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LEFÉBURE YVONNE (1898-1986)

Relativement peu connue du grand public, Yvonne Lefébure jouissait dans les milieux musicaux d'une réputation analogue à celle de Nadia Boulanger quelques années auparavant : les jeunes pianistes venaient du monde entier travailler avec cette éminente pédagogue qui détenait une tradition issue en ligne directe d'Alfred Cortot et des grands compositeurs francais qu'elle avait personnellement connus.

Née à Ermont, le 29 juin 1898 (jusqu'à ses dernières années, sa date de naissance exacte restera, par coquetterie, un mystère soigneusement caché), Yvonne Lefébure commence très tôt l'étude du piano. À neuf ans, elle remporte le prix des Petits Prodiges, avant d'entrer au Conservatoire de Paris. Après un an passé dans la classe de Marguerite Long, où elle reconnaît ne pas avoir appris grand-chose, elle travaille avec Alfred Cortot et obtient à treize ans un premier prix de piano qui sera suivi de cinq autres premiers prix : harmonie, histoire de la musique (classe de Maurice Emmanuel), contrepoint (Georges Caussade), fugue (Charles Marie Widor) et composition (Paul Dukas). Elle travaille également la direction d'orchestre avec Vincent d'Indy. Lorsqu'elle sort du Conservatoire, elle a déjà donné son premier récital parisien et joué en concerto avec l'orchestre des Concerts Lamoureux sous la baguette de Camille Chevillard. Tentée un moment par la composition, elle renonce à se présenter au prix de Rome : il fallait emporter en loge la partition de Gwendoline de Chabrier, ouvrage déjà trop ancien à son goût !

Sa carrière de soliste commence très brillamment : elle joue le Concerto en sol de Ravel plus d'une centaine de fois avec les chefs les plus illustres. Elle joue Mozart à Salzbourg avec Bruno Walter, à Lugano avec Wilhelm Furtwängler. Pablo Casals, avec lequel elle avait commencé à jouer pendant l'Occupation, l'invite au premier festival de Prades, pour le bicentenaire de la mort de Jean-Sébastien Bach (1950). Avec Sándor Végh, elle donne l'intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven. Mais l'enseignement l'accapare sans cesse davantage : assistante d'Alfred Cortot à l'École normale de musique de Paris (1930-1939), elle se voit confier les meilleurs élèves du maître, qui est empêché par ses multiples activités de les suivre régulièrement : Dinu Lipatti et Samson François, notamment, travaillent avec elle. En 1947, elle épouse le musicologue Fred Goldbeck : tous deux formeront pendant près de quarante ans l'un des couples les plus étonnants et les plus unis du monde musical parisien. « Freddie » est le seul qui ose corriger son jeu et, grâce à lui, elle complétera, en autodidacte, une formation instrumentale que l'admiration démesurée que lui portait Cortot avait laissée par trop incomplète.

Nommée professeur au Conservatoire de Paris en 1952, elle démissionne en 1967. Elle enseigne alors au Conservatoire européen et chez elle, où affluent des élèves du monde entier. En compagnie de Fred Goldbeck, elle fonde en 1964 le Juillet musical de Saint-Germain-en-Laye, festival consacré aux grands musiciens français et dans le cadre duquel elle donne des cours d'interprétation. En 1968 vient s'y adjoindre un concours international de piano, le prix Debussy. Pressée par d'innombrables admirateurs, elle redonne à sa carrière une certaine dynamique dans les années 1970, enregistrant notamment plusieurs disques pour la marque Fy. Elle meurt à Paris le 23 janvier 1986.

Détentrice d'une tradition authentique dans le domaine de la musique française (elle avait connu Debussy, Ravel, Dukas, Fauré et la plupart des grands compositeurs de cette génération), Yvonne Lefébure s'était surtout imposée dans ce répertoire ; mais elle savait ne pas s'y laisser enfermer. Elle se disait beethovénienne avant tout, et c'est davantage l'ampleur des[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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Pour citer cet article

Alain PÂRIS. LEFÉBURE YVONNE (1898-1986) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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