Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TEXTE THÉORIE DU

La théorie du texte

Le langage dont on décide de se servir pour définir le texte n'est pas indifférent, car il appartient à la théorie du texte de mettre en crise toute énonciation, y compris la sienne propre : la théorie du texte est immédiatement critique de tout métalangage, révision du discours de la scientificité – et c'est en cela qu'elle postule une véritable mutation scientifique, les sciences humaines n'ayant jamais jusqu'ici mis en question leur propre langage, considéré par elles comme un simple instrument ou une pure transparence. Le texte est un fragment de langage placé lui-même dans une perspective de langages. Communiquer quelque savoir ou quelque réflexion théorique sur le texte suppose donc qu'on rejoigne soi-même, d'une façon ou d'une autre, la pratique textuelle. La théorie du texte peut certes s'énoncer sur le mode d'un discours scientifique cohérent et neutre, mais du moins est-ce alors à titre circonstantiel et didactique ; à côté de ce mode d'exposition, on rangera de plein droit dans la théorie du texte la variété très grande des textes (quel qu'en soit le genre, et sous quelque forme que ce soit), qui traitent de la réflexivité du langage et du circuit d'énonciation : le texte peut s'approcher par définition, mais aussi (et peut-être surtout) par métaphore.

La définition du texte a été élaborée à des fins épistémologiques, principalement par Julia Kristeva : « Nous définissons le Texte comme un appareil translinguistique qui redistribue l'ordre de la langue en mettant en relation une parole communicative visant l'information directe avec différents énoncés antérieurs ou synchroniques » ; c'est à Julia Kristeva que l'on doit les principaux concepts théoriques qui sont implicitement présents dans cette définition : pratiques signifiantes, productivité, signifiance, phéno-texte et géno-texte, inter-textualité.

Pratiques signifiantes

Le texte est une pratique signifiante, privilégiée par la sémiologie parce que le travail par quoi se produit la rencontre du sujet et de la langue y est exemplaire : c'est la « fonction » du texte que de « théâtraliser » en quelque sorte ce travail. Qu'est-ce qu'une pratique signifiante ? C'est d'abord un système signifiant différencié, tributaire d'une typologie des significations (et non d'une matrice universelle du signe) ; cette exigence de différenciation avait été posée par l'école de Prague ; elle implique que la signification ne se produit pas de la même façon non seulement selon la matière du signifiant (cette diversité fonde la sémiologie), mais aussi selon le pluriel qui fait le sujet énonciateur (dont l'énonciation – instable – se fait toujours sous le regard – sous le discours – de l'Autre). C'est ensuite une pratique ; cela veut dire que la signification se produit, non au niveau d'une abstraction (la langue), telle que l'avait postulée Saussure, mais au gré d'une opération, d'un travail dans lequel s'investissent à la fois et d'un seul mouvement le débat du sujet et de l'Autre et le contexte social. La notion de pratique signifiante restitue au langage son énergie active ; mais l'acte qu'elle implique (et c'est en cela qu'il y a mutation épistémologique) n'est pas un acte d'entendement (déjà décrit par les stoïciens et la philosophie cartésienne) : le sujet n'y a plus la belle unité du cogito cartésien ; c'est un sujet pluriel, dont seule jusqu'à ce jour la psychanalyse a pu approcher. Nul ne peut prétendre réduire la communication à la simplicité du schéma classique postulé par la linguistique : émetteur, canal, récepteur, sauf à s'appuyer implicitement sur une métaphysique du sujet classique ou sur un [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Roland BARTHES. TEXTE THÉORIE DU [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART POUR L'ART

    • Écrit par Florence FILIPPI
    • 1 084 mots

    L'histoire littéraire tend à confondre l'art pour l'art et le cénacle poétique constitué autour de la revue Le Parnasse contemporain (1866) et consacré près de trente ans plus tard, en 1893, par la parution des Trophées de José Maria Heredia. Pourtant, l'idée que l'œuvre...

  • AUTOBIOGRAPHIE

    • Écrit par Daniel OSTER
    • 7 517 mots
    • 5 médias
    Il semble pourtant possible à certains, par-delà l'intervalle, de rechercher l'image d'une autre coïncidence.Si tout signifiant peut être considéré comme « mis à la place » de je, l'écriture sera nécessairement saturée d'autobiographisme. Les perturbations que subit le sujet livrent ses...
  • BAKHTINE MIKHAÏL MIKHAÏLOVITCH (1895-1975)

    • Écrit par François POIRIÉ
    • 1 060 mots

    Né à Orel (Russie) dans une famille de vieille noblesse dont plusieurs membres illustrèrent l'histoire et la culture russes, Mikhaïl Bakhtine fait ses études secondaires au lycée d'Odessa. En 1913, il entre à la faculté d'histoire et de philologie de l'université de Novorossiisk (aujourd'hui université...

  • BARTHES ROLAND (1915-1980)

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 4 712 mots
    • 1 média
    ...générateur d'un discours métaphorique et subjectif, bref d'une écriture. « La pratique d'une écriture textuelle, dit Barthes, est la véritable assomption de la théorie du texte. » Entendons qu'il désigne ainsi la mutation personnelle qui l'a changé d'un simple « intellectuel » en un des « écrivains » les plus...
  • Afficher les 40 références

Voir aussi