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POLYCHROMIE, histoire de l'art

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Rome et l’héritage grec

Les Romains, en reprenant en partie l’héritage grec (mais aussi étrusque), ont conservé et renouvelé cette tradition polychrome.

De somptueuses demeures

Les sites de Pompéi et d’ Herculanum, ensevelis après l’éruption du Vésuve (79 apr. J.-C.), permettent d’étudier l’habitat des Romains. Leurs édifices publics et leurs maisons possédaient un décor polychrome : au sol, des pavements de marbres colorés ou des mosaïques, qui investissent aussi les murs et les niches ; sur les parois et les plafonds, un décor peint richement coloré ; sur le mobilier, un travail de marqueterie raffiné. Les statues ne faisaient pas exception : en témoigne une tête d’Amazone en marbre, découverte en 2006 à Herculanum, dont les cheveux, les yeux et les cils étaient rehaussés de peinture.

Villa d'Oplontis, près de Pompéi, Italie - crédits : A. Barbet

Villa d'Oplontis, près de Pompéi, Italie

Maison de l'atrium, Herculanum - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Maison de l'atrium, Herculanum

Le modèle grec

À partir du iie siècle av. J.-C., l’arrivée à Rome de peintures et de statues grecques et la confection de copies contribuent à faire de la tradition hellénique un modèle. On assiste ainsi au développement des collections privées, qui s’enrichissent au fil des siècles. On ignore cependant si les Romains étaient sensibles à la polychromie des œuvres grecques, qui commençaient déjà à perdre leurs couleurs d’origine : les statues en marbre blanchissaient et celles en bronze se couvraient d’une patine vert foncé. Ce fut sans doute l’une des premières étapes dans la décoloration de l’art grec, et il est possible que le goût pour l’Antique ait commencé à être associé à la monochromie et à la valorisation de la blancheur marmoréenne, notamment sous le règne de l’empereur philhellène Hadrien (iie siècle apr. J.-C.).

Les couleurs au service du pouvoir impérial

L’art officiel romain continuait cependant de recourir aux couleurs. Le rôle politique de la polychromie s’est affirmé lors de l’instauration du principat, au tournant de notre ère : Auguste a mis l’art au service de sa propre glorification. Il s’est vanté d’avoir couvert Rome de marbres – colorés – et a envoyé dans les provinces de nombreux portraits sculptés et peints. Les empereurs suivants l’imitèrent.

Version polychrome de la statue d’Auguste, dite de Prima Porta - crédits : Avec l'autorisation du Musée du Vatican, Rome

Version polychrome de la statue d’Auguste, dite de Prima Porta

La statue d’Auguste, dite de Prima Porta, en marbre de Paros, a été commanditée par Livie après la mort de son époux (14 apr. J.-C.) et réalisée à partir d’un original en bronze. Lors de sa découverte en 1863, la polychromie était encore visible ; elle a fait l’objet d’analyses par l’archéologue italien Paolo Liverani (2005). Auguste porte une cuirasse décorée de figures en relief, rehaussées de rouge vif (cinabre) et de bleu égyptien. Autour de sa taille s’enroule le manteau associé au commandement militaire, de couleur pourpre – rendue par une laque d’origine organique (peut-être de la garance). On n’a pas retrouvé de trace de pigment sur la peau, ce qui laisse supposer que le peintre avait laissé à la carnation une blancheur marmoréenne, sans doute pour créer un écart avec la réalité et héroïser le princeps défunt. Des traces de repeints suggèrent en outre que l’effigie a fait l’objet d’un entretien régulier destiné à maintenir l’éclat de sa polychromie.

Tête de Caligula et sa version polychrome - crédits : A.C. Gonzalez/ NY Carlsberg Glyptotek, Copenhague

Tête de Caligula et sa version polychrome

Les analyses de la tête de l’empereur Caligula (37-41 apr. J.-C.), conservée à la glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague, ont révélé que toute la surface de marbre était enduite de couleurs, y compris la peau. Le volume des boucles de la chevelure était rendu par un jeu de touches colorées destinées à en moduler la teinte. Il s’agissait ici de créer un portrait plus réaliste, dans la tradition du vérisme républicain : l’effigie a sans doute été réalisée du vivant de l’empereur. Ces deux exemples montrent qu’ont coexisté deux formes de polychromie pour les portraits impériaux : l’une idéaliste et l’autre plus naturaliste.

Les marbres polychromes

Les conquêtes en Méditerranée donnent accès à une large gamme[...]

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Écrit par

  • : agrégée d'histoire, maître de conférences en histoire grecque à l'université de Toulouse-II-Le Mirail

Classification

Pour citer cet article

Adeline GRAND-CLÉMENT. POLYCHROMIE, histoire de l'art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Médias

Dame d'Auxerre, art dédalique - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Dame d'Auxerre, art dédalique

Korè de l’Acropole d’Athènes - crédits : A. Grand-Clément

Korè de l’Acropole d’Athènes

Aurige de Delphes - crédits : Albert Ceolan/ De Agostini/ Getty Images

Aurige de Delphes

Autres références

  • ACROPOLE D'ATHÈNES

    • Écrit par
    • 8 215 mots
    • 9 médias
    ...590, on l'observe également au fronton du temple d'Artémis à Corfou. Quoi qu'il en soit, ces fragments, d'un calcaire tendre qui appelle la polychromie et la retient plus que le marbre, sont pour nous les plus précieux témoins de la sculpture grecque à ses débuts, lorsque, échappant au petit...
  • ARCHIPENKO ALEXANDRE (1887-1964)

    • Écrit par
    • 337 mots

    Artiste américain d'origine ukrainienne. Après un passage à l'école d'art de Kiev, sa ville natale, où, de 1902 à 1905, il étudie la peinture puis la sculpture, et un séjour à Moscou, où il poursuit ses études, Archipenko s'installe à Paris en 1908.

    L'enseignement...

  • ART & SCIENCES

    • Écrit par
    • 6 165 mots
    • 3 médias
    ...main, parfois les hésitations et les erreurs des artisans ou des artistes. Elle rend sensible aussi les étapes fonctionnelles qu'ont connues ces œuvres. Par exemple les statues polychromes des églises, objets de culte fervents, ont souvent été repeintes pour maintenir leur aspect rutilant. Les choix des...
  • BAROQUE

    • Écrit par , et
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...sculpture plateresque déployant ses raffinements et ses ciselures, tout contre la sévérité massive des murs nus ; dans l'imagerie populaire, les figures polychromes de la Vierge, du Christ et des saints, où la souffrance physique et la douleur de l'âme sont traduites par un réalisme hallucinant, composaient...
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