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MARX KARL (1818-1883)

La Commune, la fin de l'Internationale, les dernières œuvres (1871-1883)

La Commune de Paris

La Commune de Paris et ses conséquences immédiates marquent la fin de la première période de l'histoire du mouvement ouvrier organisé. Du point de vue de Marx, la guerre franco-allemande de 1870 présente un redoutable dilemme :

–  Elle annonce, quelle qu'en soit l'issue, la chute de Napoléon III, la fin du bonapartisme en France et la fin de son influence sur l'Europe : elle implique du même coup la réalisation de l'unité allemande, c'est-à-dire la fin du processus de révolution bourgeoise ; et celle-ci est elle-même la condition de l'approfondissement des luttes de classes en Allemagne, du développement du mouvement ouvrier allemand. Du côté allemand, la guerre a, en dernière analyse, un caractère défensif.

–  Mais la guerre franco-allemande signifie aussi que la révolution bourgeoise en Allemagne sera achevée par le haut, sous l'hégémonie de l'État prussien des hobereaux. Par là même, elle annonce la reconstitution immédiate du bloc défensif des classes possédantes européennes, au prix de quelques changements dynastiques et d'un renversement des hiérarchies : c'est ce que prouve aussitôt la collusion de Bismarck et de Thiers, qui permet l'écrasement de la Commune, lequel permet à son tour la répression féroce du mouvement ouvrier en Allemagne et dans toute l'Europe.

C'est dans l'intervalle, dans le jeu laissé par cette contradiction complexe, que peut se manifester l'action du prolétariat.

L'Internationale organise ou appuie les manifestations de solidarité mutuelle des classes ouvrières allemande et française, qui précèdent de peu l'entrée en guerre. Après la chute du Second Empire, remarquant que la République française « n'a pas renversé le trône, mais seulement pris sa place restée vacante », et qu'elle continue donc sa politique, l'Internationale (par la plume de Marx) montre que « la classe ouvrière française se [trouve] placée dans des circonstances extrêmement difficiles », et que l'insurrection « serait une folie désespérée ». Pourtant « il serait évidemment fort commode de faire l'histoire si l'on ne devait engager la lutte qu'avec des chances infailliblement favorables [...]. La démoralisation de la classe ouvrière serait un malheur bien plus grand que la perte d'un nombre quelconque de « chefs ». Grâce au combat livré par Paris, la lutte de la classe ouvrière contre la classe capitaliste et son État capitaliste est entrée dans une nouvelle phase. Mais, quelle qu'en soit l'issue, nous avons obtenu un nouveau point de départ d'une importance historique universelle » (à Kugelmann, 17 avr. 1871).

Dès l'insurrection du 18 mars 1871 en réponse à la provocation de Versailles, le Conseil général de l'Internationale, qui n'avait aucune part directe dans son déclenchement, « salua avec enthousiasme l'initiative révolutionnaire des masses » (Lénine, Karl Marx). Il organise, sous la direction de Marx, la solidarité internationale vis-à-vis de la Commune, malgré de très grandes difficultés. Forçant le blocus, il peut communiquer à la Commune des informations (sur l'accord secret conclu entre Bismarck et Jules Favre) et quelques conseils tactiques en matière de défense militaire, de finances, de politique du travail. Après la chute de la Commune, due en partie à « la trop grande honnêteté » des travailleurs parisiens qui ne voulurent pas devancer la concentration des troupes versaillaises et prussiennes en prenant l'offensive, ni répondre à la terreur bourgeoise par la terreur populaire, Marx et ses camarades organisent le sauvetage des rescapés.

La « dictature du prolétariat »

La classe ouvrière dominait, en fait, mais n'assurait[...]

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Pour citer cet article

Étienne BALIBAR et Pierre MACHEREY. MARX KARL (1818-1883) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Karl Marx - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

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Karl Marx

Bakounine - crédits : Nadar/ Getty Images

Bakounine

Autres références

  • LE CAPITAL, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Annie SORIOT
    • 1 125 mots
    • 2 médias

    Das Kapital (Le Capital) est considéré par Karl Marx (1818-1883) lui-même comme son œuvre majeure. Empruntant à différents champs disciplinaires (l'économie, la sociologie, la philosophie, l'essai politique) et s'inscrivant dans la continuité d'Adam Smith, David Ricardo...

  • LE 18-BRUMAIRE DE LOUIS BONAPARTE, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Emmanuel BAROT
    • 1 248 mots
    • 1 média

    Constitué originellement de sept articles écrits « à chaud » au début de 1852, en réaction immédiate au coup d'État perpétré en France le 2 décembre 1851 par Louis-Napoléon Bonaparte, l'ouvrage fut finalement publié en mai 1852 dans le premier numéro de la revue new-yorkaise ...

  • LES LUTTES DE CLASSES EN FRANCE, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 1 141 mots
    • 1 média

    Juste placé après l'exposé de sa théorie matérialiste de l'histoire et de ses analyses critiques de Feuerbach, Hegel et des socialistes utopiques (La Sainte famille, L'Idéologie allemande, Thèses sur Feuerbach, Misère de la philosophie), le présent ouvrage appartient à un ensemble...

  • MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE, Karl Marx et Friedrich Engels - Fiche de lecture

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    • 1 média

    Œuvre de commande, le Manifeste est rédigé par Marx et Engels (Marx en étant le principal rédacteur) en 1848, à la demande de la Ligue des communistes dont le premier congrès s'est tenu à Londres en 1847. La Ligue rompt avec la tradition des sociétés secrètes ouvrières et décide d'inscrire son action...

  • ABENSOUR MIGUEL (1939-2017)

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    • 1 média

    Utopie, émancipation, critique, politique – tels sont les termes qui peuvent qualifier le travail conduit par Miguel Abensour, professeur de philosophie politique, éditeur et penseur.

    Miguel Abensour est né à Paris le 13 février 1939. Agrégé de sciences politiques, auteur d’une thèse d’État (...

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    • Écrit par Miguel ABENSOUR
    • 7 899 mots
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    ...l'émancipation est fragile. Le meilleur moyen de la préserver est de se tenir à l'écart de tous les rêves de puissance, de plénitude, d'avidité satisfaite. De là la critique adressée à Marx dans Dialectique négative : « Marx a hérité de Kant et de l'idéalisme allemand la thèse du primat de la...
  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    C'est à ce titre que l'aliénation-déperdition fait retour, avec le jeune Marx, à la critique de l'économie politique et se superpose au concept d'aliénation-vente ; ainsi le concept initial est surchargé de toute la pesanteur spéculative drainée en cours de route par la gnose, la théologie et la philosophie...
  • ALIÉNATION, sociologie

    • Écrit par Jean-Pierre DURAND
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    Pour les sociologues, le concept d'aliénation a été forgé par Karl Marx à la suite de ses lectures de Hegel. Lors du rapport salarial capitaliste, le résultat du travail de l'ouvrier ne lui appartient pas puisqu'il a échangé un temps de travail contre un salaire. À la fin de cet échange...

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