme, hérésie grecque du judaïsme, faisant sortir l'Église de la Synagogue.

L'ancien Israël avait connu lui-même, en ~ 931, un schisme politique (éclatement de la monarchie en deux royaumes), non toutefois un véritable schisme religieux. Les autres religions n'ont pas évité les dissidences. Le bouddhisme passe pour un schisme du brahmanisme (~ vie s.) et il a vu fleurir l'opposition du Mahāyāna (Grand Véhicule) et du Hīnayāna (Petit Véhicule). L'islam n'a pu empêcher l'antagonisme entre shī‘ites et sunnites.

Par extension, on parle de schisme pour toute collectivité qui vient à souffrir de scission ; et l'on en parle assez justement quand il s'agit de nations d'abord unies par la même foi idéologique,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. SCHISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BOUDDHISME (Histoire) - Littératures et écoles bouddhiques

    • Écrit par André BAREAU
    • 5 970 mots
    La communauté monastique ne demeura unie que pendant un siècle après le Parinirvāṇa, puis elle se divisa en une vingtaine de sectes au cours des cinq ou six siècles qui suivirent. Si vives qu'aient été les querelles aboutissant à ces divisions, les relations demeurèrent en général assez bonnes entre...
  • CATHOLICISME - La crise postconciliaire

    • Écrit par Michel de CERTEAU
    • 5 653 mots
    ...la progressive inquiétude de ces fidèles et, avant de voir ses déclarations « politiques » les troubler, il leur rendait leur langage traditionaliste. Avec un grossissement théâtral, il révélait un schisme interne, caractérisé à la fois par une coupure sociale entre élites et masses pratiquantes et...
  • CATHOLICISME - Le pontificat de Benoît XVI

    • Écrit par Giancarlo ZIZOLA
    • 5 815 mots
    • 1 média
    Quant à la lettre du pape adressée en juin 2007 aux catholiques de la République populaire de Chine, elle fut bien un document de grande portée ecclésiologique et politique qui visait à résorber le schisme entre Église « patriotique » officielle et Église clandestine. Mais là encore le pontife, en...
  • DONATISME

    • Écrit par Hervé LEGRAND
    • 2 042 mots
    Le donatisme à son apogée est cependant déchiré par des schismes successifs. Celui des maximianistes (391) ébranle particulièrement sa position morale, car, à l'occasion d'un conflit qui reproduit, chez eux, celui de Majorin et de Cécilien, ses dirigeants renient cyniquement les principes mêmes qui...
  • Afficher les 15 références