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CAROLINGIENS

Vie économique et sociale

Hiérarchisation de la société terrienne

La vie économique de l'Occident était fondée sur la terre. Son exploitation comportait bien des différences régionales. Si la propriété apparaît très fractionnée en Aquitaine et en Italie, le centre de l'Empire (pays compris entre la Loire et le Rhin) et aussi certains secteurs de Germanie méridionale connaissent le régime domanial, c'est-à-dire de grandes propriétés (fiscs royaux, seigneuries laïques et ecclésiastiques) de structure bipartie, comprenant la « réserve » seigneuriale (indominicat) et les tenures communément appelées manses, dont les tenanciers héréditaires devaient au maître des prestations et des services en travail sur les terres seigneuriales, pour suppléer l'insuffisance de main-d'œuvre. Les techniques étaient rudimentaires : de grands espaces, un rendement médiocre. Aussi bien, la production agricole peut-elle être considérée comme une économie de subsistance, même si certains domaines participaient à une écomie d'échange.

Divers indices attestent, depuis le milieu du viiie siècle, une certaine reprise économique qui se poursuit au ixe en dépit des difficultés suscitées par les troubles intérieurs de l'Empire, les invasions des Normands et celles des Sarrasins sur les rives provençales et italiennes de la Méditerranée. On constate la fondation en Gaule franque septentrionale d'agglomérations nouvelles ( portus) liées au réseau fluvial d'une région et dont les habitants vivaient de la batellerie et du commerce. À ce premier signe de réveil s'ajoutent les activités des marchands, colporteurs et marchands professionnels (Francs, Juifs, Frisons). Les marchés locaux se multiplient avec les encouragements du gouvernement qui entendait y opérer de fructueux prélèvement fiscaux. Au commerce de détail se superposent le commerce inter-régional de denrées alimentaires (grains, vins) et de certaines matières premières (plomb, fer) ainsi que le grand commerce des produits peu volumineux mais de très haut prix et réservés à une clientèle riche (cour et grands seigneurs laïcs et ecclésiastiques) : épices, parfums et soieries d'Orient, acheminés soit par la route du Nord (Russie et Baltique), soit par les pays slaves et la vallée du Danube, soit encore par la Méditerranée orientale et l'Italie du Sud ou Venise. En contrepartie, les marchands occidentaux semblent surtout approvisionner les marchés d'Orient et d'Espagne en esclaves et en armes.

Revigoré par l'institution, au temps de Pépin et de Charlemagne, d'une monnaie nouvelle basée sur l'argent remplaçant l'or, le commerce carolingien n'eut cependant qu'une portée réduite. La rareté des espèces monnayées, leur faible circulation entraînèrent l'avilissement des prix. Les échanges ne purent créer des fortunes mobilières ; la terre demeurait donc la seule source de richesse. Dans ces conditions, la société carolingienne ne peut être qu'une société terrienne.

Elle est dominée par une forte aristocratie foncière que les Carolingiens parvinrent à rallier peu à peu à leur cause en l'associant à leur fortune politique et en rétribuant sa fidélité par des donations de terres. Celles-ci pouvaient être faites soit en propriété perpétuelle, soit en concessions viagères ou moins longues (dites en général bénéfices), ces deux procédés concourant d'ailleurs à réduire le capital foncier du prince et à augmenter la puissance matérielle de la classe qu'il entendait soumettre. Pour pallier les inconvénients du système, les Carolingiens employèrent trois moyens. Ils sécularisèrent des biens d'Église, ce qui leur permit de satisfaire les appétits des grands : l'opération commencée sous Pépin II fut largement pratiquée par Charles Martel et plusieurs fois reprise, mais sur une échelle plus réduite,[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Dijon
  • : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers

Classification

Pour citer cet article

Robert FOLZ et Carol HEITZ. CAROLINGIENS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne - crédits : Encyclopædia Universalis France

700 à 800. De 'Abd al-Malik à Charlemagne

Charlemagne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Charlemagne

Bataille de Poitiers - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Bataille de Poitiers

Autres références

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne médiévale

    • Écrit par Pierre-Roger GAUSSIN
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    Si l'Allemagne du Moyen Âge est l'héritière du royaume de Francia orientalis reconnu, au traité de Verdun (843), à l'un des fils de Louis le Pieux, Louis le Germanique, l'expression « Allemagne » est due aux Français qui, à partir du xe siècle, étendirent à un vaste ensemble...
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