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CAPITALISME Histoire

La notion d'« économie de marché », bien que d'un usage fréquent à partir de la fin du xxe siècle où elle a progressivement remplacé celle de « capitalisme », n'a une signification ni clairement définie ni universellement acceptée par les historiens : il n'existe pas d'« histoire de l'économie de marché ». Elle est surtout définie négativement par rapport à ses différents antonymes, ce qui explique la pluralité des contenus qui lui sont attribués. Elle s'oppose à des économies soit anciennes, soit contemporaines mais primitives qui ne connaîtraient pas encore cette forme d'organisation évoluée. Elle s'oppose également aux économies du xxe siècle à planification centralisée.

Malgré les assertions des économistes classiques, le marché n'est pas une forme « naturelle » et spontanée de fonctionnement de l'économie, mais une construction sociale, politique, organisationnelle et institutionnelle. Historiens de l'Antiquité, du Moyen Âge et ethnologues ont pu s'efforcer de prouver l'existence de marchés, clairement distincts des économies du don ou du troc, il n'en reste pas moins que des marchés sans coordination ne forment pas une économie de marché, notion qui implique un système général et cohérent de marchés coordonnés, régulé par un système de prix, permettant l'ajustement quantitatif de toutes les variables économiques et la circulation de l'information au travers des « signaux » que sont les prix, réalisant une adéquation qualitative entre produits et services offerts et besoins sociaux.

Les historiens de la période moderne, de Max Weber à Fernand Braudel, se sont posé la question du rapport de l'économie de marché avec le capitalisme, notion qui met en avant le critère du capital, élément régulateur et structurant du système de production, plutôt que l'organisation de la confrontation entre offre et demande et la fonction des prix dans la régulation économique. L'économie de marché se définit alors comme un synonyme approximatif du capitalisme selon l'usage courant, ou en opposition avec lui si l'on en croit Braudel. Pour les contemporanéistes, le xixe siècle peut sembler, selon l'intuition de Karl Polanyi, le moment historique où se réalise le mieux un idéal de l'économie de marché, entre un « avant » où elle n'existe pas encore, et un xxe siècle où une partie du monde s'oriente vers une planification centralisée, alors que dans les pays « développés d'économie de marché » les formes de concurrence imparfaite et la régulation économique par l'État l'emportent. Avec l'échec des économies socialistes et la mise en œuvre dans la plupart des pays de politiques actives de libéralisation, la fin du xxe siècle a pu sembler avoir consacré le marché. À l'aune de l'instabilité et des inégalités engendrées se trouve pourtant de nouveau posée la question d'une régulation économique internationale associant étroitement au marché, l'Étatt et les grandes institutions.

Capitalisme et économie de marché : de Braudel à Polanyi

Fernand Braudel (1902-1985) est l'héritier et le continuateur de cette première génération d'auteurs, héritiers de l'historisme allemand comme Max Weber et surtout Werner Sombart, l'auteur du Capitalisme moderne, qui étaient à la fois économistes, sociologues et historiens. Il ajoute à leur approche la rigueur érudite de la méthode historique. La thématique de son œuvre majeure, Civilisation matérielle, économie et capitalisme. XVe-XVIIIe siècle, est révélatrice d'une tentative de relier en une séquence logique ce qui pouvait sembler une succession ou plutôt un recouvrement entre l'apparition de marchés, qui s'est faite lointainement, puisque aux sociétés primitives ont succédé[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Patrick VERLEY. CAPITALISME - Histoire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Le Bourgeois</it>, caricature de R. Langa - crédits : AKG-images

Le Bourgeois, caricature de R. Langa

Autres références

  • CAPITALISME (NOTION DE)

    • Écrit par Dominique PLIHON
    • 1 414 mots

    Le capitalisme est le système économique de la plupart des pays de la planète depuis l’effondrement des économies socialistes planifiées en Europe orientale et centrale, symbolisé par la chute du Mur de Berlin, en 1989. Le capitalisme peut être défini par ses deux caractéristiques principales : d’une...

  • ACTIONNAIRES

    • Écrit par Pierre BALLEY
    • 8 189 mots
    • 2 médias

    La mise en commun, entre personnes qui se connaissent et se font confiance, des ressources nécessaires à une entreprise et le partage du profit éventuel sont un usage invétéré qui a joué un rôle essentiel dans le développement des premières formes du capitalisme, notamment dans le financement du commerce...

  • AGLIETTA MICHEL (1938- )

    • Écrit par Yamina TADJEDDINE
    • 1 086 mots
    • 1 média

    Penseur du capitalisme et de la monnaie, Michel Aglietta est un chercheur, un pédagogue et un expert reconnu des économistes, des historiens et des anthropologues, mais aussi des politiciens et des syndicalistes de toute tendance.

    Né dans une famille modeste d’immigrés italiens en 1938 à Chambéry,...

  • AGRICOLE RÉVOLUTION

    • Écrit par Abel POITRINEAU, Gabriel WACKERMANN
    • 8 076 mots
    C'est à travers uneimprégnation « capitaliste » que les transformations se font jour : pour les partisans de l'« agriculture nouvelle », il est nécessaire, afin d'accroître les rendements et de supprimer les jachères, d'engager dans l'agriculture de très gros capitaux ; cette attitude est véritablement...
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    Pour les sociologues, le concept d'aliénation a été forgé par Karl Marx à la suite de ses lectures de Hegel. Lors du rapport salarial capitaliste, le résultat du travail de l'ouvrier ne lui appartient pas puisqu'il a échangé un temps de travail contre un salaire. À la fin de cet échange...

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Voir aussi