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CAPITALISME Histoire

L'État est-il l'ennemi de l'économie de marché ?

Écrivant dans les années 1940, Polanyi pouvait avec raison avoir l'impression que les libres mécanismes du marché étaient irrémédiablement entravés par l'action de l'État non seulement dans les pays totalitaires, mais aussi dans les pays démocratiques où la crise avait révélé que l'économie de marché, loin de s'autoréguler, menait plutôt à l'anarchie économique et au désastre si les États n'intervenaient pas. L'horizon de pensée du libéral Friedrich von Hayek ou de Joseph Schumpeter était le même : deux questions le résument. Toute planification, voire toute intervention de l'État, n'ouvre-t-elle pas la voie au totalitarisme qui est la négation de l'économie de marché ainsi que le pensent les néo-libéraux ? Ou bien l'économie de marché ne déstructure-t-elle pas la société, si elle n'est fortement encadrée ou tempérée par l'intervention de l'État ? La théorie keynésienne vint apporter la caution de l'efficacité économique au puissant courant qui, après 1945, voulut faire des sociétés occidentales des sociétés plus humaines et plus protégées, puisque les grands ajustements macro-économiques ne pouvaient se réaliser, selon elle, sans l'action de l'État. La programmation souple à la française ou l'économie sociale de marché à l'allemande sont caractéristiques de ce consensus des années 1950-1960 sur la nécessité non seulement que l'État corrige les excès de l'économie de marché pour maintenir la cohésion sociale, mais aussi qu'il en contrôle les mécanismes pour qu'ils fonctionnent bien et qu'une croissance optimale soit atteinte.

La problématique des années 1980-1990 est tout autre. Sur le terrain de l'efficacité économique, elle adopte une position contraire. En dehors de la masse monétaire dont il est convenu que les États doivent être capables de la maîtriser, un quasi-consensus se fait sur l'efficacité des mécanismes du marché pour réguler l'économie. Les points d'affrontement portent alors sur le degré de réglementation du marché du travail, entre ceux qui pensent que les rigidités institutionnelles à la baisse des salaires sont cause de chômage volontaire et ceux qui croient qu'un niveau minimal de ressources est un objectif important qu'un pays développé se doit d'assurer à sa population.

La réapparition des crises économiques et financières dans la décennie 1990 a cependant à nouveau fait sentir la nécessité de politiques publiques et d'institutions capables de réguler une économie de marché mondialisée.

— Patrick VERLEY

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Paris-I

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<it>Le Bourgeois</it>, caricature de R. Langa - crédits : AKG-images

Le Bourgeois, caricature de R. Langa

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