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CORTOT ALFRED (1877-1962)

Alfred Cortot en 1910 - crédits : Edmund Joaillier/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Cortot en 1910

Aussi insaisissable que ces Papillons de Schumann qu'il a tant joués, Alfred Cortot a voulu s'abandonner à toutes les musiques, à toutes les aventures, quitte à s'y brûler parfois les ailes. Une curiosité jamais apaisée, une soif de beauté toujours plus vive au fil des années en font l'une de ces personnalités vif-argent qui glissent entre les limites des définitions et s'évadent des portraits les plus fidèles. De l'orchestre au piano, de l'enseignement à l'écriture, de Richard Wagner à Claude Debussy, Alfred Cortot n'a jamais accepté la contrainte des modes, des clans, des spécialités. Aujourd'hui encore il fascine par cette fringale de liberté, cette vie puissante qui emplit ses interprétations jusqu'aux plus tardives.

Le philtre wagnérien

Alfred Denis Cortot naît à Nyon (Suisse) le 26 septembre 1877. Aucun don précoce ne le signale à l'admiration des siens et ses études musicales seront plus la conséquence d'une décision familiale que la réponse à une irrésistible aspiration. À Genève, où les Cortot s'établissent en 1882, ses sœurs guident ses premiers contacts avec le clavier. Mais, bien vite, c'est à Paris que la famille se fixe. Le jeune Alfred entre en novembre 1887 dans la classe préparatoire au Conservatoire que dirige un ancien élève de Chopin, Émile Decombes. Il y côtoie Reynaldo Hahn, Édouard Risler, Lazare-Lévy et Maurice Ravel. Ses premiers résultats n'en font pas un enfant prodige : échec en 1888 et 1889, troisième médaille dernier nommé en 1890, première médaille en 1891, deuxième médaille en 1892... L'année même où sa jolie voix de soprano lui permet de participer en soliste, avec Louis Aubert, au Stabat Mater de Palestrina et à la Messe de César Franck, il entre enfin, en octobre 1892, dans la classe supérieure qu'anime Louis Diémer. Plus que son prestigieux professeur, c'est un assistant, Édouard Risler, son aîné de quatre ans à peine, qui marquera à jamais les conceptions musicales d'Alfred Cortot. Dès 1894, il aborde la musique de chambre avec Jacques Thibaud et Jules Boucherit, rencontre Georges Enesco, joue devant Anton Rubinstein, mais n'obtient qu'un premier accessit. En 1895, il travaille l'harmonie avec Raoul Pugno mais ne décroche aucune récompense. Enfin, en 1896, il remporte avec éclat un premier prix à l'unanimité, seul nommé avec une Quatrième Ballade de Chopin qui aura toujours sa préférence.

Dès cette époque il est littéralement envoûté par la musique de Wagner, communiant avec Risler dans cette dévorante religion. Avec lui, sur un piano double – sorte de piano tombé en désuétude qui associe à une caisse de résonance unique deux claviers, deux mécaniques et un double jeu de cordes –, il impose dans ses programmes, avec une obstination passionnée, les transcriptions de ses opéras. Année charnière, 1896 l'est à bien des égards : première tournée en province, rencontre avec Saint-Saëns et, grâce à la comtesse de Greffulhe, avec Fauré, qui ne cessera de protéger ce remuant musicien. Mais 1896, c'est surtout le premier des pèlerinages à Bayreuth, qu'il renouvellera en 1897 et 1901. Risler et lui s'y multiplient comme répétiteurs, souffleurs et chefs de chœur sous la direction de Hans Richter. Extase suprême, Alfred Cortot est introduit à Wahnfried et interprète Liszt devant Cosima Wagner, dont il deviendra l'un des familiers. Vue de ces hauteurs mystiques, la carrière de pianiste virtuose lui apparaît soudain bien mesquine. Aussi, malgré de brillants débuts internationaux – un concert à deux pianos puis un récital Beethoven en soliste à Berlin (1898) –, il la délaisse pour s'adonner sans retenue à la direction d'orchestre et se laisser envahir par le puissant charme wagnérien. En 1899, il est le chef de chant que[...]

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Alfred Cortot en 1910 - crédits : Edmund Joaillier/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Cortot en 1910

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