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DOLET ÉTIENNE (1509-1546)

Après avoir fait à Paris des humanités classiques très soignées, Étienne Dolet entreprend le traditionnel tour des universités européennes, notamment à Padoue, qui est l'un des centres les plus réputés de l'humanisme italien avec une forte coloration épicurienne. Après un passage à Toulouse (droit), où son éloquence fait des ravages dans les milieux estudiantins, il se fixe à Lyon auprès de l'un des plus grands imprimeurs du siècle, Gryphius (Sébastien Gryphe). Dès lors, il mène conjointement un travail de philologue érudit et d'imprimeur, correcteur et lecteur d'épreuves. Il rédige les Commentaires de la langue latine, énorme compilation d'étymologies, de racines et d'élucubrations parfois saugrenues, constituant l'un des premiers lexiques étymologiques pour le latin. Bourré de notes et de digressions, c'est un livre de travail, à lire à loisir, et qui ne manque pas d'intérêt.

Cependant, la vie agitée de Dolet semble mal s'accorder avec le métier austère et calme qu'il s'est choisi : à Lyon, il commet notamment, de manière semble-t-il accidentelle, un meurtre qui inaugure la longue série de ses déboires avec l'autorité ; il s'enfuit à Paris, obtient sa grâce de François Ier lui-même, retourne à Lyon, où il n'en est pas moins jeté en prison, pour ne retrouver sa liberté qu'après nombre de requêtes auprès du cardinal de Tournon. Il s'installe alors imprimeur à son compte et publie, outre Galien, Rabelais et Marot ; ce qui ne manque pas d'attirer sur lui l'attention de la censure ecclésiastique : après la publication du Manuel du chevalier chrétien d'Érasme, livre convaincu d'hérésie, il est incarcéré à la demande de l'Inquisition. Il passe quatre années, de 1542 à 1546, à s'évader pour être repris ; enfin, il est conduit à la Conciergerie, où il écrit en vers le Cantique d'Estienne Dolet, l'an 1546, sur sa désolation et sa consolation ; le 3 août 1546, ce curieux homme est brûlé vif avec ses livres place Maubert à Paris. On raconte qu'en allant au bûcher Dolet aurait fait le jeu de mots suivant : Non dolet ipse Dolet, sed pro ratione dolet (Dolet ne s'afflige pas sur lui-même, mais s'afflige pour la raison).

À côté des Carmina, recueil de vers latins contenant notamment de virulentes épigrammes sur les moines et les superstitions, l'un des textes les plus clairs et les plus courts que Dolet ait écrits s'intitule La Manière de bien traduire d'une langue en autre (1540), et constitue, avant la Défense et illustration de Du Bellay, un vibrant appel à tous les écrivains pour qu'ils utilisent leur langue maternelle plutôt que le latin, afin que les « étrangers ne nous appellent plus barbares ».

— Jean-Yves POUILLOUX

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé des lettres classiques, maître de conférences en littérature française à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Jean-Yves POUILLOUX. DOLET ÉTIENNE (1509-1546) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LYONNAIS POÈTES

    • Écrit par Ian Dalrymple McFARLANE
    • 2 111 mots
    ...(Du Bellay, Pétrarque). Ce fut le cas à Lyon, où un groupe de poètes néo-latins se constitua pendant les années 1536-1538 sous la direction initiale d' Étienne Dolet, qui n'était pas encore le défenseur de la langue maternelle. Ce sodalitium lugdunense avait pour membres (ou sympathisants) Nicolas...
  • MAROT CLÉMENT (1496-1544)

    • Écrit par Pierre JOURDA
    • 1 505 mots
    • 1 média
    ...satire de la littérature française moderne. Toujours aussi indépendant, il traduit et publie la traduction de trente Psaumes (1541). Cette tentative audacieuse, accentuée par la publication, par Étienne Dolet, de L'Enfer, a de quoi provoquer la colère des autorités religieuses et judiciaires.

Voir aussi