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CORTOT ALFRED (1877-1962)

L'art de Cortot

Du chef d'orchestre, il ne nous reste que très peu de traces sonores : un Concerto brandebourgeois, des bribes de Purcell et Vivaldi et le Double Concerto de Brahms avec Jacques Thibaud et Pablo Casals, mais aussi le bien modeste Orchestre de Barcelone. Rien qui, en définitive, puisse nous permettre d'apprécier objectivement son talent. Les enregistrements, hélas trop peu nombreux, qui réunissaient autour de lui ses complices de toujours Jacques Thibaud et Pablo Casals pour de mémorables séances de musique de chambre, témoignent pour l'éternité des miracles que peuvent accomplir l'accord parfait des sensibilités et l'humilité devant la musique. Le pianiste a été fort heureusement mieux servi par le disque. On lui a parfois reproché certaines approximations techniques et, notamment vers la fin de sa vie, la multiplication de fausses notes. C'est oublier que le début du xxe siècle ne faisait pas du respect sourcilleux de la partition sa valeur absolue et que les techniques d'enregistrement de l'époque ne permettaient pas, comme aujourd'hui, de gommer artificiellement ces « scories » qui sont le lot de tous les grands tempéraments. C'est aussi faire bien peu de cas de l'une des plus grandes figures du piano. Franck et Debussy trouvent en lui un interprète inégalé, un coloriste subtil et sensible qui, sous l'élégance et la clarté du trait, fait affleurer cette émotion retenue qui est la signature de toute la musique française. Chopin, il ne le joue pas, il le respire. Et de réécouter encore et encore cet inimitable rubato, ce toucher de velours, la suprême simplicité de ce phrasé qui puise aux sources mêmes du chant. D'élans lyriques en méditations passionnées, Chopin renaît sous ses doigts avec une liberté, un naturel, une chaleur dans la confidence qui restent uniques. Et que dire de ces Schumann dont l'Allemagne elle-même lui demandait le secret ? Alfred Cortot y livre sans doute le plus profond de son art. Il y mêle avec une rare intensité la violence fébrile, la rêverie crépusculaire, la pulsation syncopée, et ce calme naïf que l'on voit aux regards d'enfants. Dans ce pays mystérieux parle le poète.

— Pierre BRETON

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Pour citer cet article

Pierre BRETON. CORTOT ALFRED (1877-1962) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Alfred Cortot en 1910 - crédits : Edmund Joaillier/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Cortot en 1910

Gabriel Fauré, Pablo Casals, Jacques Thibaud et Alfred Cortot - crédits : AKG-images

Gabriel Fauré, Pablo Casals, Jacques Thibaud et Alfred Cortot

Autres références

  • HASKIL CLARA (1895-1960)

    • Écrit par Pierre BRETON, Universalis
    • 1 593 mots
    • 4 médias
    ...médecins, dont le professeur Jean Hamburger, l'intervention est un succès. Mais, en 1942, il lui est interdit de se produire sur scène : Alfred Cortot, haut-commissaire aux beaux-arts du régime de Vichy, prône en effet une musique « purifiée » de ses éléments juifs. La même année, juste avant que la zone...
  • INTERPRÉTATION MUSICALE

    • Écrit par Alain PÂRIS, Jacqueline PILON
    • 7 438 mots
    • 8 médias
    ...vibrato est beaucoup plus généreux ; de même, les pianistes perdent cette fâcheuse habitude de jouer les mains l'une après l'autre. Seul, Cortot conservera jusqu'à la fin de sa vie une certaine tendance en la matière, mais avec quelle inimitable élégance ! Il faudra attendre un peu plus...
  • LEFÉBURE YVONNE (1898-1986)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 902 mots

    Relativement peu connue du grand public, Yvonne Lefébure jouissait dans les milieux musicaux d'une réputation analogue à celle de Nadia Boulanger quelques années auparavant : les jeunes pianistes venaient du monde entier travailler avec cette éminente pédagogue qui détenait une tradition issue...

  • LITVINNE FELIA (1860-1936)

    • Écrit par André TUBEUF
    • 416 mots

    C'est à Saint-Pétersbourg que naquit Françoise-Jeanne Vasil'yevna Schütz, dite Felia Litvinne, soprano russe d'ascendance allemande et canadienne, naturalisée française. Elle fut élevée en Italie et à Paris avec sa sœur Hélène, qui devait épouser l'illustre basse franco-polonaise Édouard...

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Voir aussi