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LYONNAIS POÈTES

La ville de Lyon a connu un remarquable essor au xvie siècle. La faveur royale avait donné une nouvelle impulsion au commerce ; et, du point de vue militaire, Lyon a joui d'une situation privilégiée pendant les guerres d'Italie. Des artisans venus de l'étranger profitaient à la région. L' imprimerie, surtout, était en pleine expansion : non seulement les presses étaient légion, mais les imprimeurs publiaient en italien et en espagnol, aussi bien qu'en latin et en français. Ainsi, parmi les auteurs italiens, remarque-t-on Dante, Pétrarque, Alamanni, l'Arioste. En outre, on s'intéressait alors à l'illustration et aux emblèmes, à l'archéologie, aux antiquités et à l'histoire locale. Enfin, Lyon avait l'avantage de n'avoir ni parlement ni université, à la différence de Paris qui, pendant une bonne partie du règne de François Ier, vit souvent d'un mauvais œil les nouveaux courants religieux et humanistes.

Une ville humaniste

Lyon jouissait d'une culture locale déjà solidement établie, et la proximité de l'Italie facilitait la pénétration des idées de la Renaissance dans une ville dont la population était dans une grande mesure d'origine italienne. Symphorien Champier (1471 ?-1539), qui se rattachait par certains côtés aux rhétoriqueurs, avait beaucoup fait pour acclimater le platonisme ficinien, et les poètes des années 1540 et 1550 surent à leur tour harmoniser des éléments du Moyen Âge finissant et de la Renaissance. Lyon restait aussi un carrefour poétique : de nombreuses personnalités passaient quelque temps dans la ville et y faisaient souvent imprimer leurs ouvrages qui influençaient à leur tour la Renaissance lyonnaise (ainsi en alla-t-il pour Rabelais, Fontaine, Des Périers, Marot...). Des humanistes d'avant-garde fuyaient les centres moins tolérants : ils se déplaçaient en quête d'un emploi plus satisfaisant, devenaient correcteurs ou précepteurs, et songeaient souvent à faire le voyage d'Italie. Ils étaient en relation avec d'autres humanistes à Vienne, Valence, Carpentras, Avignon ; et, s'il manquait à la ville une université, le collège de la Trinité avait été, lui, fondé en 1527. Il avait pour directeur Barthélemy Aneau. Cet humaniste lyonnais, qui attirait des hommes de valeur et cherchait à introduire une pédagogie plus à jour, était lui-même un écrivain intéressant : il a joué un rôle utile dans l'évolution de la littérature emblématique.

C'est le juriste italien André Alciat qui a inventé ce genre : la première édition de ses Emblemata remonte à 1531 ; d'autres sont sorties par la suite des presses parisiennes ; mais dès 1544 Lyon devient un des centres de la poésie emblématique et didactique. Aneau lui-même traduit les Emblemata, et publie en 1551 sa Picta Poesis, accompagnée de la traduction française (Imagination poétique). La poésie emblématique se confond quelque peu avec les vers gnomiques, souvent composés par quatrains (voir par exemple Jean Girard, Pierre Cousteau [Costalius], J. Paradin, G. de La Perrière) ; mais elle peut déteindre aussi sur la poésie amoureuse de Maurice Scève (Délie, 1544). Lyon a bénéficié de cette vogue en partie parce que bon nombre des imprimeurs se spécialisaient alors dans l'illustration.

Au début de la Renaissance, la littérature évolue souvent sous l'égide de la poésie néo-latine, qui peut charrier des éléments classiques aussi bien qu'étrangers ; des poètes de premier plan ont écrit en latin et en vulgaire (Du Bellay, Pétrarque). Ce fut le cas à Lyon, où un groupe de poètes néo-latins se constitua pendant les années 1536-1538 sous la direction initiale d' Étienne Dolet, qui n'était pas encore le défenseur de la langue maternelle. Ce sodalitium lugdunense avait pour membres (ou sympathisants) Nicolas[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université d'Oxford, fellow de Wadham College

Classification

Pour citer cet article

Ian Dalrymple McFARLANE. LYONNAIS POÈTES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DÉLIE, Maurice Scève - Fiche de lecture

    • Écrit par Yvonne BELLENGER
    • 825 mots

    Délie objet de plus haute vertu parut en 1544 à Lyon. C'était le premier canzoniere, c'est-à-dire le premier recueil de poèmes amoureux à la manière de Pétrarque publié en France.

  • HÉROËT ANTOINE (1492 env.-1568)

    • Écrit par Bernard CROQUETTE
    • 274 mots

    L'un des poètes les plus importants de l'école lyonnaise. Heroët a une situation de poète officiel et, à ce titre, écrit plusieurs pièces de circonstance, en particulier l'épitaphe de Louise de Savoie et plus tard celle de Marguerite de Navarre, avant d'entrer dans la vie ecclésiastique...

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.

    • Écrit par Frank LESTRINGANT
    • 6 760 mots
    • 3 médias
    La seconde époque est celle de l’école lyonnaise. Seconde ville du royaume, ou troisième en concurrence avec Rouen, Lyon abrite une importante communauté italienne. Des livres italiens y sont imprimés, de la musique italienne y est composée. Son principal représentant est Maurice Scève (1501...
  • PÉTRARQUE (1304-1374)

    • Écrit par Vittore BRANCA, Françoise JOUKOVSKY
    • 5 478 mots
    • 1 média
    ...esthète heureux, comblé par les aubes et les printemps de l'Anjou, dans les paysages du fantasme. Parallèlement, il opte pour un style un peu plus simple. D'autres poètes au contraire ont préféré un pétrarquisme plus abstrait, en particulier les écrivains de l'école lyonnaise, Scève et Tyard. Les ...

Voir aussi