Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PRINTEMPS ARABE ou RÉVOLUTIONS ARABES

Le monde arabe est fortement ébranlé en 2011 par un mouvement de nature inédite issu des sociétés qui contestent les modalités de gouvernement autoritaire auxquelles elles sont soumises depuis des décennies. Parti de Tunisie, ce mouvement gagne rapidement l' Égypte, puis plusieurs pays du Maghreb et du Moyen-Orient. L'incertitude règne encore quant à l'issue des changements, soit que les régimes aient réussi à désamorcer la contestation en faisant des concessions pour maintenir à tout prix la paix sociale (Maroc, Algérie, Arabie Saoudite, Oman, Koweït), soit qu'ils aient exercé une répression féroce (Bahreïn, Syrie, Yémen), soit qu'ils aient été abattus par la contestation de la rue (Tunisie, Égypte) ou au prix d'une coûteuse guerre civile (Libye). Les dynamiques mises en œuvre relèvent avant tout de la politique interne aux États concernés, mais elles ne manqueront pas d'avoir des conséquences régionales, voire internationales, importantes.

Un passé autoritaire interprété comme une exception arabe

Les mouvements qui éclatent au tournant de 2010-2011 en Tunisie puis dans d'autres pays ne se comprennent qu'en regard d'un long passé autoritaire dans le monde arabe, qui continuera de peser sur l'avenir, même dans les pays où le régime s'est effondré et où des processus de démocratisation sont en œuvre.

La politique confisquée par des régimes autoritaires

Depuis les années 1970, le monde arabe se caractérise par une atonie des régimes en place, alors que les décennies précédentes avaient été riches en bouleversements politiques (coups d'État, remplacement de monarchies par des républiques...). Dans cette période clé des années 1970, des pouvoirs autoritaires s'installent pour des dizaines d'années, les décisions importantes étant accaparées par un clan qui écarte les sociétés de toute participation institutionnelle (élections, partis, syndicats, associations...). Même les républiques, fondées par des militaires « progressistes » arrivés au pouvoir à la faveur d'un coup d'État, en viennent à organiser des successions dynastiques au sommet de l'État : en Syrie en 2000, en préparation en Égypte avant le départ forcé d'Hosni Moubarak, en Irak (sous Saddam Hussein avant 2003), en Libye, au Yémen. En Tunisie, en 2009, le président Zine el-Abidine Ben Ali envisageait déjà une nouvelle candidature, alors même qu'il venait d'être réélu triomphalement pour un cinquième mandat. Un tel constat amène à parler d'une exception autoritaire arabe, le monde arabe – et non le monde islamique – semblant rester à l'écart d'une vague de démocratisation qui, dans les années 1980 et 1990, a touché l'Amérique latine (fin des dictatures militaires) puis l'Europe de l'Est (fin du communisme).

Cet accaparement du pouvoir par des groupes restreints n'a rien de culturel, contrairement à l'argument répandu selon lequel le monde arabe, qui n'a jamais connu la démocratie, ne serait pas prêt pour celle-ci. Il n'est pas lié à certains traits de l'arabité (qui aurait créé une acceptation de la soumission politique) ou de l'islam (qui aurait promu une légitimité du pouvoir en place quelle que soit sa nature). Il est lié à des facteurs fondamentalement politiques, comme le démontre la teneur générique des slogans scandés lors des mouvements de 2011 (« dégage », « le peuple veut la chute du régime », liberté, dignité...). Les jeux politiques sont confisqués par des groupes dirigeants qui utilisent, d'une part, l'appareil d'État et ses ressources pour se maintenir au pouvoir – et se constituer une assise sociale plus large que la clique dirigeante stricte, par des pratiques patrimoniales de clientélisation au sein de l'administration et du tissu économique –, et, d'autre part, un appareil répressif pléthorique pour[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Philippe DROZ-VINCENT. PRINTEMPS ARABE ou RÉVOLUTIONS ARABES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PRINTEMPS ARABE, en bref

    • Écrit par Universalis
    • 339 mots

    Né en Tunisie à la fin de 2010, un mouvement inédit de contestation s'est rapidement propagé durant le printemps de 2011 à d'autres pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Durant ce « printemps arabe », les populations protestent à la fois contre la pauvreté et le chômage et contre la tyrannie et la...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    L’Algérie n’échappe pas au tsunami révolutionnaire du monde arabe en 2011. Mais la révolte y est tuée dans l’œuf par une politique de répression et de compensations financières. L’État subventionne tous les produits de base pour qu’ils soient accessibles à une population en majorité modeste. Toute...
  • ARABIE SAOUDITE

    • Écrit par Philippe DROZ-VINCENT, Universalis, Ghassan SALAMÉ
    • 25 169 mots
    • 10 médias
    Les « printemps arabes », dont la vague commence en Tunisie en décembre 2010, ont d'abord pour origine des contestations internes adressées par les sociétés à leurs régimes autoritaires respectifs, autour de revendications de dignité (karama) et de liberté (huriyya). Mais il n'y a pas...
  • ASSAD BACHAR AL- (1965- )

    • Écrit par Philippe DROZ-VINCENT, Universalis
    • 2 018 mots
    • 1 média

    Président de la République arabe syrienne depuis 2000, Bachar al-Assad, né en septembre 1965, est resté longtemps à l'écart des cercles de pouvoir. Son père, le président Hafez al-Assad, traumatisé au début des années 1980 par les conflits de succession frisant la guerre civile au cœur même du régime...

  • BAHREÏN

    • Écrit par André BOURGEY, Universalis, Laurence LOUËR
    • 4 896 mots
    • 4 médias
    C'est dans ce contexte particulier qu'éclate le soulèvement du 14 février 2011, directement lié à la vague de protestation du « printemps arabe » partie de Tunisie et d'Égypte. Le régime hésite entre la répression et la négociation mais, après avoir entamé des pourparlers avec al-Wifaq portant...
  • Afficher les 24 références

Voir aussi