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MILITAIRE INDUSTRIE

Entre trafics d'armes et politiques de désarmement

Reste aussi à connaître la part du trafic d'armes clandestin à l'échelle internationale. Son ampleur est difficile à mesurer, tout comme le volume financier qu'ils représente chaque année. Le trafic international d'armes de guerre profite des défaillances d'un cadre juridique marqué par une extrême hétérogénéité.

Les trafics sont très dynamiques dans les zones dites grises, expression apparue dans les années 1990 pour définir les régions qui cumulent désordres politiques, économiques et sociaux, facteurs d'instabilité chronique. Ces crises sociopolitiques favorisent les processus de balkanisation (désintégration de l'autorité centrale étatique), les situations de non-droit, les dérives mafieuses des sociétés. Elles se traduisent par des guerres intraétatiques (crises majeures sur un même territoire) ou interétatiques (entre plusieurs États) qui trouvent leur racine dans le nationalisme identitaire, dans des revendications ethniques et/ou religieuses. Ces guerres civiles peuvent conduire, par le jeu des alliances, à une extension du conflit, avec l'intervention de pays frontaliers. La durée de ces conflits est fonction de l'implication des pays occidentaux, soit directement, soit indirectement par le jeu des multinationales. Les régions touchées représentent très souvent aussi un enjeu pour le contrôle et l'exploitation d'une ou de plusieurs ressources rares (pétrole, uranium, diamant, eau), ce qui exacerbe les trafics d'armes au profit de toutes les factions, comme ce fut le cas en Sierra Leone ou en Angola.

Le trafic d'armes concerne donc majoritairement les armes dites légères et de petit calibre (A.L.P.C.). Contrairement à cette qualification, a priori restrictive, sont intégrés à cet ensemble, outre les pistolets, fusils et carabines, les fusils d'assaut, mitrailleuses, fusils de tireur d'élite, grenades, lance-grenades et lance-roquettes, ainsi que les lance-missiles antiaériens portables et les mortiers portables de calibre inférieur à 100 mm. Ces derniers ont même été reconnus par l'O.N.U. comme étant les armes de prédilection dans 46 des 49 grands conflits connus depuis 1990, engendrant la mort de plus de 4 millions de personnes, dont 90 p. 100 de civils. Au début des années 2000, selon les sources, on évaluait à plus de 630 millions le nombre d'armes en circulation à travers le monde. Parmi les armes les plus répandues, le lance-roquette RPG-7 et, surtout, le fusil d'assaut AK-47, dont les droits sont détenus par la société d'État russe Izhmash. Cela n'a pas empêché la floraison de contrefaçons, si bien que seuls 10 à 12 p. 100 du million d'AK-47 vendus chaque année dans le monde sont authentiques. Les autres sont parfois fabriquées artisanalement au Ghana, au Sénégal, en Guinée ou au Nigeria, sans oublier bien entendu les productions en provenance d'Asie centrale et de l'Est.

Il reste que 80 p. 100 des 7 millions d'armes légères produites chaque année sont issues soit d'Europe au sens large (occidentale, centrale et orientale), soit des États-Unis, contre 8 p. 100 de producteurs du Moyen-Orient, 6 p. 100 d'Asie et du Pacifique et 3 p. 100 d'Amérique du Sud. Au sein de l'Union européenne, quelque 415 producteurs d'A.L.P.C. ont été recensés, un chiffre comparable à la situation observée aux États-Unis. Il faut aussi rappeler à ce sujet que la privatisation massive des entreprises publiques après la chute du bloc communiste a conduit à une multiplication du nombre de producteurs d'A.L.P.C. dans les pays anciennement intégrés au pacte de Varsovie (République tchèque, Hongrie, Pologne, Ukraine...).

L'industrie militaire dans le monde au milieu des années 2000 donne ainsi l'impression d'un paradoxe : alors que le commerce[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire, enseignant en histoire et géographie, en géopolitique et défense intérieure

Classification

Pour citer cet article

Pascal LE PAUTREMAT. MILITAIRE INDUSTRIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire

    • Écrit par Paul AKAMATSU, Vadime ELISSEEFF, Universalis, Valérie NIQUET, Céline PAJON
    • 44 405 mots
    • 52 médias
    ...renforçant la surveillance des activités maritimes et aériennes de la Chine et d’y répondre, le cas échéant. Dans cette perspective, Tōkyō fait l’acquisition d’avions de chasse et de patrouille, de nouveaux sous-marins et d’énormes destroyers porte-aéronefs, de radars et drones, tout en développant une...
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Voir aussi