Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MARX KARL (1818-1883)

La révolution de 1848

Expulsé de Bruxelles en mars 1848, Marx est au même moment invité à rentrer en France par le gouvernement provisoire issu de la révolution de Février à l'instigation de ses membres ouvriers. Il s'oppose au projet de certains émigrés d'une expédition militaire en Allemagne. Lorsque éclate le soulèvement pour l'unité nationale et le gouvernement démocratique, Marx rédige les Revendications du Parti communiste en Allemagne, programme d'une possible unité d'action entre la bourgeoisie libérale et le prolétariat. À partir d'avril-mai 1848, il met cette idée en pratique, en dirigeant à Cologne la section de la Ligue des communistes, en fondant une association de travailleurs de sept mille adhérents, en prenant la direction de la Neue rheinische Zeitung (à laquelle collaborent Engels, Lassalle, les frères Wolff...) : à ce journal, dit-il, « on ne pouvait donner qu'un drapeau, celui de la démocratie, mais celui d'une démocratie qui mettrait en évidence en toute occasion le caractère spécifiquement prolétarien qu'elle ne pouvait encore arborer ». Il participe au Comité de salut public créé à Cologne. Par là, s'esquisse une action révolutionnaire de masse qui dépasse largement le cadre initial de la secte socialiste.

Après les articles de Marx contre les massacres des ouvriers français pendant les journées de Juin, les commanditaires libéraux de la Nouvelle Gazette rhénane se retirent. La contre-révolution monarchique, féodale et grande-bourgeoise progresse en Allemagne en même temps que la contre-révolution bourgeoise l'emporte en France. La bourgeoisie allemande choisit l'alliance avec les grands propriétaires fonciers, sous l'hégémonie de l'État prussien, contre le libéralisme politique et l'unité nationale. Marx, accusé de subversion, est acquitté par le jury de Cologne. Rompant avec la bourgeoisie démocratique qu'effraie la révolution, il reprend le travail d'organisation et de formation théorique des organisations ouvrières (Travail salarié et capital, publié en 1849 sous le titre de Lohnarbeit und Kapital, à partir de conférences faites en 1847 à Bruxelles), tout en essayant de contribuer à la résistance armée des révolutionnaires rhénans. Au printemps 1849, Marx est expulsé d'Allemagne, puis, afin d'échapper à l'assignation à résidence par le gouvernement français, il se réfugie à Londres (sur tous ces événements, lire Révolution et contre-révolution en Allemagne d'Engels).

Après l'échec des révolutions en France et en Europe, Marx est un temps persuadé que la reprise du soulèvement est imminente en France. Aux sections de la Ligue des communistes reconstituée, il écrit : « Le parti du prolétariat doit se différencier des démocrates petits-bourgeois qui veulent terminer la révolution au plus vite [...] et rendre la révolution permanente jusqu'à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été chassées du pouvoir [...] dans tous les pays principaux du monde » (1850). Au même moment, apparaît pour la première fois chez lui la notion de dictature du prolétariat, forme politique indispensable pour « maintenir la révolution en permanence jusqu'à la réalisation du communisme ».

En comparant le déroulement des révolutions française et allemande, en étudiant leur interdépendance et les conditions économiques dans lesquelles elles se déroulent, Marx énonce une quadruple conclusion :

–  L'état du rapport des forces entre les classes qui luttent les unes contre les autres dans la société moderne dépend de la conjoncture économique : l'affaiblissement de la bourgeoisie et son isolement résultent de la crise commerciale mondiale de 1847, son renforcement en 1848-1849 dépend du retour de la prospérité industrielle. « Une véritable révolution n'est possible que[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Étienne BALIBAR et Pierre MACHEREY. MARX KARL (1818-1883) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Karl Marx - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Karl Marx

<it>Karl Marx</it> - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Karl Marx

Bakounine - crédits : Nadar/ Getty Images

Bakounine

Autres références

  • LE CAPITAL, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Annie SORIOT
    • 1 125 mots
    • 2 médias

    Das Kapital (Le Capital) est considéré par Karl Marx (1818-1883) lui-même comme son œuvre majeure. Empruntant à différents champs disciplinaires (l'économie, la sociologie, la philosophie, l'essai politique) et s'inscrivant dans la continuité d'Adam Smith, David Ricardo...

  • LE 18-BRUMAIRE DE LOUIS BONAPARTE, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Emmanuel BAROT
    • 1 248 mots
    • 1 média

    Constitué originellement de sept articles écrits « à chaud » au début de 1852, en réaction immédiate au coup d'État perpétré en France le 2 décembre 1851 par Louis-Napoléon Bonaparte, l'ouvrage fut finalement publié en mai 1852 dans le premier numéro de la revue new-yorkaise ...

  • LES LUTTES DE CLASSES EN FRANCE, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 1 141 mots
    • 1 média

    Juste placé après l'exposé de sa théorie matérialiste de l'histoire et de ses analyses critiques de Feuerbach, Hegel et des socialistes utopiques (La Sainte famille, L'Idéologie allemande, Thèses sur Feuerbach, Misère de la philosophie), le présent ouvrage appartient à un ensemble...

  • MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE, Karl Marx et Friedrich Engels - Fiche de lecture

    • Écrit par Isabelle GARO
    • 908 mots
    • 1 média

    Œuvre de commande, le Manifeste est rédigé par Marx et Engels (Marx en étant le principal rédacteur) en 1848, à la demande de la Ligue des communistes dont le premier congrès s'est tenu à Londres en 1847. La Ligue rompt avec la tradition des sociétés secrètes ouvrières et décide d'inscrire son action...

  • ABENSOUR MIGUEL (1939-2017)

    • Écrit par Anne KUPIEC
    • 898 mots
    • 1 média

    Utopie, émancipation, critique, politique – tels sont les termes qui peuvent qualifier le travail conduit par Miguel Abensour, professeur de philosophie politique, éditeur et penseur.

    Miguel Abensour est né à Paris le 13 février 1939. Agrégé de sciences politiques, auteur d’une thèse d’État (...

  • ADORNO THEODOR WIESENGRUND (1903-1969)

    • Écrit par Miguel ABENSOUR
    • 7 899 mots
    • 1 média
    ...l'émancipation est fragile. Le meilleur moyen de la préserver est de se tenir à l'écart de tous les rêves de puissance, de plénitude, d'avidité satisfaite. De là la critique adressée à Marx dans Dialectique négative : « Marx a hérité de Kant et de l'idéalisme allemand la thèse du primat de la...
  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    C'est à ce titre que l'aliénation-déperdition fait retour, avec le jeune Marx, à la critique de l'économie politique et se superpose au concept d'aliénation-vente ; ainsi le concept initial est surchargé de toute la pesanteur spéculative drainée en cours de route par la gnose, la théologie et la philosophie...
  • ALIÉNATION, sociologie

    • Écrit par Jean-Pierre DURAND
    • 729 mots

    Pour les sociologues, le concept d'aliénation a été forgé par Karl Marx à la suite de ses lectures de Hegel. Lors du rapport salarial capitaliste, le résultat du travail de l'ouvrier ne lui appartient pas puisqu'il a échangé un temps de travail contre un salaire. À la fin de cet échange...

  • Afficher les 91 références

Voir aussi