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MACHIAVEL (1469-1527)

Machiavel et la modernité

Le statut que notre modernité reconnaît désormais aux phénomènes de la culture limite sans doute le champ qu'il faut abandonner au machiavélisme. Ce faisant, il lui reconnaît une place : reconnaissance théorique que la pratique ne se laisse pas tout entière cerner. Les journaux politiques nous réservent des surprises, demain et les jours suivants ; et pourtant, dans les livres à venir, des politologues nous diront que tout fait partie du Tout. La puissance de l'esprit consiste en ceci qu'il peut subsumer après-coup la déroute elle-même. C'est cette image de Machiavel baroque, donc initiateur de notre modernité qui a intéressé, par exemple, Ezio Raimondi dans un maître livre, Politica e commedia. Dal Beroaldi al Machiavelli (1972) : « À diriger le jeu de l'orchestre, il y a toujours les hommes légers, „charlatans et vains“, prêts à jouir de l'image d'une humanité de foire et prêts â faire l'expérience, dans le réseau des accidents et des intrigues, de la déroute de l'intelligence, de l'acuité de l'observation. » Car l'une des toutes dernières démarches luxueuses de l'intelligence, c'est probablement de ne pas entretenir trop d'illusions sur elle-même.

Jean-François Lyotard l'exprime d'une façon équivalente, dans Au juste : « Si on me demande quels sont les critères de mon jugement, je n'aurai évidemment pas de réponse à donner. Car si j'avais des critères de jugement [...] cela voudrait dire qu'il y a effectivement un consensus possible sur ces critères [...] et qu'on ne serait donc pas dans la situation de modernité, mais qu'on serait dans le classicisme. Et justement ce que je veux dire, c'est qu'à chaque fois que ces critères nous manquent, on est dans la modernité, où que ce soit. »

Si l'on accepte de définir la modernité, par rapport au classicisme, comme une prise de conscience qui fait, comme toutes les prises de conscience, reculer des repères qu'on croyait acquis, Machiavel doit être admis parmi les premiers Modernes. Il a dit, en un langage emprunté à la tradition (ce qui fait croire aussi bien qu'il est le dernier des Anciens), que le succès sans référence extrinsèque peut être, à un niveau qui existe aussi bien que celui de l'analyse explicative, une satisfaction et un objet digne du désir.

— Jean-François DUVERNOY

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Pour citer cet article

Jean-François DUVERNOY. MACHIAVEL (1469-1527) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Machiavel</it>, attribué à A. Pollaiuolo - crédits :  Bridgeman Images

Machiavel, attribué à A. Pollaiuolo

Autres références

  • LE PRINCE, Nicolas Machiavel - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Louis FOURNEL, Jean-Claude ZANCARINI
    • 734 mots
    • 1 média

    Comprendre les enjeux de l'écriture du Prince implique d'avoir à l'esprit les incessantes guerres d'Italie et leur effet sur Florence, la cité de Machiavel (1469-1527). Tout a été bouleversé par l'arrivée des troupes françaises en Italie en 1494. À Florence, l'...

  • ALTHUSSER LOUIS (1918-1990)

    • Écrit par Saül KARSZ, François MATHERON
    • 4 570 mots
    Le texte le plus bouleversant de l'œuvre posthume d'Althusser est sans aucun doute Machiavel et nous, fruit d'un long détour par Machiavel commencé en 1962 et jamais terminé. Althusser présente le problème de Machiavel comme celui du commencement à partir de rien, c'est-à-dire d'une révolution. En...
  • ART (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 282 mots
    ...l’individu-artiste contribuant par la beauté qu’il produit à magnifier l’individu de pouvoir qui le soutient. Ce n’est nullement un hasard si, à la même époque, le Florentin Machiavel (1469-1527) est le premier à concevoir la politique comme relevant d’un acte créateur, d’une volonté individuelle, du vouloir...
  • BODIN JEAN (1529-1596)

    • Écrit par Pierre MESNARD
    • 4 649 mots
    • 1 média

    Les œuvres de Jean Bodin sont maintenant traduites en plusieurs langues ; souvent rééditées, elles font l'objet de nombreuses études aussi bien en Italie et aux États-Unis qu'en France ; Bodin apparaît aux yeux des critiques comme l'un des plus grands philosophes politiques de tous les temps. Cela...

  • BORGIA CÉSAR (1476-1507)

    • Écrit par Universalis, Michael Edward MALLETT
    • 949 mots

    Fils naturel du futur pape Alexandre VI, né vers 1476, probablement à Rome, mort le 12 mai 1507, près de Viana (Espagne), César Borgia a élargi le pouvoir politique de la papauté et a tenté d'établir sa propre principauté dans le centre de l'Italie. Sa politique inspira le Prince...

  • Afficher les 15 références

Voir aussi