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MARX KARL (1818-1883)

« Le Capital » et l'Internationale (1850-1870)

La période qui va de 1850 à 1870 est d'abord celle du triomphe de la contre-révolution sur le continent et même en Angleterre. C'est la période de l'alliance entre les gouvernements russe, anglais, français, prussien, autrichien qui s'accordent, tout en se querellant, pour maintenir l'ordre existant. C'est la période des premiers affrontements impérialistes pour le partage du monde. C'est la période où la révolution industrielle capitaliste (dont l'Angleterre, qui domine le marché mondial, reste le centre) s'étend en profondeur à la France, à l'Allemagne, aux États-Unis. Mais c'est aussi, à partir des années 1860, la période des luttes de libération nationale en Europe (Irlande, Pologne), la période de l'accroissement massif de la classe ouvrière, des progrès de son organisation syndicale, des premières grandes grèves.

La préparation du « Capital »

« Marx vit dans un grand isolement [...]. Lorsqu'on lui rend visite, on est accueilli non par des salutations, mais par des catégories économiques » (Pieper à Engels, janv. 1851). Il poursuit des travaux théoriques acharnés, notamment à la salle de lecture du British Museum, qui portent surtout sur l'économie politique, mais également sur la philosophie, sur l'histoire, sur les sciences naturelles, sur les mathématiques. En 1866 encore, il écrit : « Bien que je consacre beaucoup de temps aux travaux préparatoires pour le Congrès de Genève [de l'Internationale], je ne puis, ni ne veux m'y rendre, car il m'est impossible d'interrompre mon travail pendant un temps aussi long. Par ce travail, j'estime faire quelque chose de bien plus important pour la classe ouvrière que tout ce que je pourrais faire personnellement dans un congrès quelconque » (lettre à Kugelmann du 23 août 1866).

Aujourd'hui, grâce à la publication des différents manuscrits qui s'étendent de 1857 (Grundrisse) à 1867 (livre I du Capital), on peut se faire une idée plus précise de l'ampleur et des étapes de cette recherche. Elle se concentre autour de deux grands thèmes. D'un côté (à travers la critique de Proudhon et du « socialisme ricardien », qui – comme chez Hodgskin – cherchait à fonder sur la « loi de la valeur » smithienne un plan de redistribution de la richesse sociale), elle démasque au fondement du concept classique d' échange (et de marché) une représentation anthropologique naturaliste et essentiellement juridique. De l'autre, elle confronte le concept ricardien de la productivité du capital à l'analyse du procès de travail et des conditions de vie de la classe ouvrière (notamment par l'utilisation systématique des rapports des « inspecteurs de fabriques » anglais, tel L. Horner, qui décrivent en détail l'intensification du « surtravail » par la révolution industrielle). L'accumulation capitaliste apparaît alors comme une dialectique sociale du « travail mort » et du « travail vivant », du développement de la « force productive » (manuelle et intellectuelle) et de l'exploitation, dont l'« automouvement » engendre progressivement tout le système des rapports sociaux de la « société bourgeoise ».

Ce travail est fréquemment interrompu par suite de la terrible misère matérielle dans laquelle il vit : « Je ne pense pas qu'on ait jamais écrit sur l'argent tout en en manquant à ce point. La plupart des auteurs qui en ont traité vivaient en bonne intelligence avec le sujet de leurs recherches » (à Engels, 21 janv. 1859). Plusieurs enfants de Marx meurent alors en bas âge. Les huissiers prennent, à sa poursuite, le relais de la police.

Marx collabore à différents journaux démocratiques, puis socialistes, notamment le New York Daily Tribune, où paraissent[...]

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Pour citer cet article

Étienne BALIBAR et Pierre MACHEREY. MARX KARL (1818-1883) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Karl Marx - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

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Karl Marx

Bakounine - crédits : Nadar/ Getty Images

Bakounine

Autres références

  • LE CAPITAL, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Annie SORIOT
    • 1 125 mots
    • 2 médias

    Das Kapital (Le Capital) est considéré par Karl Marx (1818-1883) lui-même comme son œuvre majeure. Empruntant à différents champs disciplinaires (l'économie, la sociologie, la philosophie, l'essai politique) et s'inscrivant dans la continuité d'Adam Smith, David Ricardo...

  • LE 18-BRUMAIRE DE LOUIS BONAPARTE, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Emmanuel BAROT
    • 1 248 mots
    • 1 média

    Constitué originellement de sept articles écrits « à chaud » au début de 1852, en réaction immédiate au coup d'État perpétré en France le 2 décembre 1851 par Louis-Napoléon Bonaparte, l'ouvrage fut finalement publié en mai 1852 dans le premier numéro de la revue new-yorkaise ...

  • LES LUTTES DE CLASSES EN FRANCE, Karl Marx - Fiche de lecture

    • Écrit par Éric LETONTURIER
    • 1 141 mots
    • 1 média

    Juste placé après l'exposé de sa théorie matérialiste de l'histoire et de ses analyses critiques de Feuerbach, Hegel et des socialistes utopiques (La Sainte famille, L'Idéologie allemande, Thèses sur Feuerbach, Misère de la philosophie), le présent ouvrage appartient à un ensemble...

  • MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE, Karl Marx et Friedrich Engels - Fiche de lecture

    • Écrit par Isabelle GARO
    • 908 mots
    • 1 média

    Œuvre de commande, le Manifeste est rédigé par Marx et Engels (Marx en étant le principal rédacteur) en 1848, à la demande de la Ligue des communistes dont le premier congrès s'est tenu à Londres en 1847. La Ligue rompt avec la tradition des sociétés secrètes ouvrières et décide d'inscrire son action...

  • ABENSOUR MIGUEL (1939-2017)

    • Écrit par Anne KUPIEC
    • 898 mots
    • 1 média

    Utopie, émancipation, critique, politique – tels sont les termes qui peuvent qualifier le travail conduit par Miguel Abensour, professeur de philosophie politique, éditeur et penseur.

    Miguel Abensour est né à Paris le 13 février 1939. Agrégé de sciences politiques, auteur d’une thèse d’État (...

  • ADORNO THEODOR WIESENGRUND (1903-1969)

    • Écrit par Miguel ABENSOUR
    • 7 899 mots
    • 1 média
    ...l'émancipation est fragile. Le meilleur moyen de la préserver est de se tenir à l'écart de tous les rêves de puissance, de plénitude, d'avidité satisfaite. De là la critique adressée à Marx dans Dialectique négative : « Marx a hérité de Kant et de l'idéalisme allemand la thèse du primat de la...
  • ALIÉNATION

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 8 006 mots
    C'est à ce titre que l'aliénation-déperdition fait retour, avec le jeune Marx, à la critique de l'économie politique et se superpose au concept d'aliénation-vente ; ainsi le concept initial est surchargé de toute la pesanteur spéculative drainée en cours de route par la gnose, la théologie et la philosophie...
  • ALIÉNATION, sociologie

    • Écrit par Jean-Pierre DURAND
    • 729 mots

    Pour les sociologues, le concept d'aliénation a été forgé par Karl Marx à la suite de ses lectures de Hegel. Lors du rapport salarial capitaliste, le résultat du travail de l'ouvrier ne lui appartient pas puisqu'il a échangé un temps de travail contre un salaire. À la fin de cet échange...

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