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CATHOLICISME Le pontificat de Benoît XVI

Le défi lefebvriste

Les cardinaux « conciliaristes » ont commencé à se demander si le pape, enfermé dans sa bibliothèque et entouré de rares conseillers de valeur, avait assez d'autorité face aux vieux noyaux traditionalistes de la curie romaine, étant donné son empathie intellectuelle envers les secteurs qui n'ont jamais accepté l'abandon de l'esprit de croisade, le dialogue avec le mouvement œcuménique, avec la modernité, avec les autres religions, en un mot, le virage de Vatican II. Cette faiblesse expliquerait la vague de nominations d'évêques de tendance lefebvristes en Italie, en Allemagne, en Autriche et en France. De là viendrait aussi la défense de positions aujourd'hui indéfendables : le rappel de l'encyclique Humanae Vitae frappant d'interdit le contrôle artificiel des naissances, ou l'interdiction de la prêtrise aux femmes et aux membres du clergé mariés. De là encore les réticences face aux demandes de sacrements des divorcés, à la recherche théologique, à une approche scientifique de l'Écriture, au rôle des laïcs dans l'Église.

Dans les tentatives du pontificat pour réduire le schisme lefebvriste, le 7 juillet 2007 fait certainement date. L'effort de « réconciliation liturgique » produisit ce jour-là son premier acte exécutoire, le motu proprio SummorumPontificum. Dépassant les concessions négociées par lui-même en pure perte en 1988, le pape autorisait non seulement la cohabitation des messes selon le vieux rite de saint Pie V et selon le missel du concile promulgué par Paul VI en 1970, mais aussi à la possibilité de créer pour les catholiques traditionalistes des « paroisses personnelles », selon une formule prévue par le canon 518 du Code de droit canonique de 1983.

L'effarement et l'indignation devant l'instauration de la dictature d'une minorité et le risque d'une Église parallèle furent perceptibles chez les cardinaux et les évêques craignant pour l'unité de l'Église. Au contraire, ce 7 juillet a été salué par les lefebvristes comme la « réhabilitation » de leur fondateur, « non pas un pas, mais un saut dans la bonne direction », exultait leur chef de file, Mgr Fellay.

Malgré les tapageuses proclamations de victoire des schismatiques, Benoît XVI rappela qu'une distinction de rite n'implique pas une séparation dans la foi. Il invita à un sens de l'hospitalité plus ferme à l'intérieur de l'Église catholique et déclara qu'il avait confiance dans le pluralisme liturgique pour réduire le schisme. Toutefois, si la messe réformée était bien confirmé comme « forme ordinaire » de la liturgie catholique, le motu proprio ne disait mot sur les éventuelles garanties obtenues des schismatiques quant à leur acceptation du magistère de Vatican II, seul moyen d'éviter que ces nouvelles largesses ne soient utilisées comme un cheval de Troie pour démolir l'ensemble des conceptions pastorales post-conciliaires.

Benoît XVI, 16 mars 2008 - crédits : Marco Di Lauro/ Getty

Benoît XVI, 16 mars 2008

Le 24 janvier 2009, veille du cinquantième anniversaire de l'appel au concile de Jean XXIII, était rendu public un décret du 21 janvier levant l'excommunication des quatre évêques consacrés sans mandat pontifical par Mgr Lefebvre en 1988. Au même moment était appelé à la tête de la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements le plus conservateurs des cardinaux espagnols, Antonio Canizares, qui avait mené depuis Tolède la croisade morale contre le gouvernement Zapatero. La Préfecture de la Maison pontificale, compétente pour le cérémonial liturgique, recevait pour sa part des instructions pour ne pas hésiter à revenir au décorum le plus fastueux, tombé en désuétude depuis l'adoption de la ligne sobre de la liturgie conciliaire.

Parmi les évêques absous figurait Richard Williamson, passé de l'anglicanisme à l'intégrisme lefebvriste[...]

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Écrit par

  • : professeur d'éthique de l'information à l'université de Padoue, correspondant de presse accrédité auprès du Saint-Siège depuis 1961

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Pour citer cet article

Giancarlo ZIZOLA. CATHOLICISME - Le pontificat de Benoît XVI [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 03/01/2023

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Benoît XVI, 16 mars 2008 - crédits : Marco Di Lauro/ Getty

Benoît XVI, 16 mars 2008

Autres références

  • ABBÉ PIERRE HENRI GROUÈS dit L' (1912-2007)

    • Écrit par
    • 1 094 mots

    L'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, voit le jour à Lyon le 5 août 1912. Il est le cinquième d'une famille de huit enfants qu'il qualifie lui-même de bourgeoise. Cette famille nombreuse lui vaudra d'avoir cent vingt-trois neveux et nièces, tous âges, tous degrés et toutes conditions confondus,...

  • ACTION CATHOLIQUE

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    Trop multiforme et trop étendue pour constituer une véritable organisation, l'Action catholique est plutôt un ensemble de mouvements obéissant à une sorte d'idée-force ou de loi-cadre qui consiste, dans l'Église contemporaine, à faire participer les laïcs à l'apostolat dont...

  • AMÉRICANISME, catholicisme

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    Doctrine ou attitude condamnée en 1899 par Léon XIII dans sa lettre Testem benevolentiae. « Hérésie fantôme », diront ceux qui étaient ou se sentaient visés. Opinions nouvelles qui amalgament les vertus américaines avec de vieilles erreurs et font le jeu du protestantisme anglo-saxon, expliqueront...

  • AMÉRIQUE LATINE, économie et société

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    L'Amérique latine est avant tout un continentcatholique : elle porte près de la moitié des fidèles de l'Église de Rome, un tiers de ses évêques. La population est chrétienne à 90 p. 100, et les protestants, en progression, en représentent 20 p. 100, essentiellement au sein des différentes...
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