Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BANGLADESH

Nom officiel République populaire du Bangladesh
Chef de l'État Mohammed Shahabuddin Chuppu - depuis le 24 avril 2023
Chef du gouvernement Muhammad Yunus - depuis le 8 août 2024
Capitale Dhaka ou Dacca
Langue officielle Bengali
Population 171 466 990 habitants (2023)
    Superficie 147 570 km²

      Le Bangladesh est un État d’Asie du Sud d’une superficie de 144 000 kilomètres carrés – soit environ le quart de celle de la France ; il rassemble environ 166 millions d’habitants (estim. 2023) et compte parmi les pays les plus pauvres de la planète. Le Bangladesh est souvent méconnu, sauf pour ses calamités naturelles et sa main-d’œuvre à très bon marché. Enclavé dans l’Inde, à l’exception d’une courte frontière avec la Birmanie à l’extrémité sud-est, le Bangladesh se situe dans le vaste delta fertile du Bengale.

      Bangladesh : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Bangladesh : carte administrative

      Bangladesh : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Bangladesh : drapeau

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Devenu indépendant en 1971, après une guerre sanglante contre le Pakistan occidental, le Bangladesh (anciennement Pakistan oriental) est un État encore jeune, mais qui possède une histoire longue et mouvementée en tant que partie orientale du Bengale. Cette région, convoitée depuis le xvie siècle pour la fertilité de ses sols, a subi diverses influences religieuses et culturelles sous la domination successive de l’Empire moghol (à partir de 1560-1570), de la couronne d’Angleterre (à partir du milieu du xviiie siècle), puis du Pakistan occidental (à partir de la partition de l’Inde en 1947).

      Bien que beaucoup qualifient le Bangladesh d’« État défaillant », il serait abusif de réduire ce pays à ses maux endémiques que sont la corruption, la pauvreté, la faiblesse de ses institutions politiques ou encore sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles. Le Bangladesh a en effet connu une trajectoire de développement remarquable, grâce à l’essor considérable du secteur du prêt-à-porter, des remises d’argent des expatriés et à un dynamisme sans pareil de la société civile. Par ailleurs, le surpeuplement du Bangladesh est souvent considéré comme un obstacle majeur au développement du pays, mais cette population pourrait aussi s’avérer être un véritable atout pour son avenir.

      Géographie

      Caractéristiques physiques et humaines

      Un milieu naturel fertile, mais vulnérable

      Plage de Cox's Bazar, Bangladesh - crédits : David Méchin

      Plage de Cox's Bazar, Bangladesh

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Une grande partie des terres du Bangladesh se trouvent à moins de 12 mètres au-dessus du niveau de la mer, et les zones côtières se situent à moins de 2 mètres : il est donc un des pays les plus plats du monde. Plateaux et collines ne représentent que 20 % de sa superficie, et se situent essentiellement dans le nord-est (région de Sylhet) et dans le sud-est du pays (Chittagong Hill Tracts). À cheval entre l’Inde et le Bangladesh, dans le sud-ouest du pays, s’étend la plus grande mangrove du monde, les Sundarbans, réputée pour être un des derniers habitats naturels du célèbre tigre du Bengale. À l’extrême sud-est du pays, la plage de Cox’s Bazar, la plus longue du monde, s’étend sur 120 kilomètres.

      Fleuve au Bangladesh - crédits : David Méchin

      Fleuve au Bangladesh

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Ce pays presque sans relief se compose principalement de vastes plaines situées à l’intérieur du delta du Gange (ou delta du Bengale). Celui-ci est formé par la confluence de trois des plus grands fleuves du monde : le Gange (la Padma), le Brahmapoutre (la Jamuna) et la Meghna. Descendant de l’Himalaya, ces fleuves se rejoignent au Bangladesh avant de se jeter dans le golfe du Bengale. Par ailleurs, plus de deux cent trente cours d’eau sillonnent le pays, recouvrant 7 % de sa superficie totale. Ironie du sort, la densité et la vitalité de ce réseau hydrographique sont source de vie autant que de mort. Si la fertilité des terres du Bangladesh dépend de la crue des fleuves, ses inondations endommagent les infrastructures (routes, bâtiments, réseaux de communication, digues) et fragilisent une population déjà vulnérable.

      Doté d’un climat tropical, le Bangladesh connaît chaque année des périodes de mousson au cours desquelles tombent en moyenne 80 % des précipitations annuelles. Les fortes crues et les inondations dévastatrices recouvrent alors environ un cinquième du territoire –  les pires années, jusqu’au tiers des terres. En 1998, le Bangladesh a connu les inondations les plus meurtrières de son histoire : près de 70 % du territoire fut inondé, provoquant la mort de plus de 1 000 personnes et laissant 30 millions de Bangladais sans abri. Pour autant, ces excès en eau n’épargnent pas le pays d’épisodes réguliers de sécheresse, qui sont liés à l’arrivée tardive ou au retrait précoce des pluies de mousson.

      Érosion fluviale au Bangladesh - crédits : David Méchin

      Érosion fluviale au Bangladesh

      Moins visible mais tout aussi destructrice, l’érosion côtière et fluviale a des conséquences dramatiques sur l’économie locale et la population, qui dépendent de l’agriculture. En moyenne, de 1 500 à 3 500 hectares de terres cultivables disparaissent chaque année, réduisant progressivement le territoire déjà en proie à une forte pression démographique et engendrant des rivalités croissantes autour de l’accès à la terre. L’érosion dépossède les hommes de leurs terres et provoque le déplacement de 500 000 à 1 million de personnes par an : elle est considérée comme un facteur majeur de paupérisation au Bangladesh.

      Le Bangladesh est aussi régulièrement frappé par de violents cyclones et des tempêtes tropicales. En 1970, le Pakistan oriental est touché par le cyclone Bhola, le plus meurtrier de son histoire, qui provoque la mort de plus de 500 000 personnes. La forte vulnérabilité du Bangladesh a conduit le pays à se doter d’une politique de prévention et de gestion des catastrophes naturelles et de réduction des risques, en investissant notamment dans la construction d’abris anticycloniques et dans la mise en place de systèmes d’alerte précoce.

      Une nouvelle menace : le changement climatique

      Le Bangladesh doit aujourd’hui faire face à une nouvelle menace : le changement climatique. En effet, selon le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (G.I.E.C.), le pays est considéré comme un des plus vulnérables au monde. Si le niveau de la mer s’élève de 1 mètre, 17 % de la superficie totale du pays sera inondée. Par ailleurs, la hausse des températures, en accélérant la fonte des glaciers de l’Himalaya, entraînera à chaque période de mousson des inondations encore plus importantes. La fréquence et l’intensité des cyclones vont également augmenter, occasionnant des dégâts encore plus catastrophiques. En raison de cette vulnérabilité, le Bangladesh est un pionnier en matière d’adaptation au changement climatique : il s’est doté, notamment, d’un plan d’action national de lutte contre le changement climatique depuis 2009, de fonds spécifiques (Bangladesh Climate Change Trust Fund, établi en 2009 ; Bangladesh Climate Change Resilience Fund, créé en 2010) et de programmes destinés à adapter l’agriculture (développement de variétés de riz résistantes à la salinité des eaux) et à protéger les infrastructures (élévation du niveau des routes, construction de digues…).

      Les effets du changement climatique au Bangladesh, couplés à la pauvreté et à la forte densité de population, vont en outre accroître les déplacements de populations. On estime que près de 30 millions de personnes pourraient être amenées à se déplacer d’ici à 2050, obligeant le gouvernement bangladais et la communauté internationale à répondre à de nouveaux défis humanitaires, politiques et juridiques. Mais le changement climatique n’est pas tant à l’origine de nouveaux problèmes qu’il va surtout exacerber les vulnérabilités existantes.

      Un État pauvre et surpeuplé, mais fort de son identité

      Avec une densité de 1 100 habitants au kilomètre carré, le Bangladesh est le pays le plus densément peuplé au monde – à l’exception des villes-États, comme Singapour.

      Le pays a pourtant effectué des progrès notables en matière de contrôle des naissances, en développant des politiques de planning familial dès le début des années 1970. Ainsi, la croissance démographique annuelle est passée de 2,8 % en 1975 à 1,5 % en 2012 ; le taux de natalité a baissé de 6,6 enfants par femme dans les années 1970 à 2,2 en 2012.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Le Bangladesh appartient à la catégorie des pays les moins avancés : le revenu par habitant est de 840 dollars par an en 2012, et près de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Le pays connaît toutefois un développement économique depuis les années 1980, lequel a permis de quintupler le P.I.B. par habitant (de 330 dollars en 1980 à 1 750 dollars en 2011).

      Les inégalités sociales restent cependant très fortes, et surtout liées à l’accès à la terre. En 2008, 4,5 millions de Bangladais étaient des paysans sans terre. Si la perte des terres est la plupart du temps imputable aux aléas naturels, les cas de spoliation foncière sont également monnaie courante, facilités par une corruption et une violence généralisées. Ces spoliations touchent surtout les plus pauvres, dont font partie la plupart des minorités ethniques et religieuses, et sont très fréquentes dans les Chittagong Hill Tracts. De nombreuses terres ont notamment été confisquées aux hindous, en vertu de la loi Vested Property Act adoptée en 1974 et toujours en vigueur. Cette dernière a permis l’expropriation de milliers d’hindous après la guerre d’indépendance de 1971 et, par la suite, de nombreuses communautés autochtones pour divers motifs, tels que l’exploitation minière, la création d’un parc national, l’installation de migrants bengalis sur les terres des minorités ou encore la mise en place d’un projet de développement.

      Dacca (Bangladesh) : scène de rue - crédits : David Méchin

      Dacca (Bangladesh) : scène de rue

      Le pays connaît une urbanisation rapide depuis les années 1980, liée plus à la pauvreté et à la perte d’opportunités économiques en milieu rural qu’à l’industrialisation en cours. La population urbaine représente, en 2012, près de 30 % de la population totale, et croît à un rythme de 3,5 % par an. La centralisation administrative et politique du pays conduit la majorité des migrants à s’installer dans la capitale Dacca (ou Dhaka), dont la population augmente à un rythme très soutenu : 1,4 million de personnes en 1975, 10 millions en 2001, plus de 13 millions en 2012.

      Bidonville à Dacca, Bangladesh - crédits : David Méchin

      Bidonville à Dacca, Bangladesh

      En outre, les problèmes de gouvernance et l’absence d’une véritable planification urbaine limitent le développement d’infrastructures et de services publics qui permettraient d’absorber l’arrivée massive de ces migrants. D’immenses bidonvilles s’étendent autour de Dacca, conduisant à une dégradation de l’environnement urbain (destruction des espaces verts, pollution de l’eau, absence de traitement des déchets). La population de ces bidonvilles, qui augmente de 7 % par an et représente un tiers de la population de la capitale, n’a pas accès aux services de base, comme l’éducation et la santé, et est souvent privée d’un accès au marché formel de l’emploi.

      La population du Bangladesh se caractérise par une très grande homogénéité ethnique, linguistique et religieuse. Le pays correspond en effet à la partie orientale du Bengale, qui fut partagé au moment de la partition de l’Inde en 1947 selon des critères religieux. Ainsi, près de 90 % de la population est musulmane, faisant du Bangladesh le quatrième pays musulman au monde. L’hindouisme est la deuxième religion du pays (9 %), tandis que le reste de la population se compose d’une minorité de bouddhistes, de chrétiens et d’animistes. Les Bengalis représentent plus de 98 % de la population du pays, et l’immense majorité de la population parle le bengali. Mais la question religieuse reste une composante essentielle du débat public : l’identité bangladaise est-elle fondée sur l’appartenance à la culture et à la langue bengalie ou d’abord caractérisée par l’adhésion aux valeurs de l’islam ? Cependant, c’est autour de la défense de la langue bengalie que se catalysa en premier lieu l’affirmation de l’identité nationale. Le Mouvement pour la langue (Bhasha Andolon) est né en 1952 dans l’ancien Pakistan oriental pour protester contre le fait que le gouvernement, situé au Pakistan occidental, impose l’urdu (ou ourdou) comme seule et unique langue nationale, alors que la majorité de la population, présente au Pakistan oriental, parle le bengali. Ce mouvement fut l’un des premiers signes de tension entre les deux parties du pays qui aboutirent à l’indépendance du Bangladesh en 1971.

      Économie et développement

      Depuis l’indépendance du pays en 1971, l’économie bangladaise connaît d’importantes transformations, notamment avec l’émergence de secteurs non traditionnels (prêt-à-porter, élevage de crevettes…) tournés vers l’exportation, et l’augmentation des devises étrangères à travers les remises d’argent. La croissance économique atteint 6 % par an depuis les années 1990, malgré quelques périodes de stagnation ou de recul liées à l’instabilité politique ou à la vulnérabilité climatique du pays.

      Une économie majoritairement agraire

      Si le secteur agricole emploie encore près de la moitié de la population active du Bangladesh, il ne représente plus que 18,5 % du P.I.B. Historiquement, le jute fut à la base de l’économie bangladaise avant l’arrivée sur le marché, dans les années 1980, des fibres synthétiques.

      Aujourd’hui, la production agricole du Bangladesh est dominée par la culture du riz, fondement de l’alimentation de la population. À partir des années 1980, les efforts faits en matière de modernisation de l’agriculture (irrigation intensive, engrais chimiques, pesticides, utilisation de variétés de riz à haut rendement), couplés à l’abondance naturelle en eau, ont provoqué une véritable hausse de la production. Celle-ci a quasi permis au Bangladesh d’assurer la sécurité alimentaire de sa population, même si elle reste tributaire d’une nature capricieuse.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Toutefois, l’intensification de l’agriculture a un coût environnemental. Le manque de contrôle et l’usage à outrance de pesticides et d’engrais chimiques ont provoqué la contamination de l’eau et engendré des problèmes de santé publique. Ainsi, l’eau souterraine captée dans des puits artésiens s’est avérée contaminée par des dépôts naturels d’arsenic qui seraient à l’origine d’un décès sur cinq dans le pays. L’Organisation mondiale de la santé considère cette catastrophe sanitaire comme « la plus importante contamination de masse de l’histoire ».

      Pêcheur traditionnel au Bangladesh - crédits : David Méchin

      Pêcheur traditionnel au Bangladesh

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Le secteur agricole repose également, mais dans une moindre mesure, sur l’élevage (vaches, moutons, chèvres, poulets), l’exploitation des forêts et la pêche. Le secteur halieutique, en particulier, est un important vecteur d’emplois au Bangladesh (7 % de la population active). Mais ce secteur est menacé par le manque d’investissements étrangers, la mauvaise gestion des ressources halieutiques et sa trop forte vulnérabilité aux aléas naturels.

      L’intégration du Bangladesh dans l’économie mondiale

      Longtemps, le Bangladesh est resté à l’écart du commerce international. Sous les dominations britannique et pakistanaise, les ressources naturelles étaient exploitées abusivement, avant d’être transformées dans des usines implantées à Calcutta puis au Pakistan occidental, empêchant ainsi l’essor d’un secteur industriel sur le territoire actuel du Bangladesh. Le nouvel État doit donc, après son indépendance, construire entièrement son développement industriel alors qu’il est dépourvu de toute infrastructure et privé d’une élite industrielle. À partir de 1975, sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement met en œuvre des politiques de libéralisation qui ouvrent progressivement l’économie bangladaise aux échanges extérieurs et aux investissements étrangers.

      Tout d’abord, à partir des années 1980, le développement de l’industrie du textile suscite l’intérêt des investisseurs étrangers, motivés par l’abondance d’une main-d’œuvre non qualifiée et à très bon marché. Devenu le pilier de l’économie nationale, ce secteur représente désormais 80 % des exportations du pays. Le Bangladesh est, depuis 2009, le deuxième exportateur mondial de vêtements, après la Chine. L’Union européenne est son principal client (50 % des exportations totales), devant les États-Unis.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      L’essor considérable du secteur du prêt-à-porter est un vecteur d’importantes transformations sociales, telles que l’émancipation des femmes. En effet, sur les 3,5 millions de personnes employées dans le secteur, 90 % sont des femmes. Accédant au marché formel de l’emploi et donc à davantage d’autonomie, ces dernières voient ainsi leur place dans la société bangladaise transformée.

      Mais il y a un prix à payer pour ces progrès. L’effondrement d’un immeuble (le Rana Plaza) abritant des ateliers de confection à Savar, près de Dacca, le 24 avril 2013, cause la mort de plus de 1 100 personnes. Ce drame révèle au monde entier les déplorables conditions de travail des ouvrières qui sont à l’origine du made in Bangladesh. En outre, ce terrible accident n’est pas un cas isolé : de 2006 à 2013, plus de deux cent quarante-cinq incendies dans des usines de textile ont provoqué la mort de plusieurs centaines d’ouvriers. Des grèves sont organisées pour réclamer une amélioration des conditions de travail et une hausse des salaires, mais elles sont violemment réprimées, témoignant d’un manque de volonté politique et des atteintes portées à une démocratie encore fragile. Par ailleurs, le drame du Rana Plaza a mis au jour la responsabilité des firmes occidentales qui délocalisent leur production au Bangladesh : si quitter le pays revient à « endommager l’avenir économique et social du pays », comme l’a rappelé le père du microcrédit, Muhammad Yunus, les impératifs de profits ne doivent pas pour autant primer sur le devoir de responsabilité sociale.

      Ensuite, le développement de la culture intensive de crevettes contribue significativement à l’augmentation des échanges commerciaux du Bangladesh : la crevetticulture est devenue le deuxième secteur d’exportation du pays. Implantée dans les années 1970, elle est considérée comme une formidable opportunité de développement économique bien que, dans le même temps, elle provoque une paupérisation accrue des petits agriculteurs et une dégradation de l’environnement local. En effet, des milliers d’hectares de terres fertiles sont convertis en bassins d’aquaculture. Ces vastes exploitations d’élevage de crevettes augmentent la salinisation des sols, stérilisant les terres jusque-là cultivables et chassant ainsi les paysans les plus pauvres.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      L’entrée du Bangladesh dans l’économie mondiale repose aussi sur les devises étrangères, via les transferts de fonds des travailleurs expatriés. Ces remises d’argent sont devenues la troisième source de revenus du pays : elles représentent, en 2012, plus de 10 % du P.I.B. Plus de 5 millions de travailleurs bangladais résident à l’étranger, principalement dans les pays du Golfe mais aussi en Europe et aux États-Unis. La dépendance de l’économie du Bangladesh à l’égard de ces transferts d’argent n’est cependant pas sans risque pour la stabilité du pays, qui se trouve ainsi intimement liée à la santé économique et à la demande en main-d’œuvre des pays d’accueil.

      Par ailleurs, mais dans une moindre mesure, le Bangladesh s’est également spécialisé dans un autre secteur industriel aux conséquences environnementales et sociales désastreuses : les chantiers de démolition navals. Pétroliers, cargos et chalutiers du monde entier débarquent dans la baie de Chittagong, devenue le plus grand cimetière de bateaux au monde, afin d’y être démembrés à main nue et au mépris des règles internationales du travail et de protection environnementale. Ces navires, dont sont extraits les métaux et autres composants afin de les recycler et de les revendre sur le marché local, exposent les ouvriers à des produits hautement toxiques, comme l’amiante, et dégradent l’environnement terrestre et maritime local.

      Enfin, le secteur énergétique commence à attirer l’attention des investisseurs étrangers. Le Bangladesh dispose en effet d’importantes réserves de gaz naturel qui pourraient permettre à l’avenir l’autosuffisance énergétique du pays. Devant le manque de capitaux et de technologies nécessaires à l’extraction du gaz naturel, le gouvernement bangladais a ouvert, à partir de la seconde moitié des années 1990, le secteur aux investissements étrangers. Avec l’amenuisement des ressources énergétiques à l’échelle mondiale, le Bangladesh va faire l’objet d’une forte compétition internationale. Le principal défi à relever pour ce pays sera alors de réussir à protéger ses ressources gazières, tout en les utilisant comme nouvelle source de développement économique.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      En définitive, en dépit d’incroyables avancées économiques, le Bangladesh reste relativement peu intégré à l’économie mondiale. Toutefois, cette faible participation à la mondialisation ne présente pas que des inconvénients, puisque le pays est, notamment, épargné par la crise économique mondiale qui sévit depuis 2008.

      Une « success story » du développement ?

      Les progrès économiques et sociaux de ces dernières décennies amènent la Banque mondiale à parler d’une success story du développement. Selon les Nations unies, la majorité des Objectifs du millénaire pour le développement seront atteints en 2015 : 98 % des enfants ont accès à l’école primaire depuis 2001 et les inégalités d’accès entre filles et garçons, tant au niveau du primaire que du secondaire, ont disparu.

      Muhammad Yunus, le père du microcrédit - crédits : D. Lyons/ Age Fotostock

      Muhammad Yunus, le père du microcrédit

      Le développement économique et social du pays repose en partie sur la diffusion massive du microcrédit, depuis la création, en 1976, de la Grameen Bank par l’économiste bangladais Muhammad Yunus. Surnommé le « banquier des pauvres », il s’est vu décerner le prix Nobel de la paix en 2006 pour son combat contre la pauvreté. Destinée à ouvrir aux plus pauvres, et en particulier aux femmes (elles représentent 96 % des emprunteurs), l’accès au crédit sous la forme de micro-prêts, l’initiative connaît un succès immédiat : alors que la Grameen Bank comptait près de 2,5 millions d’emprunteurs à la fin des années 1990, ce chiffre atteint 8 millions en 2010.

      La contribution significative de la Grameen Bank au développement du Bangladesh témoigne également de la place qu’occupe la société civile dans ce pays qui compte 22 000 organisations non gouvernementales (O.N.G.). La lente construction de l’État après l’indépendance, ainsi que l’arrivée massive de l’aide étrangère favorisent en effet l’émergence d’O.N.G. nationales, à l’image de la Bangladesh Rural Advancement Committee (B.R.A.C.). Créée en 1972, à la fin de la guerre d’indépendance, la B.R.A.C. est aujourd’hui la plus grande O.N.G. du monde, et elle est présente en Afrique et en Asie. Au Bangladesh, elle contribue à l’instruction de 1,1 million d’enfants par an, répartis dans 38 000 écoles, et elle emploie 120 000 personnes dans les villages et les bidonvilles afin de lutter, notamment, contre la mortalité infantile. Les diverses activités de la B.R.A.C. génèrent 3 % du P.N.B. et permettent à l’organisation de s’autofinancer à hauteur de 70 %.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Le succès des O.N.G. dans le pays amène certains analystes à parler de l’existence d’un « État parallèle », voire d’un « État franchisé », avec des O.N.G. offrant des services habituellement fournis par l’État, notamment en matière d’accès aux soins et à l’éducation. Toutefois, des critiques s’élèvent contre leur influence, considérant qu’elles contribuent à – autant qu’elles reflètent – la faiblesse des institutions politiques.

      Par ailleurs, il ne faut pas réduire le dynamisme de la société civile à la seule action des O.N.G. De nombreux think tanks, des organisations religieuses ou des mouvements populaires occupent une place croissante dans le débat public. Ces derniers ont notamment permis des avancées démocratiques notoires, à l’instar du Gono Andolon (Mouvement du peuple) qui favorisa le renversement du régime militaire du général Mohammed Ershad en décembre 1990.

      Toutefois, les progrès effectués en matière de développement n’auraient pas pu être réalisés sans l’arrivée massive de l’aide internationale après l’indépendance. À la fin des années 1980, elle représentait trois cinquièmes du budget total du pays. Cette forte dépendance s’accompagne d’une très grande influence politique de la part des bailleurs de fonds. Ces derniers sont souvent accusés d’affaiblir les jeunes institutions et les élites politiques en les mettant ainsi sous tutelle.

      Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

      Malgré sa réputation de pays tributaire de l’aide internationale, le Bangladesh est parvenu, contre toute attente, à réduire sa dépendance, grâce à l’essor de l’industrie du textile et à l’augmentation des remises d’argent. Ainsi, alors que l’aide internationale représentait près de 8 % du P.I.B. en 1990, elle n’en constituait plus que 2 % au début des années 2000.

      Finalement, l’histoire du développement du Bangladesh révèle de nombreux paradoxes et contradictions, car, en dépit d’importants progrès économiques et d’une réduction significative de l’aide internationale, la balance commerciale demeure encore extrêmement déficitaire et l’indice de développement humain (I.D.H.) reste un des plus faibles au monde. Par ailleurs, la pression démographique, les problèmes de gouvernance, le manque d’infrastructures et la vulnérabilité aux aléas climatiques demeurent des obstacles récurrents à un développement économique consolidé et à une sortie durable de la pauvreté.

      Accédez à l'intégralité de nos articles

      • Des contenus variés, complets et fiables
      • Accessible sur tous les écrans
      • Pas de publicité

      Découvrez nos offres

      Déjà abonné ? Se connecter

      Écrit par

      • : doctorante en science politique et relations internationales à SciencesPo Paris et au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), chercheuse invitée à l'International Centre for Climate Change Adaptation and Development (ICCCAD) Independent University, Dhaka, Bangladesh
      • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

      Classification

      Médias

      Bangladesh : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Bangladesh : carte administrative

      Bangladesh : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Bangladesh : drapeau

      Plage de Cox's Bazar, Bangladesh - crédits : David Méchin

      Plage de Cox's Bazar, Bangladesh

      Autres références

      • BANGLADESH, chronologie contemporaine

        • Écrit par Universalis
      • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionales

        • Écrit par , , , et
        • 24 799 mots
        • 10 médias
        ...flancs, la partition de 1947 a donné naissance à un Pakistan musulman et bicéphale, dont la partie orientale a fait sécession en 1971 pour devenir le Bangladesh. Au nord, les États himalayens du Népal et du Bhoutan font tampon avec la Chine, qui possède avec l'Inde une frontière commune,...
      • BENGALI LITTÉRATURE

        • Écrit par et
        • 5 134 mots
        • 1 média
        La littérature bengali duBangladesh est en plein épanouissement. La plupart des auteurs sont à la fois poètes et nouvellistes. Syed Shamsul Huq (1935-2016), premier écrivain bangladais à avoir fait de l'écriture sa profession, a touché avec succès à tous les genres, excellant dans les pièces de théâtre...
      • BHOLA (cyclone de)

        • Écrit par
        • 1 250 mots
        • 2 médias

        Le 12 novembre 1970, le cyclone de Bhola frappait le Pakistan oriental (auj. Bangladesh) et une partie de l’État indien du Bengale-Occidental, laissant sur son passage plusieurs centaines de milliers de morts, ce qui en fait le cyclone le plus meurtrier jamais enregistré. Cette catastrophe naturelle...

      • BHUTTO ZULFIKAR ALI (1928-1979)

        • Écrit par
        • 662 mots
        • 2 médias

        Né dans le Sind, Zulfikar Ali Bhutto fait partie d'une des familles les plus fortunées du Pakistan. Son père fut ministre du gouvernement impérial. Après des études en Angleterre et aux États-Unis, Bhutto ouvre un cabinet d'avocat à Karachi en 1953, puis enseigne le droit constitutionnel...

      • Afficher les 20 références

      Voir aussi