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ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) Histoire de l'archéologie

L'archéologie n'a pas suivi une trajectoire historique très différente de bien d'autres sciences. Née à la Renaissance, elle connaît du xvie au xviiie siècle une phase d'accumulation des connaissances et des matériaux – pour l'essentiel des objets d'art de l'Antiquité gréco-romaine. Puis au xixe siècle, de grands systèmes de description et de classement, principalement chronologiques, se mettent en place tandis que l'archéologie étend son champ d'investigation dans le temps (naissance de la préhistoire) et dans l'espace. Enfin, le xxe siècle voit la multiplication de nouvelles techniques d'analyse, de traitement et de datation ainsi que l'enrichissement constant des problématiques, tandis que l'autonomie épistémologique de la discipline ne cesse de croître. Toutefois, l'archéologie possède aussi ses spécificités propres. La moindre n'est pas d'assister à l'érosion continue de ce qui constitue son objet même d'étude, avec la destruction croissante des sites archéologiques par les travaux de construction et d'aménagement. Son rôle dans la construction et l'entretien des identités nationales pose de constantes questions d'éthique aux archéologues, qui doivent aussi assurer la diffusion de leurs connaissances auprès du grand public, attentif et souvent passionné par leurs découvertes.

Les origines : Babylone et Rome

Tablette cunéiforme, royaume d'Ougarit - crédits : De Agostini

Tablette cunéiforme, royaume d'Ougarit

Toutes les sociétés humaines se sont dotées de mythes d'origine qui appuient presque toujours leur authenticité sur des objets matériels montrés aux croyants, soit lors de cérémonies initiatiques, soit à la foule des fidèles – qu'on pense par exemple au culte des reliques présent dans la plupart des grandes religions actuelles. Ce double ancrage dans le réel et le sacré est bien attesté par les premiers textes « archéologiques » connus, ceux de rois babyloniens qui ont découvert les restes de temples anciens et les ont restaurés. C'est le cas de Nabuchodonosor et surtout de son successeur, Nabonide, dernier roi de Babylone, de 555 à 539 avant notre ère. Ce souverain fit inscrire dans l'argile le récit de la redécouverte, à Larsa, du temple du dieu Shamash, construit vers 1700 ans avant notre ère par le roi Hammourabi, et celui de sa restauration. Le texte indique clairement qu'il s'agit de restaurer le temple « à l'antique », mais aussi que cette opération est idéologique. Elle situe matériellement la gloire du roi présent dans la lignée de celle de ses prédécesseurs, dont ne subsistaient plus que la mémoire et les textes écrits. Nabuchodonosor lui-même avait accumulé dans une salle de son palais une sorte de « musée » où étaient rassemblés, à des fins sans doute plus idéologiques qu'esthétiques, des statues et des tablettes inscrites remontant parfois à deux millénaires.

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

Ce n'est qu'avec la sécularisation de la connaissance, à la Renaissance, qu'apparaît l'archéologie au sens moderne. Durant tout le Moyen Âge, l'Antiquité classique, dont le souvenir demeure par certaines traces, sert encore au prestige : Charlemagne se faisait ainsi représenter sur ses monnaies en empereur romain, et il avait récupéré à Rome statues et colonnes pour orner son palais d'Aix-la-Chapelle. Néanmoins, après le sac de Rome (410), monuments et textes antiques avaient pour l'essentiel été oubliés, quand ils n'avaient pas été détruits. Avec la Renaissance, la redécouverte de la civilisation gréco-romaine par les humanistes accompagne les grands travaux d'aménagement dans les villes, la plupart du temps établies sur des cités antiques. À Rome tout particulièrement, les papes urbanistes et architectes portent un vif intérêt aux découvertes qui émaillent ces travaux. La mise au jour, en 1506 sur l'Esquilin, de statues en marbre représentant le prêtre troyen Laocoon[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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Tablette cunéiforme, royaume d'Ougarit - crédits : De Agostini

Tablette cunéiforme, royaume d'Ougarit

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

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Fresques mythologiques, sacellum des Augustales, Herculanum

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