MONACHISME
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Le monachisme en islam
Lā rahbāniyya fī l-islām, « pas de monachisme en islam » : ce hadīth (parole attribuée au Prophète), à l'authenticité d'ailleurs discutée, conduisit des islamisants occidentaux à affirmer l'absence de toute vie « monastique » dans le monde musulman. De fait, tout croyant doit être un « remis à Dieu » (muslim) dans sa vie personnelle, familiale et sociale ; la distinction entre préceptes et conseils (évangéliques), qui fonde l'état religieux dans les Églises chrétiennes, ne saurait ici s'appliquer. L'islam officiel n'organisa jamais une institution monastique comme telle.
Cependant, la rahbāniyya, entendue comme continence et solitude, ne fut point rare. Un texte du Coran (lvii, 27) la loue chez les disciples de « Jésus, fils de Marie ». Ajoutons que la chasteté temporaire est requise des pèlerins de la Mekke et que la retraite en solitude (i‘tikāf) est recommandée par les ouvrages de jurisprudence. Des dévots s'adonnèrent à l'une et à l'autre. « La vie monastique arabe, écrit Louis Massignon, est fondée sur un vœu de chasteté et un vœu de clôture. » Il convient d'examiner quels témoignages on en trouve au cours de l'histoire.
Aux premiers siècles de l'islam
Dès les tout premiers siècles de l'hégire, des ascètes, vivant parfois en solitude, et parfois « au milieu du monde », se consacrèrent aux « exercices spirituels ». Le début du ṣūfisme (sommairement : mystique musulmane) fut marqué par la recherche d'un « genre de vie » qui se réclamait volontiers du Jésus coranique, dans une volonté de totale remise à Dieu (islām), de culte « pur » offert à Dieu (ikhlāṣ), de vie en présence de Dieu (iḥsān). Il ne s'agit donc point d'une institution monastique au sens strict, mais d'un désir de perfection intérieure. C'est le sens premier de ṭarīqa ou « voie (spirituelle) ». À l'ordinaire, ces « assoiffés de Dieu » se distinguaient par leur habit de laine (ṣūf) ; certains se plurent à adopter la muraqqa‘a, l'habit « rapiécé » des errants, fait de morceaux disparates. Assez vite se constituèrent des compagnies de ṣūfī, soit vivant ensemble, soit se réunissant fréquemment, en particulier pour la récitation des wird et des dhikr, prières invocatoires et « litanies » inlassablement répétées. Il y eut aussi des isolés (des moines au sens premier du mot), ermites ou vagabonds. L'histoire du ṣūfisme en fournirait maint exemple. Citons, au iie siècle de l'hégire, le cas bien connu de Rābi‘a, la joueuse de flûte convertie, intégrée dans les groupes de ṣūfī de Baṣra, où elle fut plus tard entourée de disciples. Selon une tradition, elle aurait vécu en ermite les dernières années de son existence.
À vrai dire, ces différents « genres de vie » ne furent pas toujours sans prêter à des outrances. Des annales d'époque sont sévères pour la moralité de divers cercles ṣūfī de Baghdād. On peut y voir l'une des raisons de l'opposition, au iiie siècle de l'hégire, de l'islam officiel à l'égard de la mystique. Au siècle suivant se multiplient des ouvrages didactiques consacrés à la doctrine et aux expériences des ṣūfīs les plus notables du passé, dont ils s'attachaient à montrer la parfaite orthodoxie.
Les confréries (ṭuruq)
À partir des xiie et xiiie siècles, aux cercles ou compagnies spontanés des débuts succédèrent des confréries constituées, les ṭuruq (singulier ṭarīqa). Le terme, on l'a vu, signifie d'abord route, voie. Il en vint à désigner une organisation de vie commune (mu‘āshara) « fondée sur des séries de règles spéciales s'ajoutant aux observances ordinaires de l'islam » (L. Massignon). Les ṭuruq peuvent évoquer, analogiquement, une institution monastique. Elles en diffèrent cependant. Les adeptes, liés au fondateur par une chaîne ininterrompue de « transmetteurs », reçoivent devant témoins une « initiation » orientée vers la recherche d'« états spirituels » (aḥwāl). Quelques-uns vivent pour un temps, ou pour de longues années, voire jusqu'à leur mort, dans des sortes de monastères appelés zāwiya au Maghrib, et de préférence khānqā (terme d'origine persane) en Orient ; la plupart gardent leur vie familiale et sociale et se réunissent régulièrement sous la direction de « maîtres » dans les centres de la confrérie, parfois dans les mosquées. Certaines zāwiya ou khānqā prirent l'aspect d'ordres militaires : ce sont les ribāṭ fortifiées (en Afrique du Nord surtout) o [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 19 pages
Écrit par :
- André BAREAU : professeur au Collège de France, chaire d'étude du bouddhisme
- Guy BUGAULT : professeur émérite de philosophie indienne à l'université de Paris-Sorbonne
- Jacques DUBOIS : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
- Louis GARDET : ancien professeur au collège philosophique et théologique de Toulouse, co-directeur de la collection Études musulmanes, collaborateur de l'Encyclopédie l'Islam
- Jean GOUILLARD : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
Classification
Autres références
« MONACHISME » est également traité dans :
ABBAYE
L'abbaye est un monastère gouverné par un abbé (lat. abbas , du syriaque abba = père), peuplé de moines ou de chanoines réguliers. (Les abbayes de moniales sont gouvernées par une abbesse.) Parmi les premiers, les trois familles essentielles sont actuellement celles des bénédictins, des cisterciens et des chartreux – bien que ceux-ci n'aient ni abbaye ni abbé stricto sensu – auxquelles s'ajoutai […] Lire la suite
ABBÉ
Le mot abbé vient vraisemblablement du syriaque abba , signifiant père, où il traduisait le respect porté à un dignitaire de la société civile ou religieuse. Du syriaque le mot passa, vers le III e siècle, dans la langue du monachisme ancien de l'Orient chrétien. On est alors en présence de deux types d'abbés. Il y a d'abord ces ermites, retirés dans les déserts égyptiens, à qui, en raison de leu […] Lire la suite
ABBON DE FLEURY saint (945-1004)
Né dans l'Orléanais, Abbon, encore enfant, est offert par ses parents au monastère bénédictin de Fleury (aujourd'hui Saint-Benoît-sur-Loire) où il vient enseigner après avoir étudié à Paris et à Reims. Appelé à diriger l'école abbatiale de Ramsay (Yorkshire), il revient à Fleury pour en être bientôt élu abbé (988). Son œuvre se confond, dès lors, avec son effort pour la réforme de l'Église. Il lut […] Lire la suite
AELRED DE RIEVAUX (1099 env.-1166)
Moine et abbé cistercien, né à Hexham, Aelred (ou Ailred) vécut à la cour du roi David d'Écosse de 1124 à 1133, puis entra à l'abbaye de Rievaux ou Rievaulx (York), qui était une filiale de Clairvaux. Il devint abbé de Revesby (Lincolnshire), puis en 1146, de Rievaulx. Père et guide d'une des plus grandes communautés de l'Europe d'alors, Aelred composa des écrits historiques, intéressant l'histoir […] Lire la suite
ANTOINE LE GRAND saint (251-356)
Il naquit à Qeman, au sud de Memphis en Égypte, de parents chrétiens aisés. Ces derniers étaient morts, quand Antoine, âgé de dix-huit ans, fut frappé par l'appel du Christ dans l'Évangile et vendit ses biens, assurant à sa sœur de quoi vivre et distribuant le reste. Il se mit sous la direction d'un vieillard qui lui apprit à partager son temps entre la prière, la lecture de la Bible et le travail […] Lire la suite
ARCHIMANDRITE
Titre (dont le sens étymologique signifie « gardien de la bergerie ») apparu en Syrie dès le iv e siècle, en concurrence avec celui d'higoumène, pour désigner le supérieur d'un monastère. À partir du vi e siècle, l'archimandrite devient le chef d'un ensemble de monastères. Puis, de plus en plus souvent dans l'Église byzantine, ce titre prit la valeur d'une distinction honorifique, et il est aujo […] Lire la suite
ARSÈNE saint (354 env.-env. 455)
Moine d'Égypte né vers 354 à Rome et mort vers 455 à Toura dans le désert de Scété, saint Arsène aussi appelé Arsenius le Romain, est réputé pour son ascétisme parmi les ermites chrétiens du désert de Libye. Ainsi compté au nombre des fameux Pères du désert, il servit de modèle au développement de la vie monastique et contemplative dans la chrétienté d'Orient comme d'Occident. Saint Arsène est […] Lire la suite
ASCÈSE & ASCÉTISME
Dans le chapitre « L'ascèse chrétienne » : […] L' histoire de l'ascétisme chrétien commence au iv e siècle avec le départ pour le désert d'Égypte de saint Antoine et de Pacôme, le futur organisateur de la vie cénobitique. À cette époque, le christianisme a acquis définitivement droit de cité dans l'Empire romain. Mais, si les persécutions ont cessé, la grande attente eschatologique du retour en gloire du Christ est demeurée d'actualité, avec […] Lire la suite
ATHANASE L'ATHONITE (entre 925 et 930-1002)
Abraamios, le futur Athanase, naît à Trébizonde, où, orphelin, il grandit, épris de vie intérieure, dans la meilleure société. Après 945, il fait à Constantinople une brillante carrière universitaire, mais rompt avec le siècle après avoir rencontré un grand spirituel, Michel Maléïnos, higoumène du mont Kymina, où Abraamios devient moine sous le nom d'Athanase (vers 952). Hésychaste accompli, il cr […] Lire la suite
ATHOS MONT
Dans le chapitre « La prière du cœur » : […] C'est au x e siècle que les moines se sont établis sur la « sainte montagne », « jardin de la Vierge », jalousement interdit à toute autre présence féminine : ermites d'abord (saint Pierre l'Athonite), puis cénobites (saint Athanase fonde la grande laure en 963). L'Athos hérite une conception souple, synthétique, personnaliste de la vie monastique : il s'agit moins de « règles » que d'indication […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
André BAREAU, Guy BUGAULT, Jacques DUBOIS, Henry DUMÉRY, Louis GARDET, Jean GOUILLARD, « MONACHISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/monachisme/