URINAIRE APPAREIL
L' adaptation de l'appareil urinaire à ses fonctions est un exemple typique des perfectionnements acquis au cours de l'évolution animale pour permettre la conquête de biotopes nouveaux. Dans le cas des Vertébrés, des structures rénales archaïques, excrétrices au sens passif du terme, ont fait place à des dispositifs sécréteurs plus élaborés (néphrons) assurant le réglage actif du milieu intérieur. Parallèlement, le passage de la vie aquatique à la vie aérienne s'est accompagné de la réalisation de structures affinant le contrôle de l'osmorégulation.
Le contrôle concerne au premier chef le métabolisme hydrominéral et ses retombées hémodynamiques. Il permet aussi l'excrétion des sous-produits du métabolisme azoté, l'acide urique chez les moins perfectionnés des Vertébrés aériens, l'allantoïne ou l'urée chez les plus évolués.
Les transformations ainsi accomplies demeurent perceptibles pendant le développement embryonnaire des Vertébrés supérieurs : une prodigieuse récapitulation de leur phylogénie se manifeste par la succession de plusieurs ébauches rénales.
Au rein primitif succèdent deux autres reins, l'un transitoire, l'autre définitif. À la faveur des bouleversements structuraux qui se produisent de ce fait, l'appareil urinaire et l'appareil génital contractent des relations étroites ; elles restent évidentes à l'état adulte chez les individus mâles, d'où la pathologie génito-urinaire absolument caractéristique des individus du sexe masculin chez les Mammifères et donc l'homme.
Mais la spécificité des maladies de l'appareil urinaire tient avant tout à sa dualité fondamentale : un appareil sécrétoire, dont les fonctions normales et la pathologie sont étudiées par une discipline autonome, la néphrologie ; un appareil excréteur, dont les fonctions normales et la pathologie sont étudiées dans une autre branche du savoir médical, l'urologie.
En fait, cette dissociation de l'appareil urinaire en deux sous-ensembles se justifie davantage sur le plan scientifique que sur le plan clinique, en raison de l'interdépendance des reins et des voies urinaires, dont les troubles sont souvent étroitement associés.
Embryologie et physiologie comparées
Embryologie
Au cours du développement embryonnaire des Vertébrés, de minuscules unités excrétrices tubulaires se différencient aux dépens de plaques mésodermiques disposées symétriquement de part et d'autre de la corde dorsale. Ces plaques se découpent en segments successifs, d'allure métamérique, que l'on nomme des néphrotomes. Ils donnent naissance d'avant en arrière à une série d'ébauches dont la destinée est différente selon le niveau d'organisation atteint par l'animal envisagé au sein de l'embranchement des Vertébrés.
Chez les Vertébrés inférieurs (les Anamniotes : Poissons et Amphibiens), aux premiers stades du développement des larves, les néphrotomes antérieurs produisent des unités excrétrices microscopiques constituant le pronéphros ; elles s'unissent au moyen d'un collecteur longitudinal, l'uretère primaire ou canal pronéphrotique. Chaque unité excrétrice est une métanéphridie, comparable à celles des Annélides, c'est-à-dire un canalicule à pavillon cilié, s'ouvrant dans la cavité générale, ou cœlome, où sont puisés les produits d'excrétion qui seront rejetés dans le canal pronéphrotique.
Ultérieurement, les structures qui seront celles du rein des Poissons et Amphibiens adultes se mettent en place : de nouveaux néphrotomes, situés en arrière du pronéphros, se développent en formant le mésonéphros ou corps de Wolff ; son canal excréteur (dit canal de Wolff) représente la partie caudale pronéphrotique. Le mésonéphros est encore constitué de métanéphridies typiques chez divers Amphibiens. Cependant, des tubules plus complexes dépourvus d'ouverture cœlomique, les néphrons, caractérisent le mésonéphros fonctionnel de la plupart des Amphibiens adultes.
Au cours du développement embryonnaire des Vertébrés supérieurs (les Amniotes : Reptiles, Oiseaux, Mammifères), on assiste à la formation précoce du pronéphros (du 21e au 28e jour dans le cas de l'embryon humain), successivement remplacé (depuis la 3e jusqu'à la 8e semaine de la vie embryonnaire humaine) par un mésonéphros (cf. appareil génital, fig. 4), puis par un métanéphros.
Le métanéphros, qui provient des néphrotomes postérieurs, ne comporte que des néphrons complexes, dont le tubule sinueux va se différencier en une partie proximale, reliée par la capsule de Bowman à un peloton de capillaires sanguins (le glomérule de Malpighi), et une partie distale. Dans le cas des Mammifères, celle-ci est raccordée à la partie proximale par l'anse de Henle. La partie distale entrera secondairement en contact avec un système de canaux collecteurs remplaçant l'uretère primaire ; ils proviennent des deux bourgeons urétéraux émis par la partie dorsale du canal de Wolff à son extrémité caudale. Celle-ci communique avec l'extrémité du canal allantoïdien ; ce carrefour deviendra le sinus urogénital. Une cloison mésodermique (zone hachurée ) divisera entre le 25e et le 35e jour, chez l'embryon humain, le « cloaque » primitif en séparant le sinus urogénital du canal anorectal.
Le sinus urogénital se développe vers l'avant, formant le canal urétral, et vers le haut, donnant la vessie, qui occupe la loge antérieure du pelvis, en avant du rectum (dont la sépare l'utérus chez la femme).
Les étapes ultérieures du développement sont différentes, chez les Mammifères (et l'homme), selon le sexe de l'individu (cf. appareil génital, fig. 5). Les voies excrétrices urinaires et les voies excrétrices génitales mâles dérivent toutes les deux du canal de Wolff ; elles restent en relation au niveau de ce qui fut le sinus urogénital : les canaux déférents (en relation avec les testicules) débouchent au niveau de la prostate dans le canal urétral, émissaire de la vessie urinaire où aboutissent les uretères ; cette interdépendance, dont les conséquences sont essentielles en pathologie, réalise un appareil urogénital. Au contraire, la femelle, du fait de la dégénérescence complète de l'appareil de Wolff en amont des bourgeons urétéraux, est caractérisée par l'indépendance du tractus urinaire vis-à-vis de l'appareil génital ; cette dualité se reflète ici dans une pathologie spécifique de chacun des deux appareils, urinaire et génital.
Physiologie
L'existence de différents types de néphrons, selon les modalités de l'excrétion azotée et de la régulation de la pression osmotique de leur milieu intérieur, caractérise diverses étapes de l'adaptation des Vertébrés.
Le catabolisme des protéines aboutit à la formation d'ammoniac (ammoniogenèse) par suite de la désamination des acides aminés. Les sels ammoniacaux sont facilement diffusibles, et les Poissons osseux ou les têtards d'Amphibiens excrètent ces déchets au niveau de leurs branchies ; l' urine est abondante et très diluée chez les têtards et les Poissons d'eau douce, ce qui permet l'excrétion de l'eau absorbée osmotiquement, peu abondante et plus concentrée chez les espèces marines. Les Sélaciens, au contraire, réalisent l' uréogenèse aux dépens de l'ammoniac que produit leur métabolisme. L'urée formée élève la pression osmotique de leur milieu intérieur, qui devient voisine de celle de l'eau de mer.
Ces caractéristiques des Sélaciens se retrouvent chez les Vertébrés terrestres. Parmi eux, les espèces incapables de concentrer leur urine en réabsorbant de l'eau au niveau du tubule distal des néphrons transforment cette urée en acide urique. Celui-ci forme un précipité dans les urines, dont la pression osmotique reste faible. L'acide urique est aussi le produit terminal du métabolisme des bases organiques azotées.
Alors que la plupart des Mammifères transforment l'acide urique en allantoïne, les Primates et l'homme l'excrètent sans modifications, d'où la facilité avec laquelle l'acide urique risque de précipiter dans les voies urinaires du fait de la sursaturation de l'urine.
En effet, le catabolisme protéique aboutit ici à l'urée, fortement concentrée par réabsorption d'eau : l'excrétion de quantités importantes d'urée dans un faible volume de liquide produit une urine de pression osmotique élevée. On n'abordera pas ici l'excrétion des substances minérales de l'urine, qui a fait l'objet de plusieurs articles (cf. équilibre hydrominéral, osmorégulation).
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Écrit par
- Didier LAVERGNE : docteur en médecine
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