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AFRIQUE NOIRE (Arts) Aires et styles

L'art dogon

Le site grandiose des falaises de Bandiagara au Mali abrite la vieille civilisation des Dogon, qui a depuis longtemps frappé les visiteurs par la hardiesse de son architecture, la vitalité de ses rites, la beauté de son art et de ses manifestations culturelles. Leur « découverte » scientifique en 1931 par la mission Dakar-Djibouti dirigée par Marcel Griaule, et les nombreuses publications qui ont suivi ont contribué à leur célébrité, ainsi que plus récemment le classement du site au patrimoine mondial de l'U.N.E.S.C.O. Tous ces facteurs ont développé un tourisme effréné, dont l'influence n'est pas que bénéfique. La progression de l'islam, auquel les Dogon ont longtemps résisté, provoque aussi des changements culturels importants, même s'il coexiste souvent avec des croyances et des pratiques anciennes.

En dépit des changements, les réalisations de l'art dogon à travers leur histoire doivent être considérées comme produites par une culture qui les a imprégnées de sens. Que les objets soient rituels ou usuels, aucun motif sculpté, gravé ou peint n'a été choisi au hasard. Au contraire, il est en rapport étroit avec leur fonction et leur signification dans la vision du monde. Chacun doit se lire, disent les Dogon, comme une « parole ».

La vision du monde

Pour les Dogon animistes, un grand mythe cosmogonique raconte la création du monde par le dieu Amma. Deux jumeaux androgynes furent les premiers êtres créés. L'un, Nommo, maître de l'eau, de la fécondité et de la parole, fut sacrifié pour purifier la création perturbée par l'autre, Yourougou (le Renard pâle), révolté et incestueux, associé à la stérilité et à la mort. Nommo ressuscité descendit du ciel sur une arche portant quatre couples de jumeaux, ancêtres de l'humanité, et les animaux et végétaux destinés à peupler la terre. La lutte perpétuelle entre les deux principes contraires est le moteur de la marche du monde.

La notion de parole tient une place fondamentale dans la pensée dogon. La parole d'Amma a créé le monde. Au niveau terrestre, elle est fécondante, indissociable de la personne humaine dans laquelle elle se forme, et un rouage essentiel de la communication sociale. La tradition est garante de la survie du groupe. Une importante littérature orale, objet d'une recherche esthétique formelle, assure la transmission des modèles culturels. L'art de la parole a une influence bénéfique et fécondante sur la société.

La langue dogon, apparentée au groupe voltaïque, emprunte au mandé pour son lexique. Les termes cités ici dans une transcription simplifiée appartiennent au dialecte de la falaise toro so (région de Sanga).

Amma a mis dans chaque élément de la création un message destiné aux humains. C'est la « parole du monde » (aduno so), c'est-à-dire le symbole, base de la classification des êtres et des choses en « familles », réunies entre elles par un système de correspondances qui constituent une explication de l'Univers.

Cette lecture symbolique de leur environnement constitue une des clés de la vision du monde des Dogon. Chaque être ou objet, interprété comme porteur de sens, est mis en rapport avec les préoccupations fondamentales de la société dogon : survie par la fécondité, succession des générations, fertilité du sol. Cette interprétation symbolique permet de comprendre la fonction et la signification de l'art.

La sculpture

L'art dogon est surtout connu pour ses sculptures. Les sculpteurs sont généralement les forgerons, sauf en ce qui concerne les masques, autrefois taillés par leurs porteurs. Beaucoup de ces œuvres sont liées à des institutions religieuses. D'autres sont des objets fonctionnels, mais ils sont décorés, leur facture est soignée et on les juge également « beaux » (ezu, terme signifiant aussi « bon »).

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art
  • : agrégée de grammaire, docteur ès lettres, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.
  • : anthropologue, chercheur au C.N.R.S.
  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain, membre titulaire de l'Académie royale des sciences d'outre-mer de Belgique
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Claire BOULLIER, Geneviève CALAME-GRIAULE, Michèle COQUET, Universalis et François NEYT. AFRIQUE NOIRE (Arts) - Aires et styles [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Masque kifwebe - crédits :  Bridgeman Images

Masque kifwebe

Tête, culture de Nok - crédits : Werner Forman Archive/ Bridgeman Images

Tête, culture de Nok

Voir aussi