ANGLAIS (ART ET CULTURE) Littérature

Retour à la poésie

Préromantisme

Le la fut donné par Pensées nocturnes (Night Thoughts, 1742) d' Edward Young (1683-1765), qui inaugura la poésie sépulcrale, et surtout par la fameuse Élégie écrite dans un cimetière de campagne (Elegy Written in a Country Churchyard, 1750), de Thomas Gray (1716-1771). Gray fut aussi des premiers à ressentir l'appel des lointaines époques barbares ; les anciennes littératures galloise et scandinave lui inspirèrent The Bard, The Fatal Sisters, The Descent of Odin. Addison avait découvert au commencement du siècle la beauté des ballades populaires d'autrefois (Chevy Chase, The Children in the Wood). Gray et Arthur Young (1741-1820), qui lança en 1784 les célèbres Annals of Agriculture, visitèrent les lacs anglais et introduisirent le goût du pittoresque. Les ruines, surtout celles des abbayes et des constructions gothiques, furent les premiers objets à nourrir le sens du mystère qu'on venait de redécouvrir. Spenser revint à la mode et James Thomson (1700-1748) imita son style archaïque dans The Castle of Indolence (1748), après s'être inspiré de Virgile, de Claude Lorrain et des peintres bolonais pour les Seasons (1726-1730). Mais le sentiment de la nature s'éleva au-dessus du ton descriptif de Thomson et devint lyrique dans la mince œuvre poétique (surtout dans l'Ode to Evening) de William Collins (1727-1756).

Non contents de chercher une évasion « exotique » dans les monuments du passé, certains en inventèrent de toutes pièces, tel Thomas Chatterton (1752-1770) qui forgea un poète du xve siècle, Rowley, ou bien firent des pastiches, tel James Macpherson (1736-1796) qui, sur la base de versions libres d'anciens chants gaéliques mêlées à des poèmes de son cru, créa un Homère nordique, Ossian. La publication, en 1765, des Reliques of Ancient English Poetry par Thomas Percy (1729-1811) alimenta la rêverie moyenâgeuse, à laquelle contribuèrent aussi les Observations on the Faery Queene (1754) de Thomas Warton (1728-1790) et les Letters on Chivalry and Romance (1762) de Richard Hurd (1720-1808). Les tendances romantiques sont déjà évidentes dans des personnalités aussi différentes que celles de William Cowper (1731-1800) qui, en des poèmes encore empêtrés dans le didactisme, est partagé entre les frissons morbides et les touches d'humour, entre la peinture de genre et les méditations lyriques (The Task, 1785), et de William Beckford (1759-1844) qui, dans Vathek (1784, écrit d'abord en français), raconte l'histoire de ses troubles liaisons sous le couvert d'un conte arabe où il pastiche Les Mille et Une Nuits et Voltaire. Byron appellera Vathek sa bible.

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Les deux premiers poètes dans lesquels les romantiques reconnurent leurs modèles, Robert Burns (1759-1796) et William Blake (1757-1827), étaient, chacun à sa façon, des révoltés. Spontanés et avec des intonations d'art populaire, ils se ralliaient pourtant à des traditions bien définies ; Burns se rattachait à la poésie en dialecte écossais, tandis que Blake fondait dans le même creuset les théories ésotériques, les élisabéthains, Milton, la Bible, Ossian, le Système de la nature et, en peinture, Michel-Ange, les maniéristes, Flaxman et Fuseli. Les Joyeux Mendiants (Jolly Beggars) de Burns se placent entre le Beggar's Opera et Ça ira, mais Blake est un révolutionnaire encore plus passionné, et dans son Marriage of Heaven and Hell (1790) il arrive à des conclusions qui semblent s'accorder avec celles du marquis de Sade : « Le Bien est l'élément passif qui obéit à la Raison, le Mal est l'actif qui jaillit de l'Énergie. »

Les générations romantiques

Wordsworth - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wordsworth

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L'œuvre des romantiques contient également un message éthique. Le retour aux traditions nationales, au peuple et à la nature annoncé dans le programme des Lyrical Ballads (1798) de William Wordsworth (1770-1850) et Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) – dénommés lakistes à cause de la région des Lacs, dans le Cumberland, où ils résidèrent – est un phénomène apparenté au renouvellement des fondements éthiques de la société provoqué par la Révolution française, dont les auteurs anglais ressentirent l'influence. Des idéaux de liberté politique et morale sont inséparables de l'inspiration de Shelley comme de Byron, et Keats dépassa l'esthétisme de ses débuts en prenant conscience de la signification de la beauté et de la douleur dans le monde, et de la mission du poète. Mais la grandeur de ces poètes réside surtout dans leur capacité à communiquer, dans un langage plein de résonance et de nostalgie sans fin, leur découverte du monde, leur appréhension de l'essence des choses. La nouveauté, la fraîcheur de leur inspiration a tellement fasciné la postérité, que pendant longtemps elle ne s'est pas rendu compte de leurs négligences de style, des redondances, de l'impropriété des termes, et elle a généralisé une admiration qui était sans doute légitime dans le cas de chefs-d'œuvre comme La Ballade du vieux marin (The Rime of the Ancient Mariner), Christabel, Kubla Khan de Coleridge ou des poèmes dans lesquels Wordsworth excelle à rendre le choc qui ébranle l'âme au contact de la nature. Les poètes romantiques exaltent l'intuition de l'enfant et préfèrent la poésie du peuple aux formes littéraires consacrées. Wordsworth considère l'enfant comme plus apte à pénétrer le mystère, car en lui le raisonnement n'a pas encore étouffé le souvenir de la divine existence avant la naissance. Le poète Francis Thompson (1859-1907) présente Percy Bisshe Shelley (1792-1822) comme un enfant ou un jeune magicien en qui certains ne voient qu'un apprenti sorcier, qui reste submergé par le torrent d'objets (étoiles, mer, nuages, etc.) dont il a besoin pour créer ses effets de chorégraphie cosmique. L'aspiration de John Keats (1795-1821) à une sagesse lyrique le rapproche de Hölderlin : ses dieux viennent plutôt des cieux du Nord que de ceux de la Grèce, et son Hyperion (1820) essaie de revêtir de formes classiques une matière de rêve et de Sehnsucht ossianiques. C'est un Keats plus décoratif et romantique, le poète de La Belle Dame sans merci, qui inspira les magiques cadences et les somptueux décors des préraphaélites. Le romantisme de George Gordon Byron (1788-1824) apparaît différent, extérieur par les attitudes et les sujets, tandis que son inspiration plus sincère s'épanche dans Don Juan(1819), qui le rattache aux poètes humoristes et satiriques du xviiie siècle et aux héroï-comiques italiens. Sans Don Juan, on ne peut imaginer ni Heine ni le Pouchkine d'Eugène Onéguine.

Le Dit du vieux marin - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le Dit du vieux marin

Percy Shelley - crédits : Gustavo Tomsich/ Corbis/ Getty Images

Percy Shelley

Lord Byron - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Lord Byron

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C'est un fait bien connu que le romantisme anglais n'a produit aucun grand drame ; la place de la littérature dramatique fut prise par les romans de Walter Scott (1771-1832) qui sut fasciner des générations, moins par le style, qui est lourd, que par son habileté de narrateur et sa capacité à tenir en suspens l'attention du lecteur.

Des poètes mineurs de la période romantique, Thomas Moore (1779-1852) eut une renommée supérieure à ses mérites grâce à ses contes inspirés par l'Orient (Lalla Rookh, 1817) et à ses Irish Melodies (1808-1834). L'Orient inspira aussi à Robert Southey (1774-1843) de longs poèmes qu'on ne lit plus guère (seule sa Life of Nelson, 1813, a survécu). Il faut citer encore Walter Savage Landor (1775-1864), auteur de Gebir (1798), connu grâce à de délicates poésies d'un classicisme alexandrin (The Hellenics, 1847) et à ses Imaginary Conversations (1824-1829) en prose.

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Écrit par

  • : agrégée, professeur de littérature anglaise (théâtre) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : écrivain, professeur de littérature anglo-américaine
  • : ancien élève de l'École supérieure, professeur de littérature anglaise à l'université de Paris-VIII, directeur à la Direction du livre et de la lecture
  • : professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
  • : écrivain, critique littéraire
  • : maître assistant d'anglais, agrégée, docteur d'État, professeur à l'université de Paris-Nord
  • : ancien professeur à l'université de Rome

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Médias

Chaucer à cheval - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Chaucer à cheval

William Shakespeare - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

William Shakespeare

Milton, Le Paradis perdu - crédits : De Agostini/ Getty Images

Milton, Le Paradis perdu

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