Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

UNIVERSITÉ

La situation contemporaine

Depuis la fin des années soixante, les universités ont connu dans la plupart des pays de profondes transformations. Elles ont continué de subir les contrecoups d'un afflux d'étudiants sans précédent dans leur longue histoire. Cette croissance des effectifs s'est accompagnée d'une modification de la composition sociale et d'un changement de l'attente des demandeurs. En plusieurs pays, la loi a aussi modifié les institutions et introduit de nouveaux modes de gouvernement. Enfin, depuis 1973, la récession économique et le rétrécissement des débouchés offerts aux étudiants ont jeté le doute sur l'utilité de l'enseignement supérieur de type traditionnel, et les universités qui bénéficiaient d'un prestige et d'une autorité morale incontestables ont vu leur finalité remise en question et leur rentabilité pour la société contestée. Il est significatif que ces divers changements aient touché la plupart des nations développées : pareille simultanéité est une présomption qu'ils sont moins dus aux situations particulières qu'à des contraintes objectives et c'est aussi le signe qu'ils correspondent à des exigences nouvelles qui s'imposent à tous les pays.

Effectifs et débouchés

La croissance des effectifs, qui avait, dans les années soixante, submergé les établissements sous le nombre et fait craquer les cadres, s'est cependant nettement ralentie dès le début des années soixante-dix : de lui-même, le chiffre s'est stabilisé ; le renversement de conjoncture et l'incertitude qui pèse désormais sur les débouchés n'y sont pas étrangers. Pour la France, l'effectif global des étudiants est stationnaire autour de 900 000 ; soit un peu moins de 2 p. 100 de la population globale. Mais les conséquences de cette formidable poussée continuent de peser sur le fonctionnement des universités : dans les pays avancés, elles ont la charge d'une fraction de la jeunesse comprise entre 15 et 20 p. 100 d'une classe d'âge.

La démocratisation est allée de pair avec l'accroissement : à mesure que grandissait la proportion d'une classe d'âge à entrer à l'université, celle-ci recrutait dans des couches plus étendues. Sans être encore l'exacte reproduction de la société globale, la population étudiante n'est plus cette pyramide inversée qu'elle était auparavant : enfants de cadres moyens, d'employés, de petits fonctionnaires, de commerçants modestes y ont fait irruption. Cette mutation de la clientèle a modifié ses attentes : les nouvelles générations sont moins intéressées par l'acquisition d'une culture générale que préoccupées d'obtenir un diplôme qui leur assure un emploi et leur garantisse une position sociale. Et cela au moment même où l'évolution du marché de l'emploi restreint les débouchés. La substitution d'une attente d'ordre social à la demande intellectuelle traditionnelle a de grandes conséquences : elle contraint les universités, sous la pression conjointe des étudiants et de leurs familles, des employeurs, des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds, à faire une place croissante aux filières pratiques ; les universités sont ainsi l'objet d'un processus de professionnalisation qui les rapproche des écoles.

La concomitance contradictoire entre l'afflux à l'entrée et la réduction des débouchés à la sortie pose aux universités et aux responsables politiques un grave problème : doit-on maintenir l'accès ouvert à tout titulaire d'un diplôme de fin d'études secondaires (baccalauréat ou ses équivalents, tel l'Abitur) ou convient-il de proportionner le nombre des admis au volume présumé des débouchés probables ? Dans la plupart des pays, par des mécanismes différents, la formule a prévalu[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : attachée de recherche au C.N.R.S.
  • : président de la Fondation nationale des sciences politiques
  • : directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (E.H.E.S.S.).

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY, Pascale GRUSON, René RÉMOND et Alain TOURAINE. UNIVERSITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NAISSANCE DE L'UNIVERSITÉ

    • Écrit par Christian HERMANSEN
    • 266 mots
    • 1 média

    La première université, celle qu'on appelle la « mère nourricière des études », Alma Mater studiorum, naît à Bologne au xie siècle. Certains maîtres de grammaire, de rhétorique et de dialectique (les arts libéraux du trivium hérité de l'Antiquité) entreprennent alors d'y...

  • ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine

    • Écrit par Michel EUDE, Alfred GROSSER
    • 26 883 mots
    • 39 médias
    Les universités allemandes sont beaucoup plus vivantes que celles de France. Elles sont nombreuses – une trentaine – et, aux xviie et xviiie siècles, les souverains des États qui se constituent veulent avoir leur université comme ils ont leur résidence ou leurs manufactures. Ainsi s'expliquent...
  • ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Histoire de l'archéologie

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 5 390 mots
    • 7 médias
    Les universités forment le troisième type d'institutions. Leur création par les États accompagne à la fois le développement des sciences et celui des États-nations qui doivent assurer la formation de leurs élites. C'est là que sont enseignées les disciplines les plus prestigieuses, l'archéologie gréco-romaine...
  • BERGER GASTON (1896-1960)

    • Écrit par Henry DUMÉRY
    • 724 mots

    Industriel, philosophe et administrateur, fondateur du Centre universitaire international et des centres de prospective, directeur des Études philosophiques. Ayant dû abandonner ses études à la fin de la classe de troisième, Gaston Berger les reprend volontairement à vingt-cinq ans et passe son...

  • BIBLIOMÉTRIE

    • Écrit par Ghislaine FILLIATREAU
    • 1 807 mots
    • 1 média
    ...diversité de situations d’évaluation. Au niveau international notamment, les indicateurs bibliométriques, longtemps cantonnés à un rôle dans l’analyse comparée des caractéristiques nationales des pays, sont maintenant utilisés pour étudier, voire classer, desuniversités et des centres de recherche.
  • Afficher les 46 références

Voir aussi